Informer, protéger, faire reculer les réticences

EN CHIFFRES

1,8 million de consultations pour syndrome grippal en 2018-2019
9 900 décès attribuables à la grippe
47,2 % de couverture vaccinale chez les personnes à risque

(Source : BEH, Santé publique France)

LE CONTEXTE

La grippe, qui s’exprime pour l’essentiel de la population française par quelques symptômes légers ou modérés, peut en revanche provoquer chez certains patients des complications graves, soit par aggravation d’une maladie chronique existante, soit par le déclenchement de troubles respiratoires majeurs. Sur les huit semaines d’épidémie grippale de la saison 2018-2019, elle aurait été ainsi responsable d’une surmortalité de 9 900 personnes*.

Les personnes âgées de plus de 65 ans et celles avec des comorbidités représentent l’essentiel des patients victimes de complications. Mais parmi ceux admis en réanimation, 14 % ne présentaient pas de risque, ni en raison de leur âge, ni en raison d’une quelconque maladie chronique ou fragilité observée.

Au-delà des conséquences médicales, les épidémies de grippe saisonnière mettent au défi le système de santé. Sur la même saison 2018-2019, ce sont 1,8 million de consultations pour syndrome grippal qui ont été enregistrées, et 66 000 passages aux urgences pour grippe, provoquant près de 11 000 hospitalisations. Chaque année, le virus mobilise les médecins généralistes et les services hospitaliers, parfois proches de la rupture. Depuis cette année, la crainte d’une épidémie combinée Covid-19 + grippe saisonnière inquiète les autorités sanitaires. Elles souhaitent faire grimper le taux de vaccination des personnes à risque mais aussi de l’ensemble de la population. Pour la saison 2018-2019, 51 % des plus de 65 ans avaient été vaccinés, mais seulement 29 % des personnes à risques âgées de moins de 65 ans.

S’appuyer sur les professionnels de santé

Pour assurer une progression sensible de la couverture vaccinale, elles devront miser sur l’efficacité d’une campagne nationale d’information et de vaccination, et compter sur l’aide des professionnels de santé. Dans cet esprit, la MSP Faubourg Santé (voir ci-contre), située à Douai (59), a mis en place un protocole pluriprofessionnel de vaccination contre la grippe saisonnière.

La maison de santé, organisée en Sisa, est située dans une zone urbaine. Sa patientèle compte notamment une population avec de mauvais indicateurs de santé pour le diabète, l’hypertension artérielle ou encore les maladies cardiovasculaires, et des personnes présentant des problématiques sociales.

Les professionnels de la MSP mettent l’accent sur les actions de prévention, gérées par les sages-femmes, et sur l’éducation thérapeutique du patient, que ce soit par l’intermédiaire de protocoles ou d’une participation aux campagnes de prévention nationales (Octobre Rose, Mois sans tabac, cancer colorectal, etc.). Le protocole de vaccination contre la grippe s’intègre dans ce schéma de prévention général.

LE PROTOCOLE

La vaccination contre la grippe, non obligatoire, se heurte à plusieurs obstacles. Le refus vaccinal, l’hésitation – qui repose essentiellement sur un manque d’information – et les problèmes logistiques : les personnes qui ne sont pas amenées à se rendre chez un professionnel de santé pendant la période de vaccination auront moins tendance à se déplacer spécifiquement pour acheter leur dose de vaccin, et se la faire injecter.

Avec l’extension récente de l’autorisation d’injection aux pharmaciens qui le souhaitent et qui y sont formés, la vaccination antigrippale peut désormais être réalisée par les médecins, les infirmières, les sages-femmes mais aussi par les pharmaciens. Le protocole mis en place à la MSP Faubourg Santé s’appuie sur ce réseau de professionnels pour maximiser les chances de vaccination. « L’objectif est également de ne pas emboliser les consultations des médecins généralistes, en laissant les patients choisir le professionnel de santé qui les vaccinera », précise Saliha Grévin, pharmacienne et coordinatrice de la MSP.

Le contenu

Le protocole est relativement simple : un questionnaire, des permanences et une organisation entre les différents professionnels de santé pour assurer les injections. Le questionnaire est distribué aux patients adultes de la MSP, à partir de mi-octobre, par un volontaire en service civique, et reste disponible à l’accueil. Ses questions portent sur l’état de risque du patient (obésité, maladie chronique, âge, etc.), sur son expérience de vaccination et ses intentions, et sur son regard sur la vaccination. Sur la saison 2019-2020, 202 questionnaires ont été remplis, dont 100 par des patients appartenant à la population cible pour la vaccination.

Lors des consultations, le sujet de la vaccination antigrippale est abordée avec les patients. Ceux souhaitant être vaccinés repartent avec une ordonnance et sont invités à retirer une dose de vaccin dans leur pharmacie habituelle.

 

 

Le protocole s’appuie sur le réseau de professionnels pour maximiser les chances de vaccination

 

Le professionnel de santé qui rédige l’ordonnance et la pharmacie (s’il s’agit de celle rattachée à la MSP) proposent les différentes modalités disponibles : se rendre à l’une des permanences de vaccination organisées à la MSP, notamment par les infirmières mais aussi par les médecins généralistes, prendre rendez-vous avec une sage-femme, ou se faire vacciner à la pharmacie.

Cette dernière solution semble avoir la faveur des patients. « Je n’ai jamais fait de promotion pour cette solution, mais la communication médiatique a très bien fonctionné », note Saliha Grévin. Pour preuve, les chiffres centralisés par la coordinatrice : sur 275 vaccinations réalisées, 181 l’ont été en pharmacie (contre 71 par un médecin généraliste et 23 par une infirmière).

Résultats

Sans qu’il soit encore possible d’en mesurer la réalité ni d’en attribuer des raisons, les réticences sur la vaccination antigrippale semblent reculer auprès de la patientèle de la MSP. « Le fait qu’il y ait un questionnaire à partir du 15 octobre incite à y penser, et nous tentons de travailler notre argumentaire, de trouver les bons éléments de langage », estime Saliha Grévin. « Avoir un discours homogène entre tous les professionnels de santé facilite sans doute aussi la projection pour les patients, ajoute Marion Dilly, sage-femme de la MSP, responsable du protocole. Tout le monde, à la MSP, est sur la même longueur d’onde ».

Saliha Grévin, pharmacienne et coordinatrice de la MSP
Marion Dilly, sage-femme

© Saliha Grévin, Marion Dilly

Résultats de l’étude

202 participants
100 patients cibles
57 % de la population cible (47 % de la population générale) estime utile de se faire vacciner, et dans 64 % des cas pour protéger les autres (59 % respectivement).
40 % de la population pense qu’il est inutile de se faire vacciner (contre 27 % en 2018-2019). Les raisons invoquées en priorité :
peur que le corps ne parvienne pas à se défendre, de développer la fièvre, de déclencher la grippe ou une autre maladie.
59 % de la population cible (47 % de la population générale) s’est déjà fait vacciner.
43 % de la population cible (33 % de la population générale) compte se faire vacciner.
17 % de la population cible (10 % de la population générale) souhaiterait assister à une réunion d’information.

Gestion Covid

Pour la troisième année consécutive, la MSP mettra en place son protocole, mais le Covid-19 s’invite dans l’équation. La vaccination antigrippale est d’autant plus fortement recommandée cette année, pour la population cible habituelle comme pour la population générale. L’effort devra donc être accru, alors que les dispositifs habituels (comme les ateliers d’information) risquent d’être plus complexes à mettre en place en raison des mesures sanitaires. Il sera aussi peut-être plus difficile de convaincre, compte-tenu des polémiques sanitaires...

« Cette année, nous avons aussi fait évoluer le questionnaire, afin de récolter les avis sur les intentions de vaccination en cas de disponibilité d’un vaccin contre le Sars-CoV-2 », ajoute Saliha Grévin.

Après deux ans d’expérimentation, le résultat en termes de couverture vaccinale est difficile à jauger. Au fil des années, les statistiques mises en commun par tous ses professionnels de santé (voir ci-dessus) permettront sans doute d’en tirer quelques tendances.

« J’ai la sensation qu’il y a tout de même moins de réticence chez les patients de la MSP par rapport aux cabinets isolés, note Marion Dilly. Dans mon exercice précédent, il me paraissait plus difficile de lever les hésitations en consultation, ou alors nos ordonnances ne donnaient pas lieu à une vaccination... »

* Bulletin hebdomadaire grippe (semaine 15), Santé publique France, 2019.

La MSP Faubourg Santé

• Située à Douai (59)
• Ouverture : juillet 2016 (projet lancé en 2013)
• Professionnels : 5 médecins généralistes, 1 médecin nutritionniste, 7 sages-femmes, 3 pharmaciens, 3 kinés, 2 infirmières, 1 pédicure-podologue, 1 ergothérapeute, 1 ostéopathe, 1 diététicienne, 1 psychologue clinicien (+ stagiaires et volontaires en service civique).
• 8 protocoles pluriprofessionnels validés par l’ARS

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