Article publié dans Concours pluripro, octobre 2025
Juliette Fleury est également membre du bureau de la CPTS Seine et Forêts et étudiante en master 2 à Dauphine Université-PSL et Mines Paris-PSL*
L’accès aux soins en orthophonie en libéral est sous tension. Si le champ de compétences des orthophonistes s’est élargi depuis l’inscription de la profession dans le code de la santé publique en 1964, la forte hausse des demandes de prise en charge et la désaffection de l’exercice salarié dans les établissements hospitaliers ou médico-sociaux en raison d’une rémunération peu attractive engendrent des tensions supplémentaires. À la rentrée 2023, seuls 975 étudiants ont été admis en première année d’études préparatoires au certificat de capacité d’orthophoniste. En 2025, on comptait 21172 orthophonistes libérales, contre 20400 cinq ans plus tôt. Soit une (faible) hausse de près de 1 % de plus chaque année... La démographie peine donc à suivre la demande croissante de soins et à compenser les départs à la retraite. Résultat : une charge mentale pèse sur les orthophonistes. 69,5 % d’entre elles présentent un certain niveau d’épuisement, révèle une étude réalisée par la Carpimko en 2020**.
Dans certaines régions, les délais d’attente pour un rendez-vous sont estimés à un an, voire deux ans... Et faute de bilan, des demandes d’aide auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) sont parfois suspendues, laissant des enfants en grandes difficultés scolaires. Las d’attendre des mois, certains patients finissent par renoncer à une prise en charge orthophonique.
En 2017, une enquête menée par le CNRS pour l’URPS orthophonistes Île-de-France auprès de 230 personnes révélait que 7 % d’entre elles avaient renoncé à des soins orthophoniques en Essonne et en Seine-Saint-Denis au cours des douze derniers mois. Près de 6 répondants sur 10 (58 %) l’attribuent à un délai d’attente trop long. Partageant le même constat sur son territoire, la CPTS Seine Forêts (Yvelines) a mené une réflexion dans le cadre de son projet de santé et de sa mission d’amélioration de l’accès aux soins paramédicaux. Un groupe de travail – constitué de 3 orthophonistes, 1 kiné et 1 infirmière – a donc réfléchi à ce qui pourrait être proposé pour permettre de poser un premier diagnostic, de déclencher les aides nécessaires en attendant une prise en charge et de réorienter plus rapidement, si nécessaire, les patients vers d’autres professionnels (ergothérapeutes, psychomotriciens, neuropsychologues).
En avril 2022, des propositions ont été faites à l’ARS et à la CPAM du 78. Après négociation, il a été convenu, dans le contrat ACI signé le 24 mai 2022, qu'"afin d’améliorer l’accès aux soins à cette profession en forte tension, la CPTS propose d’accélérer la réalisation des bilans orthophoniques, prérequis à une bonne prise en charge et à l’accès à certains droits et aides. Pour cela, la profession souhaite s’organiser via un partage des listes d’attente et une mutualisation de la réalisation des bilans : prise en charge urgente nécessaire (inclusion immédiate du patient dans la file active d’un orthophoniste de la CPTS) et temporisée (orientation du patient vers les aides dont il peut bénéficier, en attente d’inclusion dans la file active d’un orthophoniste de la CPTS)." Objectif : 60 % de participation des orthophonistes adhérents.