La « responsabilité populationnelle » est une expression apparue récemment dans le monde de la santé. Et cette expression renvoie à deux composantes plutôt innovantes : d’abord la responsabilité « sociale » telle que des professionnels de santé regroupés et organisés se proposent de l’assumer. En clair, il s’agit de se charger, de préserver et de maintenir l’état de santé d’une patientèle déterminée. Ensuite, la responsabilité « territoriale », c’est-à-dire la responsabilité d’une population définie par une zone de vie, de travail et d’habitation constituant un territoire.

Il y a encore peu de temps et dans le contexte français, ces deux notions associées, « sociale » et « territoriale », étaient plutôt étrangères à la conception classique, sinon traditionnelle, de la médecine. Cela relevait davantage de la santé publique que de l’exercice clinique quotidien… Mais les choses changent.

Des étudiants bien préparés et informés

En réalité, la notion de responsabilité sociale avait été avancée il y a près de vingt-cinq ans, dès le début des années 90, à l’initiative de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il s’agissait en particulier d’appeler les facultés de médecine des pays développés à s’intéresser à l’ensemble des populations constituant leur environnement de proximité. Et, au-delà, à garantir que les étudiants formés étaient bien préparés et informés pour prendre en charge ces populations dans leur diversité.

Selon l’acteur principal de cette initiative, le Dr Charles Boelen, la responsabilité sociale (d’une faculté de médecine) peut être définie comme « l’obligation d’orienter les activités de formation, de recherche et de services en vue de mieux répondre aux principaux problèmes de santé posés à la communauté, région et/ou nation qu’elle a comme mandat de servir, sachant que ces problèmes seront identifiés conjointement par les gouvernements, les organisations sanitaires, les professions de santé et le public ». Vaste programme… dont on comprend aisément qu’il ait fallu un quart de siècle pour commencer de le concrétiser.

Il n’est pas inutile de rappeler également que cette responsabilité sociale se développe sur quatre valeurs – pertinence, qualité, efficience et équité – qui caractérisent le système de soins environnant la faculté et, par là, les programmes éducatifs et finalement les compétences des étudiants diplômés. De même, la notion de responsabilité territoriale est apparue dans différents pays développés, quasiment simultanément, au cours des quinze dernières années et à l’occasion de la (ré)organisation des soins primaires.

À cette occasion et dans la dynamique des regroupements pluriprofessionnels qui se multipliaient (patient-centered medical home outre-Atlantique, maisons de santé chez nous, etc.), des documents ont été produits dans tous les pays concernés afin de faciliter cette organisation des soins de proximité. Parmi ces documents, et sous les termes ingrats de « matrice de maturité » (maturity matrix), on trouve des sortes de guides, le plus souvent initiés par des professionnels du terrain et regroupant les principales caractéristiques d’un regroupement pluriprofessionnel dédié aux soins primaires.

Et constamment, quel que soit leur pays d’origine, ces guides ont privilégié la notion de territoire, de population desservie, de spécificités, le tout regroupé dans un « projet de santé » à consonnance technocratique. Des exemples en sont aisément accessibles sur internet, à l’étranger (exemple du pays de Galles) et aussi en France ; et en pratique, plusieurs projets « article 51 » devraient prochainement traduire la réalité de cette responsabilité populationnelle. 

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