Son choix de carrière n’a pas été une évidence. Aujourd’hui installé à la MSP de Breil-sur-Roya (Paca), le Dr François Castier le concède pourtant volontiers : « À l’origine, je ne voulais pas être médecin généraliste et me destinais à une carrière hospitalo-universitaire. J’avais une image archaïque du médecin traitant. Je trouvais le métier planplan et peu intéressant… » Ce qui a changé sa vision et ses ambitions ? Un stage à la MSP de la Roya où les praticiens titulaires lui ont présenté un « projet dynamique, concret et rassurant » pour son avenir, avec une « organisation solide » permettant à chacun d’avoir des moments de répit dans le cadre de leur exercice professionnel. « Au cours de ce stage de six mois effectué lors de mon troisième semestre d’internat, cette spécialité a fini par prendre du sens et il était désormais inenvisageable de ne pouvoir l’exercer », lance celui qui a intégré la maison de santé il y a un peu plus de trois ans, à la suite d’un remplacement de deux ans.

« Cette organisation en pluriprofessionnalité m’a donné envie de m’installer au sein de la maison de santé car les échanges sont simples avec les autres professionnels, ajoute le jeune médecin. C’est très confortable d’être en lien direct avec eux. » Les stages en exercice regroupé « sont l’occasion de montrer aux étudiants qu’ils ne seront ni seuls, ni isolés dans leur cabinet s’ils font le choix de ce type de structure », rapporte Pascal Chauvet, infirmier libéral en Charente-Maritime et vice-président d’AVECsanté. Ils constituent ainsi une bonne entrée en matière pour l’installation des jeunes professionnels de santé dans les territoires. « Les retours des étudiants ayant effectué ce type de stage sont généralement positifs, indique Laure Dominjon, présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR). Ils sont confortés dans leur envie de s’y installer et cela, souvent rapidement. » D’ailleurs, au sein des maisons de santé, les possibilités d’installation sont généralement plus grandes, des locaux étant souvent disponibles et le réseau des maîtres de stage servant de catalyseur à l’installation. Mais pour parvenir à ce degré de projection, des conditions doivent être réunies.

Le bouche-à-oreille

Médecine, soins infirmiers, kinésithérapie, maïeutique, pharmacie… Les étudiants en santé choisissent généralement leur stage en maison ou centre de santé pluriprofessionnel par le bouche-à-oreille. Dans certains territoires, en Île-de-France par exemple, l’obligation de notation des stages par les internes permet aux promotions suivantes de consulter le retour d’expérience de leurs prédécesseurs, de faire un choix plus éclairé et d’éviter toute déconvenue entre l’attente et la réalité du terrain. « Bien entendu, les avis restent subjectifs et vont dépendre du ressenti, des objectifs et du caractère de chacun, ainsi que de la relation qui s’instaure avec le maître de stage », reconnaît Laure Dominjon.

Depuis la loi santé de 2009 qui a rendu possible les stages en ambulatoire au cours du deuxième cycle de médecine, les étudiants sont curieux d’observer le déroulement des soins en ville. C’est le cas également des étudiants en soins infirmiers car la crise du monde hospitalier tend parfois à rendre l’exercice libéral plus attractif. D’où l’importance de présenter aux futurs professionnels l’éventail des différentes possibilités : « La Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) plaide pour que l’ensemble des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) propose des stages diversifiés aux étudiants afin qu’ils aient une visibilité sur leurs futurs modes d’exercice », souligne ainsi Félix Ledoux, son président.

Premier critère : pour être attractifs, les lieux de stage doivent être accessibles, au moins en transports en commun. En ce sens, les modalités d’accueil, notamment instaurées dans les territoires ruraux, représentent un sérieux avantage pour attirer des étudiants stagiaires. « Le mouvement s’oriente vers des internats de campagne », fait ainsi savoir Pascal Chauvet. En d’autres mots, des lieux d’accueil collectif pour tous les étudiants en santé en stage dans le même secteur. Une solution très plébiscitée car elle permet aux futurs soignants de passer du temps ensemble, d’échanger sur leurs stages et leurs études, mais aussi, tout simplement, de ne pas dormir au sein même de la structure où ils sont en stage pendant toute la journée.

Miser sur le livret d'accueil

Comment accueillir un stagiaire au sein de sa structure ? Parallèlement aux modalités pratiques, l’équipe pluriprofessionnelle doit déterminer l’accueil qui sera réservé aux étudiants. Chaque faculté ou institut de formation définit les conditions formelles et administratives du déroulement du stage : « Tout est bien bordé, normé, référencé en fonction des objectifs pédagogiques à atteindre par profession », explique le Pr Stéphane Oustric, médecin généraliste à la MSP universitaire La Providence (Toulouse). Mais l’accueil, l’organisation et la gestion du stagiaire au sein de la structure libérale sont laissés aux mains des équipes. Dans les centres de santé pluriprofessionnels, « le directeur ou le coordinateur peut avoir une politique d’incitation afin que les professionnels de santé reçoivent des étudiants en stage, fait savoir le Dr Hélène Colombani, médecin généraliste au centre de santé Maurice-Thorez (Nanterre) et présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS). C’est à la fois une démarche positive pour le projet de santé et cela favorise l’implication dans le territoire. »

En centre de santé, c’est le médecin directeur ou le coordinateur médical qui intervient sur la mise en œuvre d’un cadre pour assurer le bon déroulé du stage et veiller à ce que tous les professionnels de santé aient des temps d’échanges avec l’étudiant stagiaire. « Tous les stagiaires de notre MSP reçoivent un livret d’accueil avec des informations sur les caractéristiques générales de la structure », indique le Dr Pierre de Haas, médecin généraliste à la MSP de Pont-d’Ain (Auvergne Rhône-Alpes), qui vient d’ailleurs de rédiger le protocole d’accueil des stagiaires : lors de l’arrivée du stagiaire, il s’agit de lui présenter les différents professionnels de la MSP, de décrire le lieu du stage, de lui demander une présentation de son parcours et de ses attentes, de préciser également les aspects organisationnels, la posture en consultation et les règles de confidentialité…

Accueillir seul ou en équipe ?

Bien que l’équipe et la prise en charge soient souvent pluriprofessionnelles, l’encadrement des stagiaires en structure regroupée reste, pour sa part, plutôt monoprofessionnel. La raison évoquée ? Les objectifs de stage qui diffèrent en fonction des métiers. En revanche, l’intérêt pour les étudiants – en fonction de leur motivation, bien évidemment – sera d’observer les relations entre l’ensemble des soignants de la structure et de passer du temps à leurs côtés. « En fonction des métiers, nous respectons les objectifs de formation, souligne Pascal Chauvet. Mais souvent, nous informons les Ifsi que les étudiants infirmiers seront accueillis dans le cadre d’une équipe pluriprofessionnelle et qu’ils seront amenés à être au contact des autres soignants de l’équipe. »

En revanche, même si c’est légion, la proposition faite à l’étudiant de passer une journée avec d’autres professionnels de la structure se fait hors convention. « Le seul risque est juridique car cette journée ne sera pas couverte par l’assurance en responsabilité civile », informe le Dr Hervé Le Néel, médecin généraliste à Rennes. D’un point de vue organisationnel, ce partage du temps est à la libre appréciation de chaque équipe, sous couvert d’un accord de principe entre ses membres. Des échanges informels mais importants pour créer du lien entre les titulaires et les stagiaires. « Notre maison de santé a plutôt une bonne réputation auprès des étudiants, avec lesquels nous déjeunons tous les midis pour partager nos expériences », confie Pierre de Haas.

De façon plus « officielle », il est possible d’organiser des journées en binôme avec les autres professionnels de santé de la structure. Ainsi, les futures infirmières peuvent échanger avec les médecins ou les autres paramédicaux, alors que les externes et internes peuvent effectuer une tournée avec une infirmière ou se rendre à la pharmacie. « Passer une journée en officine est une façon pour l’étudiant en médecine d’observer l’interprétation qui va être faite de l’ordonnance du médecin, estime Hervé Le Néel. La problématique de l’observance est plus facilement analysée par le pharmacien, et l’étudiant va pouvoir le constater. » Une journée où « rien n’est imposé mais souvent, l’étudiant est intéressé, car cela lui permet de comprendre la complémentarité des acteurs dans le parcours santé du patient », rapporte Pascal Chauvet.

Une manière aussi, pour les binômes, de valoriser l’exercice coordonné et, pour les étudiants, de découvrir les réalités auxquelles sont confrontés les autres métiers. En centre de santé, les étudiants pourront également observer la diversité des pratiques car ces structures sont souvent liées à des centres de planning familial, à une protection maternelle et infantile (PMI) ou encore à un centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD). « Nos maquettes de stage prévoient la possibilité pour les étudiants de se rendre dans ces structures afin d’appréhender d’autres facettes de la médecine générale qu’ils pourront être amenés à adopter dans leur pratique future, comme la gynécologie ou la pédiatrie », précise Hélène Colombani.

Découvrir l'étendue de l'interprofessionnalité

Le stage en structure pluriprofessionnelle est aussi l’occasion de montrer l’étendue du travail en équipe, notamment en faisant participer les stagiaires aux réunions de concertation pluriprofessionnelle (RCP). « Les étudiants peuvent ainsi aller au contact des autres professionnels de santé afin d’appréhender le fonctionnement en exercice regroupé et la coordination pour tout ce qui concerne l’éducation thérapeutique du patient, par exemple », indique Hélène Colombani.

Les étudiants en soins infirmiers sont également invités à participer ensemble aux actions de prévention. « Nous essayons de leur montrer ces aspects collectifs au-delà du soin individuel et l’importance de la prévention », ajoute-t-elle. « Il est indispensable qu’ils prennent conscience de l’interprofessionnalité, poursuit Martine Sommelette, présidente du Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec). Au sein d’un cabinet monoprofessionnel, le stage sera centré sur le seul travail de l’infirmière libérale. En structure regroupée, l’approche est plus large. » En revanche, pour l’heure, « les MSP accueillant des étudiants infirmiers ne sont pas majoritaires donc, pour ceux qui ont la chance d’y aller, c’est une riche expérience, complète Félix Ledoux. Ils apprécient de découvrir d’autres compétences et d’autres soins. »

Pour Pascal Chauvet, un stage en structure pluriprofessionnelle est également une manière de découvrir les missions additionnelles des professionnels de santé en dehors de la nomenclature des actes ainsi que l’étendue du mode d’exercice libéral, un aspect difficile à appréhender autrement : « Dans le cadre de l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI), nous pouvons élaborer, entre professionnels, des protocoles notamment en santé publique, nous permettant de réaliser des actes qui ne font pas partie de notre nomenclature générale des actes professionnels. »

Krisztian Danka, masseurkinésithérapeute, fait partie de la MSP de la Roya : « Avec l’une de mes collègues, nous nous sommes formés pour recevoir des stagiaires dès leur première année d’études. Aujourd’hui, nous voulons leur montrer la plus-value de travailler au sein de notre maison de santé, en collaboration avec les autres professionnels de santé sur des protocoles de santé communs, mais aussi entre nous, ainsi qu’avec les patients et leur famille. » Avant d’ajouter : « Le travail, c’est quarante ans de notre vie. Il faut trouver un bon équilibre et les MSP le permettent ! »

Même approche pour le Dr Marie Prioul, chirurgien-dentiste en structure multi-sites à Bédée (Ille-et-Vilaine), qui estime que le stage en structure pluriprofessionnelle est l’occasion de montrer aux étudiants l’intérêt de la prise en charge conjointe des patients atteints de pathologies communes avec les autres professionnels de santé. « Il est essentiel que l’étudiant se rende compte de l’importance de placer le patient au cœur de nos préoccupations, soutient-elle. Il ne faut pas perdre de vue que même si nous sommes spécialisés, nous avons en charge un individu dans sa globalité. Et pour bien le soigner, il faut avoir une vision complète de son environnement. »

Pour le Dr Antoine Michel, médecin généraliste remplaçant à Martigné-Ferchaud (Ille-et-Vilaine), l’exercice en structure regroupée a toujours été une évidence : « C’est un mode d’exercice qui est générateur d’une bonne ambiance entre les professionnels de santé. Nous discutons tous ensemble et les paramédicaux ne craignent pas de solliciter le médecin pour obtenir un renseignement. » Comme tout interne, avant de s’installer, il a effectué des stages, notamment en structure regroupée mais aussi auprès d’un médecin généraliste en cabinet isolé, « qui m’a clairement démontré un manque de confraternité peu agréable, pointe-t-il du doigt. Le médecin n’a pas de retour sur la prescription. Ses seuls liens avec les autres professionnels se font par l’intermédiaire du patient, qui peut parfois mal restituer les informations, ce qui peut être générateur de tensions… Il y a un défaut réel de communication. »

« Le stage en structure regroupée a le vent en poupe, reconnaît Laure Dominjon. Mais il ne dispense pas d’un stage en cabinet isolé car ce n’est pas parce que le praticien est physiquement seul qu’il ne participe pas à une réflexion commune. Au-delà du local partagé, le concept de la coordination porte aussi sur l’écoute et l’échange qui ne demandent pas nécessairement un exercice regroupé. » Néanmoins, pour Pierre de Haas, le fait que les étudiants puissent observer les praticiens exercer ensemble dans un même lieu, organiser des RCP, mener des projets de santé publique, est source de motivation à l’installation. « Beaucoup nous disent d’ailleurs que s’ils s’installent, ce sera en structure regroupée, témoigne le médecin. Il est rare aujourd’hui d’entendre un jeune nous dire qu’il choisira l’exercice isolé. »

Une démarche de qualité, de sécurité, de transmission

Bien évidemment, il peut y avoir des freins à l’accueil de stagiaires. Mais ceux-ci sont plutôt communs à l’ensemble des stages que propres aux structures regroupées. Tout d’abord, du côté des maîtres de stage, la nécessité de se former, une obligation plus ou moins bien acceptée en fonction des individus. « Cela fait vingt ans que je suis maître de stage auprès d’internes et d’externes, souligne Pierre de Haas. Je pense connaître mon métier. Alors oui, cela me choque qu’on nous demande de suivre une formation pour encadrer des étudiants. »

Un point de vue que ne partage pas Stéphane Oustric car « il y a une grande différence entre être un professionnel de santé et être pédagogue. Discuter avec les stagiaires, leur permettre d’exercer en autonomie, réaliser un debrief pédagogique, cela s’apprend.  » Pour lui, cette formation est aussi la preuve que l’engagement dans la formation est bien confraternel et non ponctuel, avec un « maître de stage qui chercherait uniquement son futur successeur, explique-t-il. Il doit s’engager dans une démarche de qualité, de sécurité, de transmission dans le cadre des recommandations de bonnes pratiques. »

Combien de temps faut-il consacrer aux étudiants ? La question rejoint l’aspect économique puisque « seul, je vais effectuer entre 30 et 40 actes par jour alors qu’avec un interne, je vais n’en faire que la moitié », précise Pierre de Haas. Il faut donc s’organiser, changer sa routine, ses habitudes…

Autre limite : avoir en permanence quelqu’un à ses côtés, qui observe sa manière d’exercer. Mais ne serait-ce pas plutôt une manière de bonifier la qualité de la consultation ? « Dans une relation triangulaire, les échanges sont plus enrichissants, le patient bénéficie d’une RCP en direct, soutient Laurent Turi, médecin généraliste au sein d’une MPS à Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais). Au début, je ressentais une certaine pression en raison de la présence d’un stagiaire, alors qu’aujourd’hui, je le vis comme un challenge ! » Cette crainte d’être jugé existe chez « de nombreux médecins », reconnaît Hervé Le Néel, « et ils n’ont pas complètement tort. Mais, finalement, la présence d’un stagiaire peut servir d’évaluation des pratiques professionnelles car on s’interroge tous les jours et nous sommes, du fait de sa présence, obligés d’avoir des comportements professionnels exemplaires. »

Pour Stéphane Oustric, « il s’agit de la meilleure des formations continues. Les étudiants actualisent nos connaissances sur les démarches thérapeutiques, les diagnostics… C’est passionnant d’échanger ! » À condition, bien entendu, d’avoir un nombre de stages en structures regroupées suffisamment conséquent pour absorber la demande des étudiants en santé… Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Le Chiffre

62,5 %

C'est le pourcentage d'étudiants qui, en amont de leur intégration dans l'équipe, ont discuté de leurs attentes avec le maître de stage. 

Source : sondage réalisé par Le Concours médical. 

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