Aux États-Unis, la mise en œuvre de l’« Obamacare » est l’occasion de recentrer le système de santé sur les soins primaires et l’ambulatoire, afin de répondre au « défi » des maladies chroniques. Dès janvier 2014, un court article dans le New England Journal of Medicine rappelait neuf caractéristiques de l’évolution à conduire aux États-Unis : une organisation particulière pour les malades chroniques complexes ; un accès aux soins élargi 24 h/24 et 7 j/7 ;  une coordination de l’ensemble des acteurs, en particulier avec les soins spécialisés et les urgences ; des processus de décision concertée ou partagée ;  la mise en œuvre d’une communauté d’exercice (les items 3, 4  et 5 découlant du teamwork fondateur) ; un retour d’expériences systématique, incluant l’avis des patients ; une amélioration de la qualité nourrie par un suivi d’indicateurs ; des rémunérations adaptées et  synergiques ; l’utilisation significative des systèmes d’information (dont on voit bien qu’ils sont  essentiels aux huit points ci-dessus).

Le Dr Richard Baron est l’un des promoteurs les plus convaincants des évolutions en cours du système de soins : primauté de l’exercice en équipe et des soins primaires, nécessité d’en reformer les modes de rémunération, et importance d’utiliser les possibilités de l’informatique. Interniste et gériatre, il exerce au sein d’un groupe pluriprofessionnel à Philadelphie et a pris des responsabilités à l’échelon fédéral à la tête d’une American Board of Internal Medicine qui réoriente son action. 

Proximité et nouveaux rôles 

De notre côté de l’Atlantique, on peut se remémorer les orientations présentées dans le cadre du plan « Ma santé 2022 » et qui ambitionnait une réorganisation profonde du système de santé : l’importance nouvelle accordée aux soins de proximité et à la prévention ; tout cela impliquant une solide organisation du secteur ambulatoire, sanitaire et social ; une continuité et une gradation des soins ; un appel à la responsabilisation et à la participation croissantes des patients. Ces orientations devant être facilitées par des réformes profondes des formations initiales et des conditions d’exercice, et par l’apport – maîtrisé – des nouvelles technologies.

Pour ces professionnels, et singulièrement les médecins, l’évolution principale est l’avènement d’un mode d’exercice « regroupé/coordonné » sinon en équipe constituée. Ce qui représente une révolution copernicienne pour une large part des professionnels de l’ambulatoire attachés aux valeurs ancestrales d’autonomie et d’indépendance. C’est cette révolution que le président Macron a (audacieusement) encouragée le 18 septembre 2018 lors de la présentation du plan en indiquant vouloir que « l’exercice isolé devienne progressivement marginal, devienne l’aberration et puisse disparaître à l’horizon de 2022 ».

Cet exercice regroupé/coordonné appelle une redistribution* des rôles et des activités au sein des équipes pluriprofessionnelles. Pour les soins de proximité bien sûr, où les infirmières, les pharmaciens et les travailleurs sociaux sont appelés à travailler différemment ; et incluant l’apport de nouveaux intervenants comme les coordonnatrices et les assistants médicaux. Mais aussi pour les médecins spécialisés autour d’un plateau technique, comme les ophtalmos l’ont bien montré en travaillant avec les orthoptistes. L’essentiel étant que tous ces professionnels privilégient l’équipe aux approches monoprofessionnelles sinon corporatistes et ne perdent pas de vue la primauté du patient. Reste que l’identité des orientations entre les États-Unis et la France est manifeste, nonobstant les spécificités économiques, sociales ou culturelles…  

* Redistributions d’autant plus aisées et pertinentes que l’exercice regroupé sécurise, par rapport à l’exercice isolé, les « délégations, transferts et autres partages de tâches » qui piétinent depuis une vingtaine d’années dans notre pays.
 

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