Article publié dans Concours pluripro, mars 2023
 

La MSP du Buis-les-Baronnies a mis en place en 2021 un accès direct dans le cadre du protocole de coopération national "Prise en charge du traumatisme en torsion de la cheville par le masseur-kinésithérapeute dans le cadre d'une structure pluriprofessionnelle". Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?

Fanny Casanova : On a trouvé intéressant que les kinés puissent proposer cette prise en charge, notamment quand nous, médecins, n'avons pas forcément de disponibilité. Ça ouvre le champ des possibles des réponses à apporter à notre patientèle MT. Nous avons formé et informé toutes nos secrétaires de la démarche et du déroulé du protocole. Elles savent qu'en fonction de certains critères, elles peuvent proposer au patient d'intégrer le protocole qui permet de voir directement le kiné.

Stéphan Adamski : À l'issue de la formation assurée par nos collègues médecins, nous avons préparé une fiche synthèse pour les secrétaires, comptant quatre questions : quel est l'âge du patient ? la torsion s'est-elle faite dans le cadre du travail ? qui est le médecin traitant ? le patient accepte-t-il de voir directement le kiné ? On a également une fiche qui permet de reprendre des points avec le patient, et, si besoin, on lui délivre les ordonnances correspondantes avec les antidouleurs, les radiographies ou l'arrêt de travail.

Qu'est-ce qui pourrait justifier un adressage chez le généraliste ?

S.A. : Un exemple la semaine dernière : une patiente est venue pour la première fois dans le cadre du protocole. Elle avait l'âge requis (entre 18 et 55 ans), ne s'était pas blessée dans le cadre du travail, avait son médecin traitant dans la MSP… Mais le mécanisme du traumatisme n'étant finalement pas d'une torsion de cheville, elle ne pouvait plus être suivie via le protocole et devait être adressée au médecin. C'est aussi le cas pour un polytraumatisme, un malaise, une plaie, une douleur au genou… Tout cela est bien cadré.

F.C. : Il est important d'interroger le patient sur le contexte de son entorse, car un accident du travail implique par exemple des complications administratives qui ne relèvent pas de la formation du kiné.
 


 

Après deux ans de mise en place, quel bilan faites-vous du protocole ?

F.C. : Il a permis de renforcer la coopération au sein de l'équipe et de parler davantage de nos prises en charge. Il n'y a eu que trente patients inclus dans le protocole en deux ans, mais ça a eu le mérite de nous amener à discuter de notre manière de faire. Ce travail en coopération est un cercle vertueux car il nous amène à travailler mieux en nous posant des questions, en vérifiant les recommandations pour être plus proches des données de la science.

S.A. : En deux ans, il n'y a eu aucun couac ! D'ailleurs, on va bientôt s'engager dans le protocole sur la prise en charge de la douleur lombaire aiguë.

F.C. : Le protocole cheville est assez facile : une pathologie peu compliquée, des composantes psychosociales peu importantes, une prévalence assez faible au sein sur la patientèle MT.
C'est d'ailleurs l'un des inconvénients : on ne peut inclure que nos patients MT alors que nous sommes dans une région touristique et sportive. Les kinés ne peuvent donc pas voir directement ceux qui se blessent en vacances. Mais, bon, on comprend l'intérêt d'une telle construction du protocole.
Pour le protocole lombalgie, on veut davantage le faire ensemble parce que c'est un autre champ de compétences, qu'il y a plus de dimensions psychosociales associées et que c'est une pathologie plus lourde à prendre en charge… C'est plus intéressant de le faire en équipe que chacun dans son coin ! Mais ça demande aussi plus de préparation, un bornage plus important pour assurer la sécurité des patients et ne pas engager les professionnels au-delà de leurs compétences.

S.A. : On a aussi décidé de faire les choses différemment : si pour le protocole cheville, les kinés sont plutôt autonomes, le protocole lombalgie comptera une première consultation avec le kiné, et la deuxième, quinze jours plus tard, avec le médecin.

L'accès direct aux kinés, aux infirmières et aux orthophonistes a été approuvé par le Sénat en février dernier. Que conseillez-vous à une équipe qui veut se lancer ?

S.A. : Renforcer les liens qui les unit, avant même de se lancer ! Il faut se connaître, c'est essentiel.

F.C. : Le problème avec l'accès direct, c'est qu'il n'y a pas de délégation. Nous avons signé un contrat généraliste-kiné pour participer au protocole cheville. Ainsi, notre collègue médecin arrivé il y a quelques mois ne l'ayant pas encore signé, le kiné ne peut pas voir directement ses patients. Notre protocole n'a rien à voir avec l'accès direct tel qu'il vient d'être autorisé… D'ailleurs, chez nous, on ne parle jamais d'accès direct.


 

RETOUR HAUT DE PAGE