Au sein de l'équipe pluripro, les professionnels sont comme "une boîte à outils" : l'APMSL explore les partenariats
La 8ᵉ journée régionale de l’APMSL a fait salle comble. L’évènement, qui s’est déroulé le 21 septembre dernier à Angers (Pays de la Loire), a abordé le sujet du "Partenariat en maison de santé, entre savoirs et pratiques" et a réuni 200 personnes.
Lucile Perreau
"Plus nous nous lançons dans des partenariats, plus nous découvrons des choses nouvelles et intéressantes !", a lancé Alexandre Feldman, co-président de l’Association pour le développement de l'exercice coordonné pluriprofessionnel en Pays de la Loire (APMSL), en ouverture de la 8ᵉ journée régionale qui a réuni pas moins de 200 professionnels de l’exercice coordonné. "C’est un champ qui permet d’ouvrir les maisons de santé et le soin à d’autres possibilités d’accompagner nos patients." Cette année, "le partenariat" a été sélectionné comme thème de la journée. Un choix "à la suite des remontées de terrain des équipes qui développent des partenariats. Cette thématique est également en lien avec les maisons de santé. En effet, cette demande de partenariat apparaît de plus en plus sur des maisons de santé matures, et les plus jeunes se questionnent déjà sur le sujet et s’interrogent sur les outils à leurs dispositions."
Le bureau de l'APMSL
Mais pourquoi en parler maintenant ? "Petit à petit, nous voyons les besoins qui sont toujours plus importants et qui arrivent de plus en plus tôt dans la maturité de l’équipe, a commenté Carine Renaux, également co-présidente de la fédération régionale. En ce moment, il y a un agenda politique qui peut expliquer pourquoi nous avons choisi cette thématique. En mars dernier, François Braun a lancé le plan 4.000 MSP à l’horizon 2027. Cela peut faire un peu peur, dit comme ça. Je pense que nous allons devoir changer nos éléments de langage. Nous devrions peut-être parler de nombre de professionnels de santé investis dans les MSP ou de prorata de pourcentage aux autres professionnels. Il y a un vraiment élan pour cette forme d’exercice coordonné de proximité." Elle cite par ailleurs l’objectif gouvernemental de couvrir 100% de la population des territoires avec les CPTS avant fin 2023. Cette mesure peut aussi "faire peur, estime Carine Renaux. Cependant, cela a permis aux professionnels de santé de réfléchir à la façon dont ils pouvaient travailler ensemble. Nous sentons bien que cela est essentiel pour le décloisonnement et la complémentarité."
Pour Alexandre Feldman, l’objectif de cette 8ᵉ Journée régionale de l’APMSL est avant tout "d’avoir des échanges entre tous, de pouvoir poser des questions et d’essayer d’obtenir des réponses, de lever les craintes et les incertitudes et de connaitre les équipes qui ont déjà mis en place des partenariats afin de s’en inspirer". Pour ce faire, de nombreux ateliers, escape game et tables rondes ont eu lieu tout au cours de la journée. Ces activités ont notamment permis aux participants de se rencontrer, de se mélanger et de discuter dans le but de résoudre des énigmes ou de répondre à des problématiques.
De l’origine du partenariat
La conférence plénière qui s’est déroulée durant la matinée, a permis d’aborder les avantages, mais aussi les complications du partenariat lors de sa mise en œuvre, grâce à une intervention de Philippe Lyet, docteur en sociologie et coordinateur scientifique à Askoria, un centre de formation professionnelle et d'enseignement supérieur en travail social basé à Rennes. Ce dernier est revenu sur les origines du partenariat et les moyens nécessaires pour en développer. "Le partenariat est un mode d’action, qui pose un certain nombre de questions, surtout du côté de la communication, de l’intercompréhension, mais aussi sur l’accord entre les parties prenantes sur les modalités opératoires." Selon lui, la mise en place de partenariats se fait lorsque qu’un problème est rencontré et que seul l’ensemble des compétences réunies peut résoudre. Cependant, cela regroupe un certain nombre de défis et d’enjeux, notamment au niveau de la coordination. "L’enjeu principal des partenariats pluridisciplinaires, c’est d’apprendre à communiquer pour faire travailler ensemble différentes professions", dévoile Philippe Lyet.
Le sociologue Philippe Lyet
Il mentionne notamment la citation du psychologue Abraham Maslow : "Si le seul outil que vous avez est un marteau, vous verrez tout problème comme un clou." Pour le sociologue, tout individu exerçant une profession est "déformé" par cette dernière. "Nous voyons les problèmes et les modalités pratiques d’intervention, à travers le prisme des enjeux de cette profession. Nous avons tous des outils qui permettent d’agir sur certains phénomènes, mais pas forcément sur d’autres."
Les différents partenaires dans une équipe pluridisciplinaire sont une sorte de boîte à outils constituée, précise-t-il, "de marteaux, de pinces, de tournevis… Chacun possède leur finalité. Quand nous travaillons avec d’autres, il y a un risque que nous soyons tellement focalisés sur notre objet, que nous ne nous rendions pas compte de l’existence d’un paysage plus large". Il soulève ainsi une question importante : dans une collaboration pluridisciplinaire, comment ne pas instrumentaliser un collègue d’un autre métier en l’utilisant pour atteindre ses seuls objectifs ? Pour lui, il faut apprendre à comprendre et à agir ensemble en combinant les compétences des partenaires. "Il faut comprendre que l’autre voit les choses différentes avec un autre point de vue. Voilà le principal enjeu de communication."