Fibromyalgie : la médecine du travail peut ouvrir l'éventail des perspectives
Les salariés ou fonctionnaires souffrant de fibromyalgie rencontrent souvent des difficultés majeures à se maintenir dans leur emploi. L'association FibromyalgieSOS a organisé, en mai dernier, un webinaire pour leur faire entrevoir ce que les services de santé au travail, notamment, peuvent faire pour les y aider.
Géraldine Langlois
Article publié dans Concours pluripro, septembre 2025
Environ 1,6 % de la population française serait concernée par la fibromyalgie, estime le ministère de la Santé. Et bon nombre de ces patients peinent à naviguer dans les méandres de la santé au travail. Ce qu'a mis en lumière, en mai dernier, le webinaire Fibromyalgie et vie professionnelle, organisé par l'association FibromyalgieSOS. Un temps d'échange qui a permis de montrer l'ampleur des besoins de repères et d'information dans ce domaine.
"Le problème des personnes fibromyalgiques, c'est qu'elles ont souvent l'impression qu'elles ne peuvent plus rien faire", souligne Céline Fée, membre du bureau de l'association FibromylagieSOS et bénévole animant des permanences. Le syndrome réunit "plus de 100 symptômes", rappelle-t-elle, dont les plus communs sont des douleurs tendineuses, musculaires et articulaires ou une douleur généralisée, permanente (jour et nuit) et diffuse ou qui se déplace dans le corps, une lourdeur matinale et un sommeil très perturbé (qui induisent souvent un syndrome de fatigue chronique associé), ainsi que des troubles cognitifs et de mémorisation, voire une sensation de "brouillard mental". "Le diagnostic se fait par élimination", poursuit Céline Fée, et quand il "tombe", c'est généralement à l'issue d'une longue période ponctuée d'arrêts de travail. Les personnes concernées finissent par être découragées. "Notre but, c'est de leur montrer qu'il y a des choses à faire, ajoute-t-elle. Si l'on arrête de travailler, on s'isole de plus en plus, cela peut favoriser l'apparition d'une dépression et d'un stress financier qui font flamber la maladie..."
Le webinaire visait justement à présenter la manière dont la médecine du travail (les services de prévention et santé au travail [SPST]) mais aussi les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), les médecins traitants et les CPAM, notamment, peuvent aider les personnes fibromyalgiques à poursuivre une activité professionnelle ou à quitter la leur dans de bonnes conditions.
Comme l'a rappelé Christophe Collomb, médecin du travail dans un SPST interentreprise et président du Conseil national professionnel de la médecine du travail, invité du webinaire, la fibromyalgie ne fait pas l'objet d'un traitement particulier en termes de santé au travail. D'ailleurs, certains médecins du travail ne la connaissent pas, a-t-il fait remarquer en aparté... Cette affection chronique fait partie de l'ensemble des difficultés qui peuvent altérer les capacités des personnes au travail et à ce titre peut motiver le recours à l'ensemble des aménagements du travail et mesures d'accompagnement des personnes qui en souffrent. L'errance diagnostique d'une personne souffrant d'une maladie invalidante (comme la fibromyalgie) varie selon qu'elle travaille dans le secteur privé ou le secteur public et au sein du secteur public selon la fonction publique (d'État, territoriale, hospitalière). Dans ce paysage complexe, Christophe Collomb a rappelé les rôles distincts de leurs interlocuteurs médicaux.
Le médecin traitant est le seul à pouvoir prescrire des traitements et arrêts de travail. Quant au médecin-conseil, il rend des avis sur la durée des arrêts de travail, les demandes de mise en invalidité ou la reconnaissance d'une maladie professionnelle ou d'une incapacité permanente. "Le médecin du travail a un rôle principalement préventif", visant à "prévenir l'apparition d'éventuelles pathologies professionnelles" et l'aggravation de pathologies du fait du travail et à permettre le maintien dans l'emploi, a résumé le médecin du travail.
Focus
Premières recommandations de la HAS
La Haute Autorité de santé a publié, le 10 juillet dernier, des premières recommandations sur la conduite diagnostique et la stratégie thérapeutique de la fibromyalgie. Une pathologie assez fréquente (1,5 à 2 % de la population, en majorité des femmes) mais qui reste assez mal connue. D'ailleurs, ce n'est qu'en 2019 que l'OMS l'a reconnue comme une maladie à part entière. Aujourd'hui, il n'existe aucun test diagnostique biologique ni radiologique pour la définir. Et ses symptômes ne sont pas spécifiques et sont assez fluctuants. La fibromyalgie reste donc sous-diagnostiquée et insuffisamment prise en charge. D'où la publication de ces recommandations afin d'aider les personnes concernées "à mieux vivre avec la douleur".
Le diagnostic de la fibromyalgie est clinique. Un fois celui-ci posé, le soignant doit évaluer le retentissement de la maladie sur la qualité de vie. "Il est essentiel de reconnaître la souffrance du patient", insiste l'agence sanitaire. La phase explicative de la maladie et des traitements est aussi essentielle pour mobiliser le patient pour ses soins. L'orientation vers des associations de patients peut être utile. Ensuite, l'objectif du traitement est de "remettre la personne en mouvement et l'aider à s'adapter à la maladie". La stratégie thérapeutique est "évolutive", fondée sur l'activité physique encadrée par des professionnels. Objectif : "apprendre à la personne à mieux gérer les symptômes au quotidien et à poursuivre ses activités personnelles et professionnelles". Aucun traitement médicamenteux spécifique n'étant disponible pour le moment, les médecins font souvent appel à certains antidépresseurs et antiépileptiques prescrits à faibles doses à visée antalgique. Mais "leur bénéfice attendu en traitement de fond reste modeste", affirme la HAS, qui alerte sur le risque de mésusages des traitements médicamenteux, en particulier opioïdes. Enfin, en troisième ligne, des techniques de neurostimulation peuvent être proposées : autoquestionnaire, critères de diagnostic, algorithmes...