D’après la conférence du 21 mars 2019 de Dominique Polton, vice-présidente du Conseil stratégique de l’innovation en santé, et Natacha Lemaire, rapporteur général, à l'occasion du Cycle 2019 de la Chaire Santé SciencesPo "Des outils pour faire évoluer le système de santé". 

Pourquoi cet article 51 ? "Parce que les innovations ont du mal à se frayer un chemin dans le système de soin", constate Dominique Polton, vice-présidente du conseil stratégique de l’innovation en santé. Jusqu’à présent, chaque expérimentation (télémédecine, nouveaux modes de financement, etc.) a fait l’objet d’une loi, puis il était difficile de l’arrêter ou de la généraliser, ce qui n’était guère productif ! Pour que ces expérimentations aient réellement la capacité de transformer le système à grande échelle, "il ne suffit pas de doter le cadre expérimental en financements, encore faut-il ajouter une organisation pour le soutenir".

La même réflexion inspire des démarches mises en place par le Center for Medicare and Medicaid Innovation aux États-Unis, et plus récemment par l’Allemagne et l’Angleterre. Le nouveau dispositif français, doté d’un fonds d’innovation de 30 millions d’euros en 2019 géré par l’Assurance maladie, est un "laboratoire pour la stratégie de transformation du système de santé" qui permet de tester les innovations en vie réelle, et "bouscule beaucoup d’habitudes", reconnaît-elle. Il est une "invitation à penser autrement, à travailler de manière plus collaborative et partenariale, ce qui nécessite écoute, échange, dialogue", enchérit Natacha Lemaire, rapporteur général.

La loi distingue les organisations innovantes de celles sur la pertinence de la prise en charge des produits de santé. Concernant les premières, pour être éligible, l’organisation doit donc être innovante, et, condition sine qua non, requérir une dérogation au code de santé publique ou à celui de la Sécurité sociale. Les projets (durée : cinq ans au maximum ; périmètre adaptable de l’infrarégional au national) sont sélectionnés notamment sur leur caractère reproductible et innovant, et leur efficience (qualité de la prise en charge rapportée aux coûts, mais "il n’est pas demandé de faire nécessairement des économies"). Après un premier avis, le cahier des charges est finalisé, organisation et financement sont proposés.

L’étranger, source d’inspiration

De nombreux pays ayant un système de santé organisé en silos cherchent à mieux coordonner les professionnels autour des patients. Dans le comté de Stockholm, les Suédois ont jugé positive l’expérience d’un paiement global renvoyant à un épisode de soins, après pose de prothèses de hanche et de genou, avec prise en charge des soins pré- et postopératoires, des complications ou réinterventions, avec une garantie de suivi de cinq ans en cas d’infection. Après une longue période pour définir des normes de qualité, la liste d’attente a été résorbée, le taux de réhospitalisation diminué, non pas "par la magie du forfait, mais par le travail des professionnels qui ont porté attention à la qualité de l’intervention", grâce aux indicateurs de résultats et à la prise en compte de ceux exprimés par le patient, patient reported outcome measures (Proms), prévient Dominique Polton.

Elle évoque aussi la forfaitisation par pathologie chronique appliquée aux Pays-Bas dans la prise en charge du diabète en ville, où le principal résultat concerne le changement des pratiques ("les gens discutent entre eux"). Natacha Lemaire décrit l’expérience américaine des Accountable Care Organizations (ACO), où, sans toucher à la rémunération à l’acte, on module l’intéressement du groupement d’acteurs en santé aux économies réalisées dans la prise en charge des patients en fonction d’indicateurs de qualité tenant compte des patient reported experience measures (Prems) et des taux de réhospitalisation : "Ces programmes coûtent un peu plus cher qu’ils ne rapportent les trois premières années, mais l’évolution est très favorable pour les trois quarts des indicateurs de qualité." 

Expériences nationales et de terrain

Portées par le ministère de la Santé et par l’Assurance maladie, les expériences nationales font écho à ces expériences étrangères. L’expérimentation au parcours de soins dans la chirurgie du cancer du côlon et des prothèses de hanche et de genou n’entrera en phase prospective que si elle s’avère probante au terme du bilan de la première phase comparant la réalisation et la valeur de chaque forfait. Une autre expérimentation, inspirée des ACO, sur le modèle de l’incitation à une prise en charge partagée (Ipep) sans modifier les modes de rémunération, a impliqué pour sa préparation dix-huit groupements, organisés autour de CPTS (ville, hôpital et médicosocial) ou de GHT ou d’acteurs de la ville (MSP pluriprofessionnelles), avec un intéressement à la maîtrise des dépenses et à la qualité (inclut l’expérience patient, avec un questionnaire spécifique).

Enfin, une rémunération forfaitaire collective, calculée par patient pour une population donnée, substituée au paiement à l’acte et ajustée aux risques, est prévue dans trois domaines (diabète, personnes âgées de plus de 65 ans, patientèle totale). En outre, 374 projets issus du terrain ont été déposés auprès des ARS, deux ont été autorisés fin 2018 : DiVa, en Bourgogne-Franche-Comté et EMNO, parcours médico-éducatif pluridisciplinaire.

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