Son objectif : créer "la première génération sans tabac en France". Le député écologiste Nicolas Thierry a annoncé, ce mardi, dans une interview à Sud Ouest, le dépôt d'une proposition de loi transpartisane visant à interdire la vente de tabac à toute personne née après 2014. "Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle, a-t-il insisté. Le tabac reste la première cause de mortalité évitable en France et provoque 75.000 décès chaque année. À cela s’ajoute un coût social annuel de près de 156 milliards d’euros. Ce chiffre intègre les vies perdues, la perte de qualité de vie et les dépenses publiques en soins et prévention. Et au-delà de l’impact sanitaire, le tabac est responsable de 5 % de la déforestation mondiale." Et bien que la consommation "baisse, notamment chez les plus jeunes", penser que le combat est gagné "serait illusoire", ajoute-t-il, car le tabac "continue de tuer massivement". Ainsi, à compter du 1er janvier 2032, il serait interdit de vendre du tabac à toute personne – même majeure – née après le 1er janvier 2014, a détaillé le député de la 2e circonscription de Gironde. "Notre responsabilité est de protéger ceux qui n’y sont pas encore entrés, afin qu’une nouvelle génération ne porte plus le poids de ce fléau."


Ce texte, "résultat d'un travail de plaidoyer mené depuis des mois auprès de députés allant de LFI à Horizons", est "une véritable rupture dans la manière d’aborder la lutte contre le tabagisme", assure Nicolas Thierry. Ainsi, en interdisant la vente aux personnes nées après 2014, "autrement dit les enfants qui sont aujourd'hui en CM2 ou en 6e, lorsqu'elles deviendront majeures en 2032, l'objectif est de stopper l'entrée des jeunes dans cette addiction et de faire émerger progressivement une génération protégée". Mais, prévient-il, le tabac étant "une drogue légale très installée dans la population", il ne s'agit pas de "la bannir d'un trait de plume sans créer un choc sanitaire et sécuritaire majeur", assure le député, ajoutant que sa mesure ne concerne pas ceux qui fument déjà aujourd'hui, "et qui doivent être accompagnés pour en sortir". "L'enjeu est ailleurs, précise-t-il. Empêcher que nos enfants ne deviennent les fumeurs de demain, et éviter de reproduire mécaniquement les mêmes schémas d'addiction génération après génération. On lève progressivement le pied, on ne tire pas le frein à main." Une approche qui combine à la fois "protection sanitaire et lutte efficace contre les trafics" car "pas de choc de demande, pas de rente soudaine offerte aux trafiquants. Au contraire, on assèche progressivement leur potentiel marché". 

En 2024, 1 personne de 18-75 ans sur 4 fumait du tabac en France (25%), contre 1 sur 3 en 2021 (32%), estime Santé publique France. "Depuis le lancement du premier Programme national de réduction du tabagisme (PNRT) en 2014, le nombre de fumeurs quotidiens de 18 à 75 ans a diminué de 4 millions. L’objectif du Programme national de lutte contre le tabac 2023-2027 visant à réduire la prévalence du tabagisme quotidien à 20% d’ici 2027 a non seulement été atteint, mais largement dépassé dès 2024", ajoute l'agence, citant les nombreuses mesures de lutte contre le tabac mises en place par les plans nationaux : paquet neutre, hausse des prix du tabac, dénormalisation de la consommation par l’extension des espaces sans tabac, remboursement des traitements de substitution nicotinique, renouvellement des actions de prévention, et notamment la création du Mois sans tabac…  
 


"Se débarrasser du tabac une bonne fois pour toute représente un immense enjeu de santé publique alors que 46 000 décès par cancer sont liés au tabac tous les ans en France", précise La Ligue contre le cancer, dans un communiqué publié ce mardi matin. Elle soutient donc cette mesure qui "ose aller plus loin que l’interdiction actuelle, limitée aux mineurs, afin de créer une première génération sans tabac". Cette proposition de loi est "le maillon d’une politique anti-tabac qui doit être à la hauteur des enjeux, avec une approche globale : en régulant l’ensemble des produits dérivés, comme le vapotage, en développant les budgets dédiés à la prévention, ou en accompagnant les fumeurs", assure l'association qui appelle à inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, "condition nécessaire à son examen dans les meilleurs délais". L'interdiction s'appliquerait à tous les produits du tabac dont le tabac chauffé, "nouveau cheval de bataille des cigarettiers", se réjouit pour sa part l'Alliance contre le tabac (ACT). "Bannir progressivement ces produits de notre territoire est une bonne chose pour tous nos concitoyens – qui pourront respirer un air plus sain - mais aussi pour notre économie, notre système de santé ou encore notre environnement qui subissent aujourd’hui les méfaits de cette industrie”, explique Marion Catellin, sa directrice, dans un communiqué de presse publié ce mardi.  

Pour l'heure, cette proposition de loi transpartisane est soutenue par une vingtaine de députés, explique Nicolas Thierry, qui espère que le gouvernement soutiendra sa proposition. "L'industrie du tabac est la seule au monde dont l'ingérence est encadrée par un traité international, tant son lobbying est ancien, agressif et organisé. L'antidote, c'est la mobilisation citoyenne, confie le député à Sud Ouest. Si l'interdiction générationnelle devient un débat de société, alors un chemin s'ouvrira au Parlement." 

[Avec Sud Ouest et l'AFP]
 

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