Article publié dans Concours pluripro, janvier 2023

Tout est parti de leur constat : "Les enfants accueillis par l’aide sociale à l’enfance (ASE) qui ont subi des événements traumatiques à répétition bénéficient de peu de soins, expose Mario Speranza, pédopsychiatre et chef du service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au CH de Versailles (Île-de-France). Cela s’explique par l’organisation très territorialisée de la psychiatrie : comme ces jeunes se déplacent beaucoup, il n’est pas facile de trouver les bons interlocuteurs engagés à chaque étape de leur parcours." C’est pourquoi les conseils départementaux des Yvelines et des Hauts-de-Seine, ainsi que le CH de Versailles, se sont associés pour créer l’Institut du psychotraumatisme de l’enfant et de l’adolescent (Ipea), qui a ouvert ses portes le 1er avril dernier à Versailles. Celui-ci propose une offre d’évaluation des besoins psychiques des enfants placés sous protection de l’ASE, des soins spécialisés dans la clinique du psychotraumatisme avec un accompagnement par une équipe pluridisciplinaire, des formations dédiées au psychotraumatisme des enfants et un pôle de recherche mobilisant des compétences en neurosciences cognitives, biologie du développement et psychopathologie.

Une initiative, en accord avec l’ARS Île-de-France, qui vise à assurer une continuité dans le parcours de soins de ces jeunes. "Pour cela, il nous semble indispensable de travailler en réseau, précise Mario Speranza, également président du conseil médical et scientifique de l’Ipea. L’institut ne va pas remplacer les structures existantes, mais coopérer avec elles." Et selon les cas de figure, cette collaboration peut avoir plusieurs formes. "Si l’enfant est pris en charge par un centre médico-psychologique (CMP) de nos deux départements, nous pouvons venir en soutien et apporter notre expertise sur la question du traumatisme", détaille-t-il. Cette expertise porte, par exemple, sur des thérapies, comme l’Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR, désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires), qui ne sont pas proposées par tous les CMP. Enfin, l’Ipea souhaite aider tous les professionnels qui travaillent au contact des enfants à monter en compétences, via des formations.

 

Une meilleure "fusion" entre sanitaire et médico-social

La pluriprofessionnalité est au coeur de tous les parcours. Les psychologues du pôle Détection, évaluation ASE & prévention (DEP), un pilier de l’Ipea, procèdent à un premier bilan psychologique ainsi qu’à une première investigation caractérisant les situations des enfants sous protection de l’ASE. Les situations indiquant un risque de psychotraumatisme peuvent ainsi être signalées au pôle Soins de l’institut et discutées au sein de la commission pluridisciplinaire pour une éventuelle prise en charge. Dans les cas les plus simples, le jeune patient est reçu à l’Ipea par deux professionnels – le pédopsychiatre et l’infirmière puéricultrice, le psychologue et l’éducateur… –, qui commencent par identifier ses besoins avant de proposer une prise en charge adaptée, pouvant être très courte (un à trois mois pour un trauma aigu) ou, au contraire, s’inscrire dans la durée. Chaque situation est discutée en commission pluridisciplinaire avant l’évaluation. À la suite de cette évaluation, la situation passe en réunion de synthèse, à l’issue de laquelle l’équipe décide si l’enfant doit continuer son suivi de soin à l’Ipea ou s’il doit être réorienté vers des professionnels du réseau partenarial.

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