Une interview de Véronique Anatole-Touzet, directrice générale du CHU de Rennes

Le département d’Ille-et-Vilaine compte un million d’habitants. Quelles sont les stratégies mises en place pour garantir un accès aux soins de proximité ?

Le territoire de Rennes comprend un bassin de population de proximité de 900 000 habitants qui ont accès à des centres hospitaliers (Fougères, Vitré, Redon, Janzé, etc.) et des hôpitaux de proximité dont le CH des Marches de Bretagne. Nous avons mis en place, avec la faculté de médecine et la médecine de ville, une maison de santé pluridisciplinaire universitaire (MSPU) et avons, dans le cadre du plan "Ma santé 2022", des projets d’installation d’assistants ville-hôpital. Nous souhaitons aussi améliorer les liens entre le CHU et la médecine de ville, que ce soit dans la gestion des soins non programmés ou le renforcement de l’offre de soins en médecine de ville dans certains quartiers prioritaires. Afin de fidéliser médecins et spécialistes là où il y a des besoins et des demandes, nous avons mis en place, avec le soutien de l’ARS, 57 postes partagés d’assistants-spécialistes pour favoriser la prise en charge en proximité des patients et assurer la gradation des soins en lien avec le CHU. C’est une politique "gagnant-gagnant" : les établissements de proximité bénéficient de compétences supplémentaires ; les équipes médicales ont un accès facilité aux activités du CHU ; les difficultés d’attractivité sont atténuées grâce à la fidélisation des praticiens sur les territoires.

Le CHU de Rennes s’est doté d’un centre expert contre la maladie de Parkinson qui oeuvre pour la prise en charge et le suivi à domicile ou en cabinet libéral. Comment s’est construit ce partenariat ?

Il est fondé sur la labellisation du CHU comme centre expert pour les maladies de Parkinson en Bretagne depuis 2012. Il permet d’évaluer et de mettre en oeuvre des thérapeutiques plus complexes dès lors que les traitements conventionnels ne permettent plus de contenir la progression des symptômes. Le réseau, qui associe neurologues libéraux et hospitaliers, propose à tout patient, en consultation hospitalière ou en cabinet, une prise en charge pluridisciplinaire de proximité à tous les stades d’évolution de la maladie. Ce centre expert anime un maillage régional, identifié dans les CH de référence (Saint-Brieuc, Brest, Quimper, Lorient, Vannes, Saint-Malo) et forme des neurologues référents. Il organise aussi des sessions de formation à destination des professionnels de santé et de rééducation impliqués dans la prise en charge des patients parkinsoniens.

L’ARS Bretagne rapporte que la région présente une densité de professionnels de santé de premier recours comparable, voire supérieure, à la moyenne nationale*. L’hôpital peut-il apporter une réponse à la crise démographique de la médecine de ville ?

Oui, je le pense. La Bretagne est effectivement relativement moins défavorisée mais nous avons des territoires en zones sous-denses. L’hôpital, en lien avec les partenaires de ville, a un rôle à jouer dans la lutte contre la désertification médicale et les inégalités territoriales. C’est particulièrement vrai pour les hôpitaux de proximité car ils constituent une offre de soins importante notamment pour la prise en charge des personnes âgées, le maintien à domicile, les maladies chroniques… Je pense que demain, nous irons vers des dispositifs de plus en plus mixtes ville-hôpital, ce qui permettra de soutenir l’exercice coordonné.

Avez-vous de tels dispositifs mixtes déjà implantés au sein de votre territoire ?

Il y a tout d’abord la MSPU de Fougères que nous avons soutenue avec la faculté de médecine, l’ARS et le conseil départemental. Faire découvrir aux jeunes médecins l’exercice en maison de santé les rassure sur ce mode d’exercice et les fidélise, tout en gardant un lien avec la vie universitaire et les équipes de spécialistes. Nous projetons également, en lien avec l’ARS et la Ville de Rennes, d’implanter dans le quartier prioritaire du Blosne, une structure mixte ville-hôpital pour renforcer l’offre de soins. Des médecins du CHU pourront aussi offrir des consultations avancées en complément du projet en cours d’élaboration par les médecins de ville.

Nous avons transféré en novembre 2018 la maison médicale de garde au sein du service des urgences adultes de Pontchaillou. L’objectif est de faciliter l’accès des patients à une consultation de médecine générale les samedis et dimanches et jours fériés, et de mieux articuler son organisation avec l’hôpital. Ce dispositif permet à la trentaine de médecins généralistes qui y participent d’avoir accès au plateau technique du CHU. On souhaite aujourd’hui étendre cette activité au-delà des week-ends et jours fériés. C’est d’ailleurs l’une des orientations du plan "Ma santé 2022" afin d’éviter l’engorgement des services des urgences.

Quelles sont les attentes du CHU face à l’ambulatoire ?

Le CHU est très engagé dans le virage ambulatoire et le développement des alternatives à l’hospitalisation : hôpitaux de jour pluridisciplinaires, chirurgie ambulatoire, hôtel hospitalier, expérimentation de nouvelles collaborations ville-hôpital… Les CHU de demain doivent être des têtes de réseau, des établissements très ouverts sur leur territoire. Ils seront de plus en plus des CHU "hors les murs", que ce soit en lien avec la médecine de ville ou les établissements de proximité ou référents. Ils devront porter, encore plus qu’aujourd’hui, leurs missions hospitalo-universitaires en matière de recherche, de formation et d’innovation dans les territoires. Et s’appuyer sur les outils numériques et de télémédecine.

Le CHU de demain sera un CHU pilote de la transformation de la formation et des métiers. D’ailleurs, la faculté de médecine de Rennes a obtenu l’accréditation pour le master de pratique avancée pour les infirmières. Vingt personnes sont inscrites cette année et il faudra demain préparer ces nouveaux métiers.

De nouveaux métiers qui rappellent ce volet consacré au management dans les établissements de santé dans le plan "Ma santé 2022"…

Oui tout à fait. Nous avons au CHU deux postes de cadres dédiés aux séjours complexes et seize infirmières de parcours (cancérologie, SLA, coordination de greffes, prise en charge du spina-bifida, parcours en Ehpad), dont un recrutement en septembre pour le parcours stomisé du patient sur le GHT. Celles-ci permettent d’organiser l’amont et l’aval d’une hospitalisation : assurer le lien avec le médecin traitant en amont, le tenir informé tout au long de l’hospitalisation, et préparer la sortie à domicile ou dans les structures d’aval.

Nous avons aussi mis en place fin 2018 une astreinte infirmière qui répond, en première ligne, aux appels des équipes soignantes ou des médecins de ville qui travaillent en Ehpad, pour éviter des transferts inadéquats à l’hôpital, et favoriser le maintien dans ces structures et, demain, à domicile.

Ces métiers de coordination des parcours de santé ont vocation à se développer pour que le parcours du patient ne soit pas un parcours du combattant mais qu’il soit bien coordonné et organisé entre les différents partenaires. Il y a aussi beaucoup à attendre des infirmières de pratique avancée qui vont favoriser la gestion des parcours des malades chroniques, notamment à l’aide des objets connectés. L’organisation du parcours connecté sera un nouveau métier de demain qu’il faut préparer.

* 107,7 MG pour 100 000 habitants contre 102,4. 

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