Son discours a duré 57 minutes, pendant lesquelles le Président de la République a tenté de rassurer un secteur en crise, épuisé par deux années de Covid qui ont montré que "la santé n’est simplement pas une politique publique parmi d’autres mais qu’elle permet en quelque sorte toutes les autres", et habité par une "inquiétude, une angoisse, une fatigue" que partagent tous les soignants. "Je sais l’épuisement personnel et collectif et le sentiment de passer d’une crise à l’autre sans sortir de ce jour de crise sans fin", a affirmé Emmanuel Macron, convaincu qu’il faille "bâtir des actions de court terme et de long terme ensemble" et "donner une impulsion nouvelle pour l’ensemble de notre système de santé" en le faisant "avec beaucoup de détermination pour pousser les choses, parfois les murs, et aller plus vite et plus fort".

Le diagnostic, "on le connaît parfaitement", a lancé le Président de la République et si "en 2018, au moment du lancement de ‘Ma Santé 2022’, tout était à peu près posé", il estime que "le traitement n’était, lui, sûrement pas suffisant". Car la crise actuelle "n’est pas juste une crise de moyens, elle est multifactorielle".

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Problème d’organisation et d’évolution du système de santé, cloisonnement entre la ville et l’hôpital, coopération insuffisante au sein des territoires, approche générationnelle différente à la pratique du métier de soignant… S’il n’y a pas de "recette miracle" pour répondre "aux erreurs du passé ou à la mauvaise programmation", la solution, pour "résister au choc qu’on est en train de vivre", réside dans la "coopération entre tous". C'est le seul moyen pour avoir "une médecine qui prévient mieux, une médecine personnalisée, une médecine qui décloisonne et une médecine qui évite les actes inutiles et réduit la mortalité évitable".
 

Une "liberté donnée au terrain"

Emmanuel Macron l’a martelé : il faut aujourd’hui aller "plus vite et plus fort" et prendre "des décisions radicales collectivement" tout en misant sur "l’intelligence collective" et la "liberté donnée au terrain".

Premier objectif : gagner du temps médical. Comment ? En accélérant notamment le recrutement des assistants médicaux. "Vrai succès de la politique lancée depuis 2018", ce dispositif doit compter 10 000 signatures d’ici fin 2024 (contre près de 4 000 aujourd’hui). Il s’agira donc d’accroître les financements et d’inciter davantage afin de "délester les tâches périphériques aux soins". Emmanuel Macron souhaite également appliquer ce dispositif à l’hôpital, pour "basculer des personnels administratif, logistique et technique au plus près des services pour permettre aux soignants de se concentrer sur le cœur de leur métier".

 

La solution pour 'résister au choc qu’on est en train de vivre' réside dans la 'coopération entre tous'

Le Président souhaite également travailler à une meilleure organisation du temps de travail, loin du format "35 heures et heures sup’", revoir l’organisation et le fonctionnement des études – à finaliser d’ici cet été – et mettre en place un système "plus responsabilisant" en sortie d’études pour éviter que certains aillent directement faire de l’intérim ou du remplacement.

Un pacte "de droits et de devoirs"

2e axe : solutionner la question des déserts médicaux. Notamment en décloisonnant la ville et l’hôpital et en redistribuant les efforts pour assurer la permanence des soins. Si l’objectif, à l’hôpital, est d’ouvrir le chantier sur la rémunération de nuit et de la permanence, ainsi que sur la pénibilité de ces missions, il s’agit également de "responsabiliser" les libéraux car "tous les Français doivent trouver facilement un médecin de garde".

À l’exemple des établissements qui obtiendront plus de moyens et d’incitations s’ils participent à la continuité des soins sur leur territoire, le Président souhaite mieux rémunérer les médecins qui participent à la permanence des soins, qui prennent en charge de nouveaux patients, participent à l’offre de soin sur le territoire, acceptent de former des jeunes, et acceptent d’aider "au coup de chauffe quand il existe" : "C’est là-dessus que nous allons concentrer les efforts financiers des négociations conventionnelles. Oui, on va mettre plus de moyens, il faut les mettre mais au bon endroit, a averti Emmanuel Macron. On ne peut pas revaloriser de la même manière. Simplement là, il faut faire les choses plus intelligemment, et mieux rémunérer ceux qui jouent le jouer le jeu."

Oui, on va mettre plus de moyens, il faut les mettre mais on va les mettre au bon endroit

Sortir donc d’un financement à l’acte pour un financement à la mission et à la réponse en termes de santé. Et construire "un pacte de droits et de devoirs" avec la médecine libérale et une forme de solidarité collective. Par exemple, que les médecins spécialistes réalisent des consultations avancées dans les zones sous-denses et que les médecins généralistes participent à la prise en charge des soins non programmés ou à l’accueil d’internes en stage… Il faudrait que d’ici fin 2023, "chaque citoyen ait accès dans son bassin de vie à une offre de soins. En d’autres mots, quand on habite dans un endroit, avoir quelqu’un en référence : un médecin ou quelqu’un qui travaille avec lui, une infirmière, un pharmacien, un hospitalier… Soit créer une solution de santé à l’échelle d’un territoire en incitant la coopération entre ses acteurs."

Et ce seront aux CNR territoriaux de bâtir, d’ici fin 2023, une feuille route qui débouchera sur la création de nouvelles CPTS ou de réseaux entre CPTS et hôpitaux etc.

"Des coalitions de santé"

Le médecin généraliste, c’est le "visage le plus familier" pour les patients. Il s’agit de "revaloriser son rôle et se concentre sur la santé et rien que la santé" en l'aidant à prendre en charge plus de patients, en multipliant les aides, en supprimant les tâches inutiles, en développant la téléconsultation… Et pour y parvenir, il faut "faire évoluer les compétences des autres professionnels pour renforcer notre capacité à soigner". C’est le 3e objectif d’Emmanuel Macron : des sortes de "coalitions de santé" qui devraient émerger en développant la pratique avancée infirmière, en encourageant les différentes possibilités – par exemple, les orthoptistes qui peuvent faire des renouvellements depuis le 1er janvier 2023 ou les sages-femmes et les infirmières et les pharmaciens qui peuvent faire de la vaccination, du dépistage ou l’éducation thérapeutique.

De plus, "la délégation d’actes doit être simplifiée et généralisée" et "il ne faut pas qu’il y ait de conflits entre les professions. Si ça se fait à l’échelle d’une coalition ou d’un réseau, ça incitera tout le monde à collaborer », a exhorté le Président de la République, ajoutant que les "formations et les compétences de chacun doivent être dûment reconnues pour que chacun se concentre sur les tâches et les complexités pour lesquelles il a été formé". Emmanuel Macron a ainsi demandé à François Braun d’identifier toutes ces évolutions d’ici le 1er mars pour pouvoir "les généraliser et les simplifier".
 

Accès à une équipe traitante

Considérant que "chacun doit prendre ses responsabilités", le Président souhaite également responsabiliser les patients car "comme la santé n’a plus de prix, pour beaucoup elle n’a plus de valeur". Estimant que trop de temps médical est"gaspillé par un excès d’imprévoyance et de la désinvolture", il souhaite lancer un travail avec l’Assurance maladie en cas de rendez-vous non honorés ou de recours abusif à des soins non programmés, pour "supprimer cette perte sèche de temps médical".

Le médecin traitant "doit être la porte d’entrée mais pas le verrou du système de santé", a lancé Emmanuel Macron qui souhaite clarifier l’organisation sur le territoire. Rappelant que 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, dont 600 000 patients chroniques, il a assuré que "ces 600 000 patients se verront proposer un médecin traitant avant la fin de l’année… ou plus exactement, l’accès à une équipe traitante".

Les médecins doivent rester les référents mais "à eux de se débrouiller pour trouver le temps. Et s’ils sont malins, ils délèguent les actes qui ont moins de valeur aux paramédicaux. La logique voudrait que les généralistes déléguent 2 ou 3 renouvellements d’ordonnances par an à l’infirmière ou au pharmacien de référence, et ensemble, qu'ils trouvent la bonne fréquence".

Il faut faire évoluer les compétences des autres professionnels pour renforcer notre capacité à soigner, insiste le Président, tout en assurant que "tant qu’on n’aura pas rebâti les choses, les mesures dites d’urgences prévues jusqu’en mars seront maintenues".
 

FOCUS

Un axe purement hospitalier

Dans l’objectif de "remettre l’organisation collective hospitalière à l’échelle humaine", Emmanuel Macron propose de donner plus de liberté organisationnelle aux équipes. Ainsi, au plus tard le 1er juin, les hôpitaux doivent se concerter pour adapter les plannings de travail, en s’assurant que chaque service s’organise en toute autonomie. "Le service doit redevenir l’unité organique et humaine" souhaite le Président, qui veut également que la direction de chaque hôpital soit pilotée par un tandem administratif et médical.

Il souhaite aussi mettre en place une nouvelle rémunération pour financer la coopération entre la ville et l’hôpital et demande aux acteurs locaux du territoire de définir "un plan d’action partagé", par exemple un parc de logement dédié pour le personnel soignant, ou encore un accompagnement aux déplacements ou au stationnement.

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