
Expérimentation
Ne plus tourner en rond grâce aux cercles de qualité
Des cercles de qualité médecins-pharmaciens sont expérimentés depuis mars dernier, afin d'évaluer leur apport dans la relation pluriprofessionnelle
Expérimentation
Des cercles de qualité médecins-pharmaciens sont expérimentés depuis mars dernier, afin d'évaluer leur apport dans la relation pluriprofessionnelle
Les cercles de qualité sont des équipes constituées de cinq à quinze médecins exerçant sur un même territoire, et coordonnées par un ou deux pharmaciens- animateurs. Le dispositif, initié en Suisse il y a une vingtaine d’années (voir encadré), vise à renforcer la relation entre médecins et pharmaciens, à contribuer au développement de la coordination des soins et à améliorer la prescription médicamenteuse, à travers la pertinence, la sécurité, le bon usage et l’efficience médico-économique.
En France, l’unité mixte de développement professionnel continu en santé (UMDPCS) de l’université de Bourgogne, en partenariat avec le Laboratoire d’économie de Dijon et l’organisation pharmaSuisse, s’est appuyée sur deux doctorants, Laetitia Morvan et Florent Macé, pour lancer l’expérimentation. "Nous avons organisé un voyage d’études en Suisse et rencontré les personnes à l’origine des cercles de qualité, explique Laetitia Morvan. Suite à une formation, nous avons constitué un petit groupe de pharmaciens (anciens étudiants ou professionnels rencontrés à des congrès) afin de les expérimenter en France." Treize pharmaciens-animateurs et cinquante médecins exerçant en milieu urbain, rural et semi-rural se sont engagés dans l’expérimentation menée sur neuf sites(1).
Lors de chaque cercle(2), les professionnels échangent des données scientifiques, cliniques et thérapeutiques actualisées sur la base de la littérature internationale et adaptées à leur pratique quotidienne, autour de thèmes définis. Objectif : établir un consensus autour de pratiques visant à optimiser la prise en charge thérapeutique des patients. Thomas Raguin, pharmacien à Besançon (Doubs), exerce avec la MSP de Saint-Claude. À la suite de sa rencontre avec les deux instigateurs du projet, il a souhaité mettre en place un cercle de qualité avec les dix médecins de la MSP, notamment pour renforcer le lien entre les professionnels et "tenir le même discours auprès des patients". "Pour le premier cercle, nous avons parlé de l’antibiorésistance ainsi que des actions à mettre en place pour diminuer la prescription d’antibiotiques et promouvoir les bonnes règles d’hygiène", témoigne-t-il, avant d’ajouter : "Après une approche générale, j’ai ciblé plus précisément la prise en charge de l’otite chez l’enfant, qui ne requiert pas nécessairement d’antibiotiques. Nous avons donc mené une réflexion commune sur cette question." Ils ont ensuite réfléchi à des outils ou actions à mener, notamment des interventions dans les écoles, afin d’évoquer les règles d’hygiène pour la campagne hivernale.
Thomas Petit, 24 ans, a terminé ses études il y a neuf mois. Souhaitant participer aux cercles, cet ancien étudiant de l’UFR des sciences de santé de Dijon, pharmacien-adjoint à Migennes (Yonne) formé à la pratique interprofessionnelle par Laetitia Morvan, a constitué un groupe de huit médecins : "Nous nous sommes réunis début mars et avons abordé trois sujets, à savoir l’antibiorésistance, les effets indésirables et les interactions médicamenteuses. Les médecins attendaient un certain niveau d’expertise et nous nous sommes à chaque fois questionnés sur l’intérêt dans la pratique. Lors du prochain cercle qui portera sur les antidouleurs et les anti-inflammatoires, ils m’ont demandé de travailler sur l’analyse d’ordonnances."
L’objectif de l’expérimentation est d’organiser cinq cercles d’ici à juin 2020, les thématiques étant définies par l’UMDPCS. Pour les animer, les pharmaciens se forment en e-learning grâce à des dispositifs de formation mis à disposition par pharmaSuisse et adaptés au contexte français par l’UMDPCS. "En amont du premier cercle, j’ai suivi la formation de cinq heures en e-learning sur les antibiotiques", fait savoir Thomas Raguin, qui prévoit de rédiger le compte-rendu de la première réunion qu’il doit remettre aux participants. Une formation nécessaire car "je n’aurais jamais pu effectuer toutes les recherches sur le sujet tout seul à moins de m’y consacrer à temps plein", reconnaît-il.
Si pour le moment, les acteurs des cercles sont bénévoles, la formation du pharmacien fait néanmoins l’objet d’une demande de financement, nous explique-t-on. En attendant, celle-ci est prise en charge par le fonds de développement de l’UMDPCS. Les résultats de l’évaluation du dispositif, effectuée tout au long de l’expérimentation, seront publiés début 2021. "Nous souhaitons apprécier l’apport des cercles de qualité dans les différentes organisations du système de soins et mettre en avant les freins et les leviers rencontrés avant une expérimentation plus large", conclut Florent Macé.
1. Les neuf sites – Paris-13, Millesoins (19), Chenôve (21), Saint-Seine-l’Abbaye (21), Arnay-le-Duc/Pouilly-en-Auxois (21), Grenoble (38), Besançon (39), Tournus (71) et Migennes (89) – sont représentatifs des différentes organisations en soins primaires : exercice non coordonné ou coordonné en MSP, pôles de santé et CPTS.
2. Chaque équipe s’engage à se réunir trois ou quatre fois par an pour des réunions de deux heures environ.