Article publié dans Concours pluripro, avril 2024
 

Faire intervenir des patients lors de la formation initiale des professionnels de santé : quels sont les avantages ?

Alexandre BerkesseIl faut changer radicalement les comportements, et pour cela, commencer par modifier les représentations. Les gens ont des idées préconçues sur la personne la plus compétente quand on parle de soins, et la figure qui s'impose, c'est souvent celle du médecin. Même si on présente aux jeunes professionnels de santé des travaux de recherche qui ne vont pas dans ce sens, leurs représentations ne changeront pas. Le seul moment où c'est possible, c'est au début de leurs études. Car quand ils arrivent à la partie pratique de leur formation, c'est trop tard : on a déjà passé des années à leur montrer que celui qui sait, c'est le médecin.

Pourquoi était-ce intéressant de viser spécifiquement les futurs médecins ?

Si on avait imaginé un dispositif visant tous les professionnels de santé, les médecins auraient pu penser que ça concernait uniquement les autres. De tous les professionnels de santé, ce sont ceux qui reconnaissent le moins la culture expérientielle des patients... Et puis il aurait été délicat d'obliger les infirmières, qui ont déjà du mal à s'imposer dans les services, à laisser davantage de champ aux patients. Enfin, les chefs de service sont souvent des médecins, ce sont donc eux les plus moteurs pour initier des changements dans les établissements. Tout cela fait que nous avons poussé pour que l'obligation s'applique d'abord à eux.

Comment leur faire accepter ce changement de perspective ?

C'est vrai que, spontanément, les étudiants vont faire davantage confiance à un enseignant médecin. Et c'est pourquoi je suis pour la coconstruction de cours par des duos patient-médecin ; sans cela, en cas de conflit, les étudiants risqueraient d'arbitrer en faveur de leurs pairs. Alors qu'en réalité, les médecins ne savent pas ce qui se passe après la prescription : si le patient l'a suivie, quelles sont ses difficultés pour respecter son traitement à la maison... Pour lutter contre cette culture, il faut des patients partout, dès la première année. Les inclure davantage dans la recherche aussi, et les faire intervenir dans les soins, via l'ETP ou des entretiens qualitatifs à l'hôpital.

Quel type de savoirs peuvent-ils légitimement enseigner ?

Pas seulement ceux issus de l'expérience ! Sur la douleur chronique, par exemple, les patients détiennent des savoirs pratiques, ils peuvent indiquer des positions confortables pour les personnes souffrant de fibromyalgie... Sur la connaissance de la maladie dont ils souffrent, ils sont souvent plus pertinents que les médecins. Car ces derniers n'ont pas forcément lu toute la presse spécialisée, tandis qu'un patient directement concerné se sera renseigné. Contrairement à ce qu'on croit parfois, les médecins ne sont pas des scientifiques ! Ils ont des avis subjectifs et ne mènent pas d'études pour valider leurs croyances. Tandis que les patients, notamment ceux inscrits dans un réseau, ont plus de liens avec la recherche.

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