Leur émergence a été quasi simultanée. Sur le territoire du 77 (Ile-de-France), les premières CPTS sont apparues "en même temps" que les dispositifs d’appui à la coordination (DAC) en 2020. Et au départ, tout au long de la construction de leurs dispositifs, les équipes se sont regardées "en chiens de faïence", avoue Sylvie Lainé, directrice du DAC 77 Sud. Mais assez rapidement, elles se sont "mises autour d’une table" pour "essayer de construire cette collaboration". Au niveau de la CPTS de Fontainebleau, la collaboration a été "très loin", assure-t-elle, avec notamment une gouvernance mutuelle des dispositifs et des missions construites en commun. "Le DAC va se charger de l’animation territoriale et aller sur des thématiques plus larges. Et il va, d'autre part, s’articuler avec la CPTS pour des thématiques plus infraterritoriales." Les deux équipes ont notamment beaucoup travaillé sur l’appui au médecin par des coordinateurs de parcours et finalement, assure Sylvie Lainé, "c’est par le service rendu aux professionnels de santé qu’on a construit cette collaboration au fur et mesure mais toujours via des situations et non autour d’une table de manière théorique…" Un modèle de collaboration très efficace mais qui ne peut vraiment être dupliqué tel quel, explique-t-elle : aujourd’hui, elle a "autant de relations que de CPTS". Mais toutes – le territoire compte quatre CPTS – travaillent en complémentarité avec les autres partenaires (DAC, URPS et autres) pour coordonner le parcours patient.

DAC et CPTS, concurrents ou complémentaires ? La question a été posée aux Universités de la coordination en santé, le 31 août dernier… et les divers témoignages et retours d’expérience ont presque tous témoigné de ce souhait d’"aller-vers" une forme de complémentarité.

Le DAC, une usine à gaz ?

Entre l’Hérault et la Haute Garonne, territoires "très peuplés", l’Ariège "extrêmement morcelé", l’Aveyron "et sa densité de population très faible"… l’Occitanie est un territoire "très hétéroclite", décrit Jonathan Plantrou, directeur délégué régional de l’URPS médecins libéraux Occitanie et coordinateur régional du Guichet CPTS. "En Occitanie, on travaille bien avec les DAC et très vite, un débat a eu lieu avec l’ARS : comment tenter d’uniformiser un peu les pratiques et ne pas créer une sorte de concurrence car on a des thématiques qui se recoupent et des sujets sur lesquels on peut être complémentaires." Le 25 mai dernier, une réunion a rassemblé les directeurs de DAC, les présidents de CPTS (80 sont actuellement en projet) et les directeurs de l’Assurance maladie. Objectif : déterminer "comment, sur ces deux dispositifs assez nouveaux, resserrer les liens, travailler en mode projet, trouver les bonnes idées et faire en sorte qu’elles aillent jusqu’au bout", raconte Jonathan Plantrou, qui cite l’exemple de cette inter-CPTS dans le Tarn-et-Garonne qui porte un DAC et dont le président est également le président du DAC. "Une telle complémentarité a permis par exemple de créer des plateformes mutualisées de soins non programmés en l’espace de deux mois… Ce qui est extrêmement rapide !"


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Laurence Gaillard est médecin généraliste remplaçante, médecin d’appui au DAC de Vannes et médecin coordonnateur au DAC de Pontivy, et vice-présidente de la CPTS de Vannes. Et elle en est convaincue : "Le DAC, c’est une ressource pour les CPTS". Si elle regrette une certaine "frilosité" chez certains libéraux "qui pensent que le DAC est une usine à gaz", tout travail en commun ou groupe de travail permet de "mieux saisir les missions du DAC et de comprendre concrètement à quoi il sert", assure-t-elle. Un avis que partage Théo Combes, médecin généraliste "de terrain et de projets", qui porte la double casquette de président de la CPTS du Grand Gaillacois et du DAC 81 : "Au début de la construction du DAC, il y a eu quelques tensions sur notre territoire. Après la création de la CPTS, dont les travaux ont démarré dès 2017, il y a une sorte de compte-à-rebours lancé par la direction territoriale de l’ARS à travers un Copil comptant divers partenaires, avec cet objectif de créer un DAC. Et ça ne semblait pas évident pour tout le monde que les CPTS soient bien représentées au sein du Copil, puis dans le futur conseil d’administration puis dans le bureau du DAC. Ça a été compliqué de faire passer cette idée. Notamment parce que le DAC a fusionné les ressources humaines du RésoPalid 81 et des 3 Maïa du Tarn qui étaient surtout portées par des établissements de santé. Passer la main aux professionnels de soins primaires puis aux CPTS n’a pas été évident."

Dans la pratique, le DAC se présente comme un point d’entrée unique pour les professionnels confrontés à des situations complexes. Citant le cas des personnes âgées dont les parcours nécessitent l’intervention de "beaucoup d’intervenants", Laurence Gaillard regrette le "peu de coordination" entre ces derniers. "Au sein de la CPTS, on a eu un groupe de travail sur l’entrée et la sortie d’hospitalisation de la personne âgée. Et on s’est rendu compte qu’on pouvait s’appuyer sur l’annuaire du DAC – qui comprend toutes les ressources territoriales concernant l’accompagnement et les plans d’aide des personnes âgées – pour identifier tous les interlocuteurs nécessaires."

Quand on travaille au sein d’un DAC, il faut savoir entendre la demande réelle...

Dans le Tarn, si l’équipe de soins de proximité (souvent le binôme infirmière libérale et médecin traitant, auquel se rajoutent le kiné, le pharmacien…) rencontre une difficulté dans le parcours patient, elle se tourne vers la CPTS, notamment dans des groupes d’analyses de pratiques, détaille Théo Combes. Mais si la situation est trop complexe et qu’elle nécessite une prise en charge et un suivi par un coordinateur d’appui, c’est le DAC qui prend la main. "D’où l’intérêt de compter des professionnels du DAC au sein de ces groupes d’analyses de pratiques !"


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Au-delà des parcours complexes, une bonne complémentarité entre DAC et CPTS permet de prendre soin des soignants, un sujet qui " [lui] tient à cœur", glisse Laurence Gaillard : "Dans certaines demandes d’appui notamment des médecins et des infirmières libérales, je me rends compte qu’il y a aussi un épuisement chez ces professionnels, un état qu’on ne voit pas toujours. Je crois que quand on travaille au sein d’un DAC, il y a tout un travail de repérage et de savoir entendre la demande réelle… Et là, en tant que médecin, je joue le rôle de pair-aidant. Je peux donc revenir vers le professionnel de santé et tenter d’étayer un peu mieux la situation. Est-ce qu’au-delà de la situation de ce patient, n’est-il pas lui-même en difficulté ? Est-ce qu’on peut l’aider ?"

Aujourd’hui, CPTS et DAC "doivent se coconstruire et s’aider mutuellement à éclore car ce sont deux entités nouvelles dans un paysage nouveau de l’organisation territorial de santé", insiste Théo Combes. Ce que confirme sa collègue bretonne : "Le DAC peut aider la CPTS… comme la CPTS peut aider le DAC. Ils peuvent se nourrir l’un l’autre. Parce que c’est ainsi qu’on établit une vraie coordination : en travaillant ensemble vers un objectif commun, en améliorant les parcours de santé et en impulsant le changement de paradigme vers de nouvelles pratiques."

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