Le premier centre de santé hospitalo-universitaire porté par un CHU a ouvert en janvier 2022, un second le 16 octobre dernier. À quels enjeux répondent-ils ?

Ces centres de santé portés par l’AP-HM répondent à plusieurs objectifs. Ils s’inscrivent dans le cadre du plan Marseille en grand et dans la lutte contre les inégalités de santé à Marseille, une ville qui affiche une fracture inouïe entre les quartiers Nord et les quartiers Sud. Dans ce contexte, nous nous sommes engagés à développer des centres de santé, portés par l’AP-HM, dans les quartiers les plus déshérités en termes d’offre de soins.

Pour cela, nous avons mené un travail avec la Ville pour identifier les endroits les plus dépourvus en la matière. Après la transformation d’une consultation avancée de l’AP-HM (Espace Santé) en centre de santé à la cité des Aygalades (15e) en 2022, nous avons ouvert un second centre de santé* le 16 octobre, dans le quartier du Grand Saint Barthélémy, à la cité des Flamants (14e).

Nous allons poursuivre cette démarche en reprenant en gestion et en développant le centre de santé André Roussin, dans le quartier Saint-André (16e) qui était jusqu’ici géré par l’hôpital psychiatrique Edouard-Toulouse.


Centre de santé Grand Saint Barthélémy - crédit : AP-HM


Pour l’AP-HM, il s’agit donc d’une stratégie qui s’inscrit dans la durée ?

Oui tout à fait. Elle correspond, d’une part, à la réalité de terrain propre à Marseille, et d’autre part, à la prise de conscience de notre capacité à agir, grâce à la force et au nombre des professionnels de l’AP-HM. C’est aussi une stratégie qui va dans l’intérêt de notre bon fonctionnement. On parle souvent du recours aux urgences mais celui-ci n’est pas abusif. Il est lié au fait qu’il n’y a pas d’autres alternatives. Si nous voulons avoir une stratégie de moyen terme qui limite les recours évitables aux urgences alors il nous faut développer une offre de soins là où il n’y en a pas. Et comme nous sommes dans des quartiers où pour de multiples raisons (isolement, problèmes de sécurité, risques de violence…), la médecine libérale est plutôt en retrait, nous installons des centres de santé pour répondre au manque de professionnels médicaux libéraux et à un déficit majeur d’offre de soins. 
 

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Quel est le mode de fonctionnement de ces centres de santé et leurs atouts ? 

Ces centres de santé répondent à l’entièreté de leurs missions, à savoir la dispense de soins et les actions de prévention. Le bilan** du premier centre aux Aygalades est positif – 12,000 consultations par an et 85 % de rendez-vous honorés – dans ce sens qu’il a pu créer une patientèle d’habitués du lieu pour y être pris en charge. Nous avons aussi mené, au cours des six derniers mois, de nombreuses opérations de prévention (éducation sexuelle, bonnes pratiques alimentaires…) car nous sommes bien insérés dans le réseau associatif du quartier.

Le deuxième objectif du centre était de soutenir la réinstallation de professionnels libéraux mais il est encore un peu tôt pour le dire.
 

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Le second centre, aux Flamants, a ouvert dans des locaux plus grands et plus adaptés en partie parce que nous avons eu la possibilité de les aménager nous-mêmes. Nous pouvons ainsi accueillir les associations qui souhaitent réaliser un travail de médiation sociale ou d’accompagnement des patients. Désormais, nous avons plusieurs équipes (médecins, infirmières, sages-femmes, psychologues, médiatrices en santé, accueillants…) qui ont la même activité dans des quartiers différents. Elles s’organisent en réseau intra AP-HM, ce qui va nous permettre de développer des interactions, des partages d’expériences et des formations communes. Elles s’appuient aussi, hors AP-HM, sur les structures ou les professionnels libéraux (centres sociaux, PMI, équipes médicales de l’Éducation nationale…).

Quel est le statut des professionnels des centres de santé ?

Ce sont tous des salariés de l’AP-HM. Ils ont un statut de contractuel ou de titulaire selon leur ancienneté et leur situation. Cela implique qu’ils ont les mêmes possibilités d’évolution que les salariés de l’AP-HM. J’en suis convaincu depuis le début : nous offrons une possibilité incroyable aux professionnels de l’AP-HM d’évoluer dans leur parcours, c’est probablement l’un des points qui rend ce modèle extrêmement attractif. La grande originalité et la vraie force de ces centres de santé, véritable innovation dans leur mode de fonctionnement, c’est l’Assistance publique. Et de manière plus politique, le CHU de Marseille entend faire en sorte que la médecine de premier recours ne soit pas exclusivement privée dans les années à venir avec un risque de financiarisation, qui n’est pas certain mais qui existe. Avec ces centres de santé, le service public pose un jalon de protection à la qualité de l’offre de soins.

 

NOTE
* Avec le soutien de la Préfecture des Bouches-du-Rhône, de l’ARS Paca, de la Région Sud, de la Métropole Aix-Marseille Provence, de la ville de Marseille, et de 13 Habitat.
** Les femmes représentent 63 % de la patientèle, 57 % des consultations se font en médecine générale, 10 % avec l’infirmière pour les maladies chroniques, 9 % avec la médiatrice en santé, et 8 % avec la sage-femme. Et 51 % relèvent de la complémentaire santé solidaire (ex-CMU-C).

 

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