Depuis 2015, 120 000 patients diabétiques "prioritaires" ont adhéré au service Sophia. En effet, après que les premières études d’impact ont montré que ce dispositif touchait davantage les personnes déjà motivées à mieux se soigner, l’Assurance maladie a cherché à mieux cibler les patients "en écart de soins" par rapport à ses propres critères, à savoir absence d’examen du fond d’oeil sur deux ans, de bilan rénal et d’examen dentaire sur un an ; ces patients prioritaires représentent plus d’un tiers des patients éligibles(2). Une étude couvrant la période 2014-2018 montre que, grâce à un accompagnement téléphonique renforcé assuré par un infirmier-conseiller en santé du service Sophia, un effet de rattrapage est observé chez ces patients par rapport à l’ensemble des adhérents pour la réalisation du bilan rénal annuel(3) , et de manière encore plus nette pour le fond d’oeil annuel(4).
 


 

Par ailleurs, chez les patients diabétiques adhérents de la première heure (en 2008), une étude d’évaluation du suivi pendant huit ans confirme que Sophia contribue durablement à une meilleure réalisation périodique des examens complémentaires : malgré un niveau de réalisation faible pour l’examen dentaire et l’ECG, ceux des deux dosages de l’hémoglobine glyquée annuels, du bilan rénal et du fond d’oeil annuels dépassent ceux du groupe témoin, respectivement de 2 à 4,7 points, de 2,5 à 8,8 points, de 2,2 à 7,1 points. "L’action de Sophia perdure dans le temps, mais, nuance Annelore Coury, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins, ces résultats restent en deçà des recommandations de la Haute Autorité de santé, sauf pour la réalisation de l’hémoglobine glyquée et du bilan lipidique." Par exemple, "si le dosage de la créatininémie est bien réalisé à 80 %, l’analyse de la micro-albuminurie est encore insuffisamment prescrite et réalisée", précise Emmanuel Gomez, responsable du programme d’accompagnement Sophia.

À partir de la 6e année après l’adhésion, Sophia permet d’atténuer le recours augmenté à l’hôpital constaté dans la population éligible par rapport au groupe témoin : pour les hospitalisations, qu’elles soient tous motifs confondus (33 jours évités pour 100 adhérents par rapport au groupe témoin, les 7e et 8e années), liées au diabète et à ses complications (19 jours évités, la 7e année) ou à un événement cardiovasculaire majeur (17 jours évités, les 6e et 7e années) ; et pour le recours aux urgences hospitalières. Toutefois, estime Emmanuel Gomez, "ces résultats encourageants sur l’apparition retardée de complications sont à interpréter avec prudence, puisqu’ils ne sont pas observés chaque année, ni sur tous les indicateurs".

L’étude rétrospective constate également, pour la première fois, un impact sur la mortalité, avec une diminution du taux moyen annuel de décès : 3,1 % chez les adhérents contre 3,6 % chez les témoins, entre cinq et huit ans après l’adhésion.

Des réelles économies

Les dépenses de santé augmentent moins vite chez les adhérents à compter de la 7e année d’intervention. Dans l’étude économique, avec 17 000 diabétiques adhérents en 2008 (moyenne d’âge 65 ans), les dépenses de soins diminuent de 289 euros sept et huit ans après l’adhésion (par rapport au groupe témoin), du fait de la diminution des dépenses d’hospitalisation (-380  euros la 7e année ; -360 euros la 8e année), les dépenses de soins de ville augmentant dès la quatrième année après l’adhésion, de 105 euros à 233 euros selon les années en raison d’un recours accru aux soins infirmiers, etc. Selon l’enquête de satisfaction 2018, 9 patients sur 10 recommanderaient Sophia à un proche, et les médecins généralistes (échantillon représentatif de 300 MG) perçoivent ce service de façon moins concurrentielle qu’à ses débuts (40 % pensaient que le programme empiétait sur leur activité contre 27 % en 2018). Ils sont même 77 % à le juger utile et complémentaire de leur activité, et 8 sur 10 à estimer que l’Assurance maladie est dans son rôle en le proposant.

Ces résultats convaincront-ils les médecins généralistes qui doutent encore des bénéfices de cet accompagnement (56 % disent ne pas constater de résultats objectivables pour leurs patients) ? L’Assurance maladie prévoit de mieux les informer sur ses actions afin qu’ils puissent proposer ce service à leurs patients (seules 2 % des entrées dans le dispositif sont faites à la demande du médecin traitant) ; elle veut aussi ouvrir le dispositif aux diabétologues (et Sophia asthme aux pneumologues). Ces études confirmant que le service Sophia contribue à une amélioration du suivi médical, l’Assurance maladie compte le poursuivre, au prix d’un recrutement encore mieux ciblé, et de modes d’action diversifiés (SMS, applications).

1. Observance des sept examens de suivi recommandés : dosage de l’hémoglobine glyquée, bilan lipidique, fond d’œil, examen dentaire, ECG, bilan rénal sanguin et urinaire, examen des pieds.

2. Sont éligibles au service : les patients diabétiques majeurs, en ALD et traités par antidiabétiques depuis au moins un an et ayant déclaré un médecin traitant. L’inscription peut être réalisée par le patient (en ligne ou par courrier) ou le médecin traitant, depuis amelipro (rubrique patientèle), à l’occasion d’une consultation.

3. Des 86 741 nouveaux adhérents de 2015, seuls 29,2 % l’avaient réalisé en 2014, avant leur adhésion, mais ils sont 44,5% à l’avoir fait dès 2016-2017 ; fin 2018, ils étaient 48,6 % contre 50,3 % pour l’ensemble des adhérents.

4. Pour le fond d’œil : 42 % l’avaient réalisé avant l’adhésion ; 62 % en 2016-2017 après l’adhésion vs 67, 8 % pour l’ensemble des adhérents.

RETOUR HAUT DE PAGE