Premier bilan de l'expérimentation « responsabilité populationnelle » avec Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération hospitalière de France

En trois mots, la responsabilité populationnelle, c’est...

Zaynab Riet : Je pense d’abord à « santé » car l’objectif est bien de maintenir une population en bonne santé et, pour ceux atteints d’une pathologie, de prévenir une altération de leur état. C’est donc une transformation fondamentale d’un modèle orienté vers le curatif et la maladie vers un système orienté vers la prévention et la santé. Mais « interdépendance » puisque chacun a un rôle à jouer… et personne ne peut y arriver seul ! Tous ceux qui interviennent autour de la personne doivent travailler ensemble pour atteindre cet objectif partagé. Et enfin « excellence » car ce que nous visons, c’est la capacité à mettre en œuvre, tous ensemble, d’excellents processus cliniques : le bon service, pour la bonne personne, au bon moment. 

La FHF a lancé, en 2018, une expérimentation dans cinq territoires. En quoi consiste-t-elle ?

Nous avons développé un modèle d’intégration clinique qui vise à rendre opérationnelle la responsabilité populationnelle, en recherchant le triple objectif d’une meilleure santé, une meilleure prise en charge, au meilleur coût. Pour ce faire, nous nous appuyons sur cinq territoires (l’Aube et le Sézannais, la Cornouaille, les Deux-Sèvres, le Douaisis et la Haute-Saône) pour développer des programmes cliniques partagés pour les populations atteintes ou à risque de diabète de type 2 et/ou d’insuffisance cardiaque, soit au bas mot 80 000 personnes atteintes et 300 000 personnes non malades, mais pour lesquelles on peut mettre en place de la prévention. Ils partagent les mêmes outils et méthodes de travail, et organisent des réunions rassemblant un vaste éventail d’acteurs qui discutent de la meilleure façon de mettre en œuvre des recommandations de bonnes pratiques, compte tenu de la réalité, des forces et faiblesses de leurs territoires. 

Ce projet relève d’une expérimentation article 51. Comment cela se traduit-il ?

Son volet « Incitation à une prise en charge partagée » (Ipep) nous donne accès à un mode de financement « populationnel » qui correspond à la philosophie de notre approche, et permet de résoudre une contradiction inhérente à notre modèle, visant l’amélioration de la santé. En effet, si le modèle fonctionne, et que les citoyens sont en meilleure santé, ils auront moins recours aux services de santé. Or, nous sommes tous payés à l’acte. Cela voudrait donc dire une réduction potentielle de nos revenus. Le modèle Ipep nous permet de conserver une partie des économies qui seront générées par une meilleure efficacité clinique et de la redistribuer aux participants. Nous ne serons plus dans une course à l’activité pour générer des revenus, mais bien dans une recherche d’excellence clinique. 

Un an et demi après le début de l’expérimentation, quel bilan ?

Le premier constat, c’est celui d’un enthousiasme très fort des professionnels de terrain ! Cela montre que notre approche touche au cœur de métier des professionnels de santé. Nous y parlons de clinique, d’actions réelles à mettre en œuvre pour des personnes réelles. En ce sens, la complémentarité entre libéraux et hospitaliers joue naturellement. En outre, nous avons introduit une innovation : la présence d’au moins deux patients à chaque réunion clinique et qui participent à l’élaboration de la stratégie.

Tous les territoires ont achevé le cycle de réunions sur le diabète, et en sont à formaliser des plans d’action concrets, qui vont du dépistage à très grande échelle à la réorganisation de la prise en charge de patients lourds et complexes. Nous en sommes maintenant à la phase d’essaimage des actions décidées en réunions cliniques. D’ici l’été, la population de ces territoires verra des changements très réels dans la prise en charge et la prévention du diabète et de l’insuffisance cardiaque.

Avec ce travail, les acteurs du terrain ont démontré que non seulement notre modèle fonctionne mais qu’il suscite l’adhésion. Dans les prochaines semaines, nous allons nous assurer que cette action soit mieux connue des décideurs nationaux. Et attendons d’eux qu’ils se donnent, et nous donnent, les moyens de généraliser notre approche. On voit bien, dans un contexte où se mettent en place les hôpitaux de proximité ou les CPTS, où l’on commence à réfléchir aux projets territoriaux de santé, que l’expérimentation a un énorme potentiel. C’est clairement le prototype du système de santé de demain.   
 

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