Ce lundi matin, ils ont trouvé les portes des centres municipaux de santé fermées. Et c'est "la première fois que les trois CMS de Montreuil ont baissé le rideau", affirme Émilie Seddick, agent d'accueil. Mais "nous étions présents pour prévenir les patients qui se sont présentés aux créneaux sans-rendez-vous, et les orienter vers les autres structures aux alentours. Ils comprennent notre démarche", assure-t-elle… Les centres Léo Lagrange, Daniel Renoult et Savattero étaient clos ce 8 janvier "en raison d'un mouvement de grève de l'ensemble du personnel" pouvait-on lire en devanture. Une prise de position pour protester contre la proposition formulée par la Ville de Montreuil de ne pas verser dans son intégralité la dotation Coquerel aux personnels des CMS.


 

Cette dotation exceptionnelle – octroyée aux communes et EPCI gestionnaires de centres de santé via un décret paru le 6 septembre 2023 – vient souligner "l'engagement" des professionnels des centres de santé qui, pour rappel, n'ont pas bénéficié des revalorisations salariales prévues dans le cadre du Ségur de la Santé. La Ville de Montreuil a ainsi reçu une enveloppe de 180.321 euros répartis sur 71,4 ETP – comme précisé dans le décret – et a la charge de la redistribuer "soit en prime exceptionnelle ou en revalorisation salariale pour l'ensemble du personnel", poursuit Émilie Seddick.

Or, lors de leur dernière réunion avec la Ville le 4 janvier dernier, la municipalité explique aux professionnels qu'elle souhaiterait utiliser une partie de cette dotation pour financer des revalorisations salariales décidées entre 2021, 2022 et 2023 et en prévision en 2024… Elle formule donc une première proposition avec 60.000 euros en prime et 120.000 pour les revalorisations, puis plus récemment une seconde, à 120.000 pour la dotation et 60.000 pour les revalorisations. Ce qui déclenche le mécontentement des professionnels car "ça détourne l'esprit de la loi", assure Émilie Seddick car "ces revalorisations qui ont déjà été budgétées en amont ne doivent pas être prises dans cette enveloppe".

Pour rappel, cette prime de 8 millions revient à "tous les personnels de centres de santé cités dans le décret, administratifs ou professionnels de santé", précise Eric May, vice-président de l'Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS). Sa répartition se fait "de manière identique par équivalent temps plein" entre tous les professionnels, précise le médecin généraliste au CMS de Malakoff, tout en relevant que cette prime – "et c'est là que certains se sont engouffrés" – peut aussi participer à la revalorisation salariale. Or à Montreuil, "ces revalorisations ont été décidées pour certaines en 2021 et 2022, soit avant la dotation et aujourd'hui, c'est un prétexte pour  détourner de son usage une partie de la prime et pas la reverser en totalité aux professionnels", regrette ce dernier.

 

2.538 euros par ETP

Un sondage informel, réalisé par l’Association des Cadres des Centres de Santé des Hauts-de-Seine, révèle que seules 2 villes ont versé cette prime Coquerel en décembre dernier. "Seules deux villes ont fait le nécessaire pour que ce soit fait dans les meilleurs délais. Toutes les autres la verseront dans les mois qui viennent, d'autres annoncent même que ce serait en juin… alors que la dotation a été adoptée en décembre 2022 et que les décrets d'application sont sortis septembre 2023", explique Eric May, rappelant que le calcul est basé sur la déclaration des effectifs en centres de santé au 31 décembre 2022. Soit une redistribution sous forme d’une prime basée sur la dotation de 2.538 € par ETP pour tous les agents en poste durant l’année 2022, calculée au prorata du temps de travail sur l’année. 

Or, plusieurs municipalités ont tenté de contourner les clés de répartition indiquées dans le décret, assure Eric May : dotation différenciée entre un médecin généraliste et un personnel administratif, ou parfois 'opération de populisme local' en octroyant une prime supérieure aux administratifs qu'aux médecins au détriment de professionnels oubliés car plus en poste … "Aujourd'hui, le cadre ne comporte pas d'instruction précise. Donc tout le monde s'engouffre dedans et l’interprète à sa guise. Il faudrait une instruction très claire de la Direction générale des collectivités locales pour donner un cadre directif à toutes les villes", assure ce dernier. D'autant que l’Assemblée nationale a adopté un amendement renouvelant la dotation Coquerel pour 2023 : une nouvelle enveloppe de 8 millions d'euros sera ainsi octroyée aux centres de santé.

Ce lundi, en fin de matinée, le maire de Montreuil "en personne" a rencontré les professionnels des CMS, précise Émilie Seddick. "Il nous a dit qu'il comprenait notre mécontentement. Mais que c'était aussi compliqué pour eux… Il est évident que l'État donne de moins en moins de moyens aux communes." Rappelant une nouvelle fois qu'ils n'ont pas bénéficié des revalorisations salariales du Ségur de la santé, les professionnels ont insisté sur le fait que "cette compensation fait office de reconnaissance du travail réalisé pendant la crise sanitaire, et même après". La Ville s'étant engagée à reverser la totalité de la dotation reçue aux professionnels des CMS de Montreuil, la grève a pris fin à Montreuil. Une partie de l'effectif, notamment des médecins au centre Savaterro, ont repris du service en début d'après-midi.
 

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