Ce billet à quatre mains a été rédigé par le Dr Paul Frappé, médecin généraliste à la MSP de Saint-Etienne et le Pr Jean Sibilia, doyen de la faculté de médecine de Strasbourg. 

L’organisation des soins, en particulier des soins de proximité, justifie une organisation pluriprofessionnelle, respectueuse du rôle de chacun, au service du patient. Cette réorganisation est fondamentale pour répondre aux enjeux de la santé de demain. Pour cela, un effort considérable doit être réalisé dès la formation initiale des étudiants en santé. Des initiatives, de plus en plus nombreuses, se mettent en place sous la forme de nouvelles facultés des sciences de la santé, dont l’une des missions est de former « ensemble », dès les premières années, les différents métiers de la santé. Pour y réussir, quelques objectifs sont déterminants :

=> la stratégie pédagogique doit être spécifique à chaque métier avec l’acquisition des connaissances et compétences complémentaires comportant un socle commun ;  

=> la collaboration par des projets pédagogiques et des projets de recherche pluridisciplinaires doit permettre de créer une dynamique collective ;  

=> la mise à disposition des outils de formation doit favoriser l’acquisition d’une pratique partagée de la e-santé ;  

=> des terrains de stage partagés doivent être proposés dans des structures hospitalières, médicosociales, maisons et centres de santé pluriprofessionnels bien ancrés dans nos territoires ;

=> une culture de la formation continue « pluriprofessionnelle » doit être imaginée.

 

Pr Jean Sibilia
Pr Jean Sibilia

 

L’organisation de ces nouvelles facultés de santé étant complexe, un important travail d’universitarisation doit se faire dans une démarche de coconstruction avec les acteurs de terrain, les établissements et leurs tutelles, et les collectivités. C’est une condition qui nécessite une énergie et un engagement déterminés.

La formation nécessite aussi des terrains de stage divers avec un encadrement de qualité. Pour cela, il a fallu recruter et former un corps enseignant en médecine générale, mais aussi dans d’autres disciplines, indispensable pour assurer un compagnonnage et une formation de terrain au plus proche des préoccupations de nos populations. Les MSP universitaires doivent pouvoir bénéficier de l’intervention d’enseignants universitaires. L’effort doit être amplifié pour qu’elles puissent développer une dynamique de formation et de recherche pluriprofessionnelle en y intégrant différents métiers de la santé. Dans cette démarche, il est très important de favoriser une évolution des compétences, dont certaines peuvent être déléguées à des métiers de la santé. Reste à bien définir l’expertise de chacun.

Plus largement, les stages en structures regroupées permettent d’aborder la pluriprofessionnalité dans ce qu’elle a de plus concret, avec une dimension toute particulière de responsabilité territoriale. Pour autant, ces structures ne peuvent être l’alpha et l’oméga des stages ambulatoires, dans une vision élitiste d’un unique type d’exercice modélisant. L’enjeu des stages étant de refléter la réalité de notre société et de préparer à toutes les formes d’exercice existantes, il est nécessaire de permettre aux étudiants de découvrir toute la diversité et la richesse de ces modes d’exercice.

 

Dr Paul Frappé
Dr Paul Frappé

 

Et en cela, le binôme « tuteur de stage et maître de stage » permet de mettre en regard apprentissages théorique et pratique, prise de recul et mains dans le moteur. Quand l’un assure le fil rouge pédagogique sur l’ensemble du cursus, l’autre inscrit cette pédagogie en conditions réelles. Une tâche souvent complexifiée par de nombreuses difficultés : pour la faculté, la logistique des déplacements et l’évaluation de la pertinence pédagogique, et pour la structure, la nécessité d’accepter de bousculer ses habitudes.

La démarche de formation pluriprofessionnelle ne peut être que collective. Elle nécessite un engagement au-delà des intentions avec des moyens organisationnels, logistiques et humains que l’université ne peut pas supporter seule. L’objectif est d’améliorer l’offre de soins par une formation pluriprofessionnelle de terrain à la hauteur des enjeux d’un système de santé en grande difficulté. Car si ce dernier permet le développement de ces stages en structures pluriprofessionnelles, il y a encore du chemin pour parler d’encouragement. La politique actuelle n’a pas encore pris conscience de l’importance de l’investissement des maîtres de stage, en témoignent les problèmes de paiement de leurs indemnités, encore réguliers. La ville, pour sa part, n’a pas encore suffisamment de regroupements pour répondre à la demande. C’est sans doute un rythme à respecter, car la dynamique de développement est là.

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