Vingt-trois mille nouveaux cas par an, et plus de 200 000 personnes touchées en France. Les lymphomes représentent la cinquième forme de cancer en termes d’incidence – la première chez les adolescents et les jeunes adultes. Mais lorsqu’en 2000, le président actuel de l’association France Lymphome Espoir, Guy Bourguet, s’est vu diagnostiquer un lymphome folliculaire, ses tentatives pour en apprendre davantage et s’impliquer dans son propre parcours se sont heurtées à un mur : celui de la langue. Toutes les informations qu’il a pu recueillir sur internet étaient en anglais. De cette expérience est née la première mission de l’association : s’assurer de la possibilité de s’informer. « Partout en France », précise Guy Bourguet.

Dès 2005, en compagnie d’autres patients et de son hématologue, puis soutenu par les laboratoires Roche, il a entrepris la rédaction d’un document destiné à informer les patients (et les professionnels). En 2006, l’association est créée, puis, la même année, le site internet. Et cette mission d’information, l’association l’a inscrite dans sa charte, qui précise qu’elle s’engage à donner « toutes les informations sur la nature et l’évolution des connaissances sur le lymphome », et notamment qu’elle « expliquera les traitements que suivent les patients lorsqu’ils en feront la demande ».

Une rigueur scientifique nécessaire

Pour assurer cette pédagogie au regard des dernières avancées de la science, France Lymphome Espoir s’est entourée d’un comité scientifique composé de 14 hématologues français, spécialisés dans les lymphomes. Il est coprésidé par le Dr Pauline Brice, hémato-oncologue à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), et le Dr Philippe Solal-Céligny, responsable du département d’hématologie et d’oncologie médicale de la clinique Victor-Hugo (Le Mans). Ce comité, essentiel à la mission de l’association, garantit la précision et l’actualisation des informations. Cette rigueur scientifique est par ailleurs scellée avec des partenariats d’organismes officiels, notamment avec l’Institut national du cancer (INCa).

« Nous tentons de mettre en place une stratégie pour que le patient puisse comprendre ses options thérapeutiques, précise Guy Bourguet. Notre objectif, c’est de favoriser sa participation au protocole décisionnel, car il y a souvent plusieurs stratégies possibles dans le traitement des lymphomes. Et nous savons qu’un patient éduqué est mieux pris en charge, et qu’il bénéficie de meilleurs résultats dans le traitement de sa maladie. »

Or, dans près d’un cas sur deux, l’hématologue ne consacre que 15 à 20 minutes à chaque patient lors des consultations, par manque de temps et de ressources humaines. Résultat : le patient n’est associé à la décision de traitement que dans 18 % des cas*. France Lymphome Espoir apporte alors son expertise sur les traitements, les médicaments mais aussi sur des sujets comme la préservation de la fertilité ou les soins de support. Son site internet (qui comptabilise tout de même plus de 1 million de pages vues !), des brochures distribuées dans les centres de soins et la revue Lymphom’action, éditée trois fois par an à 2 000 exemplaires, participent à la diffusion de l’information. De manière plus locale, des réunions d’information dans les centres de soins, en présence des professionnels de santé, sont aussi organisées.

Par la recherche, pour la recherche

Cette mission d’information, France Lymphome Espoir la complète avec des enquêtes nationales, tous les ans, sur l’accès aux soins ou sur l’impact d’un lymphome sur la vie professionnelle, par exemple. Elle organise également la Journée mondiale des lymphomes, en France, ou encore un colloque annuel, « Lymphormons-nous », réunissant les patients et leurs proches autour de professionnels de santé, et au cours duquel des bourses de recherche sont attribuées.

En 2019, quatre bourses de 20 000 euros chacune ont été attribuées : un prix « Jeune Chercheur », une bourse « Qualité de vie » pour un projet de suivi ambulatoire après traitement par CAR-T cells, la bourse « Sacha » destinée à des recherches sur la préservation de la fertilité des garçons, et une dernière pour soutenir la recherche autour d’un registre des lymphomes anaplasiques associés aux implants mammaires.

Dans les labos, dans les couloirs, auprès des patients

Et si elle met son grain de sel pour favoriser la recherche, l’association exerce aussi une fonction de lobby. Elle est, par exemple, impliquée dans les discussions liées aux recommandations de la Haute Autorité de santé. « Par notre plaidoyer, nous poussons pour un accès aux thérapies innovantes, explique Guy Bourguet. Nous sommes d’ailleurs très contents qu’un anti-PD-1 soit désormais pris en charge par l’Assurance maladie en cas d’échec thérapeutique sur un lymphome de Hodgkin. »

Enfin, France Lymphome Espoir remplit une autre mission, primordiale pour toute association de patients : celle d’une présence et d’un soutien moral pour les malades. Des bénévoles sont présents dans une dizaine de centres répartis sur l’ensemble du territoire, et une permanence téléphonique est assurée deux jours par semaine. Le forum et les réseaux sociaux sont également des lieux d’échanges privilégiés pour les membres.

Des moments plus conviviaux sont également mis en place autour d’activités réunissant bénévoles et patients : pique-niques, balades à moto, pièces de théâtre, marches solidaires…

Des patients pour informer les médecins

Les lymphomes peuvent donner l’impression de maladies connues, maîtrisées et relativement simples à diagnostiquer. Mais leur variété et les symptômes liés peuvent facilement induire une erreur lors du diagnostic. « Les lymphomes comptent une centaine de sous-types, rappelle Guy Bourguet, président de France Lymphome Espoir. Ils présentent des symptômes polymorphes qui peuvent laisser penser à des syndromes grippaux : fièvre, sueurs nocturnes, fatigue, démangeaisons... » Si les lymphomes agressifs s’accompagnent souvent de symptômes plus aigus, certains peuvent à l’inverse passer inaperçus, induisant un retard de diagnostic, et donc une perte de chance.

Les traitements sont également en pleine évolution. Les chimiothérapies et les radiothérapies s’associent désormais (ou non) à des anticorps monoclonaux, parfois à des greffes, et il est à prévoir d’autres avancées dans les traitements biologiques ( CAR-T cells, thérapies géniques, vaccins, etc.). Une progression à la faveur des patients, mais qui, ajoutée à la complexité diagnostique, ne facilite pas la tâche des professionnels de santé, notamment les médecins traitants des malades, qui peuvent rester un peu plus perplexes face à leur prise en charge spécialisée. « Il y a encore des médecins qui ne veulent pas dire que c’est un cancer ! », regrette Guy Bourguet.

France Lymphome Espoir tente donc de mobiliser le corps médical sur les détails de la maladie et les traitements les plus récents. « Nous tentons d’impliquer les médecins généralistes au maximum, explique son président. Sur notre site internet, nous avons mis un module d’information à leur intention. » Il y a une dizaine d’années, l’association avait mis en place un module de développement professionnel continu (DPC), mais « c’est compliqué d’avoir une oreille attentive. Ce qui se comprend : pour un généraliste, cela représentera une dizaine de patients dans tout son exercice ».

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