* L'auteure travaille au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations  (CESP), équipe Exposome et hérédité, Inserm UMRS 1018, université Paris-Saclay

 

Le cadre réglementaire du travail de nuit est assez complexe mais peut être résumé comme suit : horaires de travail d’au moins trois heuresdans la période comprise entre 21 h et 6 h du matin, et ce, au moins deux fois par semaine ou pendant 270 heures sur une période de 12 mois consécutifs. Il doit être « justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale » (article L3122 du code du travail).

PRÉVALENCE DU TRAVAIL DE NUIT EN FRANCE

Selon l’Inserm et Santé publique France(1), le nombre total de travailleurs de nuit en France est passé de 3,3 millions (soit 15% des actifs en 1990) à 4,3 millions (soit 16,3 % des actifs en 2013)[2]. Alors que le nombre de travailleurs de nuit occasionnels a légèrement baissé, de 2,5 à 2,4 millions (11,4 à 9,1 %), le nombre de travailleurs de nuit habituels a plus que doublé, passant de 800 000 à 1,9 million (3,6 à 7,2 %) pour la même période (1990-2013)[2].

En France, une large majorité des emplois se situent dans le secteur tertiaire, et le nombre de travailleurs de nuit habituels dans ce secteur a été multiplié par 3 entre 1990 et 2013, atteignant presque 1,5 million de personnes en 2013. Parmi ceux-ci se trouvent de nombreux professionnels de la santé : 25 % des travailleurs de la catégorie des infirmiers et sages-femmes sont concernés par le travail de nuit habituel, soit plus de 150 000 en 2013, auxquels il faut ajouter quelque 120 000 aides-soignants et 37 000 médecins et internes.

Parmi les autres travailleurs concernés, près de 50 % des agents de sécurité et de surveillance déclarent travailler de nuit de façon habituelle (soit plus de 72 000 agents), 24 % des conducteurs routiers et livreurs (136 000 travailleurs), 36 % des personnels de l’armée (71 000 personnes), 30 % des policiers et agents de surveillance pénitentiaire (40 000 agents), et 52 % des pompiers et agents de surveillance du patrimoine (27 000 agents).

Si le nombre de travailleurs dans l’industrie a diminué, passant de 5 millions en 1990 à 3,4 millions en 2013, le pourcentage d’exposés au travail de nuit global est, lui, très élevé : 20,5 % en 2013.

La part du travail de nuit habituel dans le secteur de l’industrie a doublé entre 1990 et 2013, passant de 5,3 à 11,2 % (268 000 travailleurs en 1990 contre 383 000 travailleurs en 2013). Les ouvriers qualifiés et non qualifiés sont touchés, en particulier ceux du secteur de la manutention et de l’emballage, des industries agroalimentaire, de la transformation, du travail des métaux, et de la chimie.

Enfin, le secteur de l’agriculture est plutôt impacté par le travail de nuit occasionnel, avec 23 % de travailleurs exposés (167 000 travailleurs) contre moins de 5 % par le travail de nuit habituel (35 000 travailleurs) en 2013.

Certains travailleurs de nuit cumulent d’autres formes d’horaires atypiques, telles qu’un travail en équipes alternantes, du soir ou de fin de semaine. Près de 90 % des artisans en alimentation et 75 % des conducteurs-livreurs et coursiers, ou personnels des hôtels et restaurants déclarent travailler de nuit, avec des horaires fixes, et une large majorité des ouvriers du secteur industriel travaillent de nuit, avec des horaires alternants : travail en équipe (2 x 8, 3 x 8, ou horaires irréguliers)[2].

Le travail de nuit ne touche pas les hommes et les femmes de façon égalitaire. Les hommes sont plus fortement impactés (21,5 % chez les hommes, 9,3 % chez les femmes en 2012)[3]. Néanmoins, l’augmentation de l’exposition au travail de nuit est particulièrement marquée chez les femmes, pour qui le travail de nuit habituel a plus que doublé depuis 1991. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène, en particulier la suppression d’une loi de 1892 leur interdisant l’accès au travail de nuit dans l’industrie (loi du 9 mai 2001).

 

Le travail de nuit implique une perturbation du rythme circadien
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