La "révélation" a eu lieu lors d'un stage en pédopsychiatrie, pendant sa deuxième année d'études en soins infirmiers. Et c'est ce qui a conduit Lisa Jubeau, infirmière en pratique avancée (IPA), à réorienter la fin de ses études avec notamment un stage préprofessionnel en psychiatrie au centre hospitalier Georges-Mazurelle en Vendée. S'ensuivent quatre années en intrahospitalier, six ans au sein d'un centre médicopsychologique (CMP) "pour observer la prise en charge en amont et en aval des hospitalisations des patients" et, en parallèle, à la maison d'arrêt d'Angers, où elle découvre une prise en charge au long cours, une certaine autonomie et la collaboration avec d'autres partenaires du somatique… tout en étant consciente qu'il "manquait un lien entre l'hôpital et l'extérieur, avec une rupture dans la prise en charge et des pertes d' infos".

2019, le Centre de santé mentale angevin (Cesame), qui l'emploie, propose d'envoyer en études deux professionnels. Lisa Jubeau se lance dans un master de pratique avancée psychiatrie-santé mentale et oriente son sujet de mémoire sur l'amélioration de la prise en charge et le suivi du syndrome métabolique chez les patients sous antipsychotiques atypiques avec cet axe de prise en charge en ambulatoire entre CMP et professionnels libéraux. Quelques mois avant l'obtention de son diplôme, suite à une prise de contact avec un généraliste, président d'une CPTS qui est en lien avec un psychologue du Cesame, elle rejoint l'équipe pluriprofessionnelle.

Si, au départ, Lisa Jubeau est seule, une infirmière recrutée par le Cesame travaille depuis quelques mois en coordination avec l'IPA qui intervient sur une dizaine de maisons de santé "en fonction des besoins identifiés". Ainsi, dès qu'un professionnel de santé ou un professionnel du social ou du médico-social repère une souffrance psychique chez un patient ou un usager, ce dernier sollicite l'IPA, qui lui propose un rendez-vous, sous dix jours, au sein de la MSP de son territoire. "L'idée est d'intervenir rapidement pour travailler sur la prévention précoce de la prise en charge, éviter les attentes, souvent longues, au sein des CMP, et prévenir toute escalade vers une pathologie psychiatrique installée."

 

Binôme MG-IPA

Une intervention précoce, suivie d'une première évaluation puis d'une orientation vers un binôme médecin généraliste-IPA : "Généralement, je rencontre seule le patient ou, parfois, j'assiste à l'échange en soutien du médecin face à une situation complexe. Je peux débuter une primoprescription d'antidépresseurs et d'anxiolytiques et évaluer le patient. Et je fais ensuite un compte-rendu pour le professionnel demandeur et le médecin généraliste en indiquant l'échelle d'évaluation utilisée, le traitement qui peut être proposé… Je peux aussi proposer au patient des rendez-vous plus réguliers que le généraliste. Et en profiter pour faire de l'éducation thérapeutique sur l'observation du traitement, son efficacité, les effets indésirables et toutes les règles hygiénodiététiques du quotidien à mettre en place." Une fois le traitement stabilisé, elle peut proposer au patient un suivi psychologique et l'orienter si besoin vers un psychiatre, ou un psychologue libéral, ou un CMP. "En fait, on se positionne comme le premier filtre des CMP sur le territoire."

Si l'IPA rencontre quelques difficultés – "certains médecins n'acceptent pas d'avoir une activité de psychiatrie ou ne veulent pas que mes patients se retrouvent dans la même salle d'attente que les leurs" –, elle est convaincue que son métier permet de "faire tomber les barrières entre certaines professions. Aujourd'hui, chacun avance dans son couloir sans toujours se parler et arriver à trouver un terrain d'entente. Et c'est là que l'IPA a toute sa place, dans ce lien qu'elle va recréer en plus de sa vision plus méta sur le territoire. Mais évidemment, il faut une sensibilisation et une ouverture, notamment au niveau politique parce qu'aujourd'hui les IPA n'arrivent pas à s'en sortir financièrement avec cette seule activité."
 

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