Article publié dans Concours pluripro, avril 2024
 

Depuis plusieurs années, la souffrance psychique en lien avec le travail (SPLT) est devenue un enjeu majeur de santé publique. Dès 2003, dans le cadre de sa mission de surveillance épidémiologique des risques professionnels, Santé publique France, en collaboration avec l'inspection médicale du travail de la Direction générale du travail (DGT) et les observatoires régionaux de santé (ORS) des régions participantes, a mis en place un système de surveillance des maladies à caractère professionnel. Elle a dévoilé, le 5 mars dernier, les résultats de ses enquêtes menées entre 2013 et 2019, ainsi que l'évolution de la SPLT depuis 2007 dans son Bulletin épidémiologique hebdomadaire.

Au-delà des conséquences sur la qualité de vie et donc sur la santé des travailleurs, l'impact économique des maladies à caractère professionnel sur la société est très important. En 2016, la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) de l'Assurance maladie estimait que les coûts des affections psychiques liées au travail s'élevaient à 230 millions d'euros. Un chiffre qui ne refléterait que partiellement la réalité, estime Santé publique France. En effet, pour la première fois en 2021, "le rapport de la commission sur la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles estimait que le chiffrage des affections psychiques les plus sévères et non déclarées pourrait être situé entre 73 et 287 millions d'euros", rappelle son étude. Car bien que des mesures de prévention aient été déployées dans le milieu du travail, la souffrance psychique ne figure pas dans les tableaux de maladies professionnelles, et ne peut donc pas être reconnue en tant que telle.

Pourtant, depuis 2013, la SPLT est le premier groupe de maladies à caractère professionnel signalé chez les femmes, et le second chez les hommes, après les troubles musculosquelettiques. Cette souffrance comprend tous les troubles mentaux causés ou aggravés par le travail et ses conditions d'exécution, d'après l'expertise clinique du médecin du travail, qu'ils soient classifiés ou non dans les nosographies médicales.

SPLT : souffrance psychique en lien avec le travail ; n : effectifs bruts ; IC à 95 % : intervalle de confiance à 95 % ; SSPT : syndromes de stress post-traumatique.

 

Une "division sexuelle" du travail

Entre 2007 et 2019, la SPLT a quasiment doublé, avec une hausse notable à compter de 2016. Les femmes sont deux à trois fois plus concernées que les hommes chaque année : la prévalence de la SPLT et de troubles chez celles-ci a atteint 2,4 % en 2007 puis 6,2 % en 2018, avant de légèrement décroître en 2019 (5,9 %). Chez les hommes, cette prévalence s'est accrue entre 2007 et 2015 jusqu'à atteindre les 2 %, puis a légèrement diminué en 2016 (1,8 %) avant de repartir à la hausse et de se stabiliser à 2,6 % en 2018 et 2019. Rien que sur la période 2013-2019, la prévalence de la SPLT était plus de deux fois plus importante chez les femmes que chez les hommes (4,6 % contre 2,1 %). Un résultat chez les femmes qui est "couramment observé en épidémiologie psychiatrique au niveau européen et international", estiment les auteurs de l'étude.

L'enquête révèle également que les cadres, les professions intermédiaires et les employés ont plus de risque de survenue d'une SPLT que les ouvriers. Cependant, "les troubles psychiques pourraient être camouflés par des pathologies somatiques chez les salariés exerçant des tâches physiques, notamment les ouvriers". Chez les femmes, les secteurs du transport et de l'entreposage, de la construction et de l'industrie sont considérés comme les plus à risque de provoquer cette souffrance. L'étude met en avant la "division sexuelle du travail" avec, en règle générale, une prédominance d'hommes dans les emplois techniques, manuels ou d'encadrement, tandis que les femmes exercent plutôt des emplois dits tertiaires, avec des tâches administratives, comme le service à la clientèle ou la gestion des ressources humaines.

 

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