Les rencontres annuelles de l’European Forum for Primary Care (EFPC) permettent de collecter des données et de partager des informations entre les différents pays membres sur les structures d’exercice et les stratégies d’organisation. C’est dans le cadre du dernier congrès, qui avait lieu les 24 et 25 septembre en Crète, que Louise Rossignol, présidente du conseil scientifique de l’Institut Jean-François Rey (IJFR), et médecin généraliste à Nanterre, a présenté le dispositif de prise en charge médicale des mineurs étrangers non accompagnés, mis en place par l’espace santé jeunes de la municipalité.

En franchissant les portes de cette structure, tous les jeunes de 11 à 25 ans peuvent bénéficier anonymement et gratuitement d’une consultation médicale pour un bilan de santé mais aussi avoir un rendez-vous avec un dentiste, une diététicienne, un psychologue ou une infirmière. Orientés par l’aide sociale à l’enfance, 175 jeunes ont ainsi été vus en consultation en 2017 dont 43 étaient des mineurs étrangers non accompagnés (79 % de garçons), la plupart venant d’Afrique subsaharienne (Mali, Côte d’Ivoire, Guinée) mais aussi de Syrie et d’Afghanistan. Âgés en moyenne de 16 ans, ces jeunes migrants peuvent souffrir de stress post-traumatique.

Les consultations, qui sont l’occasion d’une remise à jour des carnets de vaccination, font également ressortir des problèmes bucco-dentaires, des souffles cardiaques et des problèmes de vue. "Depuis septembre, nous sommes confrontés à un véritable débordement des services sanitaires et sociaux, avec l’augmentation importante des jeunes migrants non accompagnés, indique Louise Rossignol. Nous allons essayer de répartir le nombre sur l’ensemble du territoire car nous répondons à un vrai besoin de service public, en permettant à ces jeunes qui n’ont pas encore de droits ouverts, d’avoir accès à des consultations médicales."

Côté financement, la structure bénéficie de plusieurs dotations (département, ville notamment) en répondant à des appels à projets spécifiques, en particulier sur la santé des jeunes. Pour les jeunes étrangers non accompagnés, les factures sont adressées à l’aide sociale à l’enfance. La présentation de cette initiative lors du dernier forum a généré un échange d’expériences sur la prise en charge sanitaire et sociale des jeunes migrants, la perception et la représentation de ces derniers dans les différents pays membres.

3 questions à

"L’enjeu : essayer de réconcilier les réseaux de soins primaires"

Trois questions au Dr Hélène Colombani, médecin directeur de la santé à la Ville de Nanterre et présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS), qui co-organise le prochain Forum européen sur les soins primaires (EFPC), prévu à Nanterre du 30 septembre au 1er octobre 2019.

Pourquoi les Français présentent-ils rarement leurs initiatives dans les congrès internationaux ?

Il y a d’abord la barrière de la langue. Je pense que les Français s’autocensurent en se disant que cela va être difficile de présenter quelque chose en anglais, même si pour les jeunes générations, cette difficulté se ressent moins. Nous avons aussi tendance à être un peu centrés sur nous-même et moins attentifs à ce que peuvent produire les autres dans le domaine de la santé. Il y a cinq ans, je suis allée pour la première fois au Congrès annuel de l’EFPC à Barcelone, au nom de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS). J’étais la seule Française, avec beaucoup d’autres francophones suisses et belges. Malgré mon anglais approximatif, j’ai eu un très bon accueil. Ces dernières années, je me suis plus impliquée et j’ai intégré le conseil stratégique de ce réseau auquel adhèrent aussi la FFMPS (pôles et maisons de santé), la SFTG (organisme de formation continue du généraliste), l’Union syndicale des médecins salariés de centres de santé (USMCS) et l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes). Ce partage d’expériences pluriprofessionnelles autour des soins primaires crée une dynamique d’échanges et de réflexion. La visite d’un centre de santé en Catalogne (Espagne) m’a par exemple inspirée pour l’embauche d’une infirmière de pratique avancée dans notre centre de santé.



Hélène Colombani

Pourquoi est-ce important de le faire ?

Quand on est dans son quotidien et sa pratique, on se retrouve parfois face à des problèmes (organisation, accès aux soins…), sans trouver de solution. En constatant que les autres pays sont confrontés aussi à des problématiques similaires, cela aide à avoir un autre regard et du recul sur sa pratique.

Quel est l’enjeu de la conférence 2019 qui aura lieu en France ?

Il y a deux gros enjeux. Le premier est de mobiliser les réseaux de soins primaires autour de cet événement, en profitant du fait que cette conférence ait lieu en France pour en faciliter l’accès et permettre ainsi aux professionnels de santé de découvrir l’EFPC. Nous allons mettre en place une traduction simultanée, afin qu’il n’y ait pas cette barrière de la langue. Le deuxième est d’essayer de réconcilier les différents réseaux de soins primaires. L’ambulatoire reste très disparate en France : maisons de santé, centres de santé, médecins libéraux à pratique isolée ou en groupe… etc. On gagnerait à s’organiser plus et à porter ensemble un projet pour les soins ambulatoires, en sortant des "guéguerres" de territoire.

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