
Île de La Réunion
Quelle offre de soins dans les zones difficiles d’accès ?
Parmi les spécificités de La Réunion, département ultramarin : une géographie capricieuse, élément déterminant dans l’organisation de l’offre de soins.
Île de La Réunion
Parmi les spécificités de La Réunion, département ultramarin : une géographie capricieuse, élément déterminant dans l’organisation de l’offre de soins.
Le piton des Neiges (culminant à 3 070 m), puis plus tard le piton de la Fournaise (2 630 m), volcan emblématique connu pour son activité intense, sont à l’origine du relief extrêmement escarpé de l’île de La Réunion. Résultat : certaines zones sont difficiles d’accès, voire inaccessibles par voie routière. Bien que la moitié de la population réunionnaise vive dans les villes situées aux abords du littoral, une part de la population plus rurale a élu domicile dans les "Hauts" de l’île (à partir de 400 mètres d’altitude), et dans les trois imposants cirques de Salazie, Mafate et Cilaos. Pour répondre aux besoins en santé, des solutions organisationnelles, logistiques et techniques ont donc été développées.
Pourtant, La Réunion n’est pas particulièrement concernée par la désertification médicale, estime Chanthell Fenies, responsable du Plan d’égal accès aux soins à l’ARS océan Indien (ARS-OI). Ainsi, poursuit-il, si on constate, au 1er janvier 2018, une densité de médecins spécialistes moins élevée à La Réunion qu’en métropole (86,9 contre 99,7/100 000 habitants), celle des généralistes libéraux reste supérieure (98 contre 90/100 000 habitants)[1]. En outre, si la démographie médicale vieillissante accentue la fragilité de certains territoires – l’âge moyen des généralistes est de 51 ans –, celle-ci est compensée par la forte attractivité du territoire auprès des jeunes médecins. "On a beaucoup de turnover, et donc une offre de santé qui reste intéressante, malgré cette démographie médicale vieillissante", avance Flore Bettini, secrétaire générale de l’union régionale des médecins libéraux de l’océan Indien (URML-OI) : "Par exemple, nous enregistrons chaque mois au Conseil de l’Ordre des médecins entre 15 et 30 nouveaux médecins pour La Réunion."
Cependant, des difficultés d’accès aux soins existent. "Les territoires fragiles concernent 12 % de la population. Ils sont notamment situés un peu à l’écart, c’est-à-dire dans les hauts de l’île, et les cirques", explique Chanthell Fenies. L’ARS-OI, en lien avec ses partenaires, mène ainsi plusieurs actions pour améliorer l’offre de soins dans son ensemble, et plus spécifiquement sur les zones fragiles. Objectif : aboutir à une meilleure articulation entre médecine de ville et hôpital. Ainsi, d’une part, le développement de MSP est encouragé afin de promouvoir l’exercice libéral et pluriprofessionnel, et d’autre part, les médecins sont accompagnés dans leur projet d’installation libérale, à travers des séances de travail ou des outils d’information spécifiques comme un guichet unique d’information. Par ailleurs, le développement de CPTS fait partie du projet régional de santé (PRS) afin de renforcer la coordination entre les professionnels de santé, dans une perspective de décloisonnement des secteurs ambulatoire, médico-social et sanitaire.
Cilaos et Mafate, des déserts médicaux
Les cirques de Cilaos et de Mafate ont pour point commun leur caractère isolé, enclavé, et difficile d’accès. Ce qui en fait des déserts médicaux. Pour autant, l’articulation de l’offre de soins n’est pas la même sur les deux territoires, comme l’explique le Pr Xavier Combes, chef de service du Samu 974 : "On ne gère pas les urgences de la même manière à Mafate et Cilaos : Cilaos reste accessible par la route, bien que très escarpée, et dispose d’une structure de santé – l’hôpital de Cilaos – qui compte un médecin présent la journée et du personnel médical la nuit." À Cilaos, la permanence des soins ambulatoires (PDSA) est assurée par une unité de télémédecine abritée dans l’hôpital, opérant en lien avec le Samu et qui s’appuie sur un binôme infirmier et aide-soignant. La mise en place de la téléconsultation permet ainsi d’éviter la mobilisation inappropriée des équipes du Smur par défaut d’interlocuteurs médicaux. "Cette unité fonctionne relativement bien depuis une dizaine d’années, continue le Pr Combes. Aujourd’hui, l’hôpital est menacé de fermeture : les habitants et les élus locaux craignent que cela ait un impact sur l’offre de soins. Mais la fermeture ne concernerait que les lits d’hospitalisation de moyen séjour, pas l’unité de télémédecine en question."
Mafate, en revanche, et contrairement à Cilaos, ne compte aucune route : seuls des sentiers que l’on suit à pied et qui relient les sept "îlets" (petits hameaux) peuplant le cirque. Avec environ 800 habitants, le territoire de Mafate est bien moins peuplé que celui de Cilaos (6 000 habitants), mais il compte un flux touristique important. L’accès aux soins repose sur des médecins généralistes acheminés dans le cirque par hélicoptère, qui assurent deux consultations hebdomadaires dans les dispensaires répartis entre les îlets. La permanence des soins est garantie par deux infirmières, l’une installée à Roche-Plate, et l’autre, à Grand Place, qui effectuent des visites à domicile du lundi au vendredi. Il y a quelques années, un dispositif de télémédecine a été mis en place : munies d’une valise de télémédecine, des personnes référentes – appelées "sentinelles" –, formées par le Samu 974 aux soins de premiers secours, envoient photos et paramètres vitaux du patient au médecin régulateur pour que celui- ci puisse prendre les décisions adaptées. Mais, contrairement à Cilaos, le dispositif de télémédecine mis en place sur le territoire de Mafate a vite périclité : malgré la formation reçue, les situations étaient trop complexes à gérer pour les sentinelles…
Jusqu’à présent, en cas d’accident ou d’urgence à Mafate, c’est l’hélicoptère de la gendarmerie qui était sollicité, embarquant à son bord un médecin urgentiste si nécessaire. Ce système est aujourd’hui complété par les interventions du premier Héli-Smur du Samu 974, opérationnel depuis décembre 2018. Véritable "ambulance volante" équipée de matériel médical, son objectif est de permettre à chaque Réunionnais de se trouver à moins de 30 minutes d’un hôpital. "²L’usage de l’Héli-Smur n’est cependant pas réservé qu’aux cirques, explique le Pr Xavier Combes. Il intervient sur toute l’île, par exemple dans les Hauts, qui eux aussi peuvent être difficiles d’accès du fait de leurs routes longues et sinueuses. Heureusement, l’hélicoptère peut traverser l’île du nord au sud en une vingtaine de minutes."
1. Chiffres de RPPS-Diamant et Drees (données brutes au 01/01/2018, hors remplaçants).