Gare aux faux amis ! Lecture labiale, recours à un accompagnant, ou communication à l'écrit sont des solutions simples à mettre en œuvre en consultation, et sont donc souvent choisies par les professionnels de santé. Pourtant, ces aides sont trompeuses. Les acteurs du secteur ont fait le point le 19 septembre dernier lors d'un webinaire organisé par l'association Coactis santé, qui agit en faveur de l'accès aux soins des personnes en situation de handicap. 

Selon une enquête d’Infosens, présentée lors du webinaire par la cheffe du service, Bénédicte André, seuls 16 % des patients sourds ou malentendants interrogés n'avaient jamais rencontré de difficulté pour communiquer avec leur médecin. Et seuls 21 % des répondants avaient déclaré n'avoir jamais renoncé à des soins. Face à eux, 76% des professionnels ayant répondu à l'enquête ont déclaré n'avoir jamais été sensibilisés à l'accueil des personnes sourdes dans le cadre de leurs professions. Pourtant, 83% disent vouloir être sensibilisés.  

À travers ce webinaire, Benoit Mongourdin, médecin des hôpitaux, ancien généraliste et ancien chef de service de l’Unité d’accueil et de soins des sourds (UASS) au CHU de Grenoble Alpes, et Sylvie Raia, intermédiatrice au sein de la même UASS, ont tenté de leur apporter des éléments de réponse. 

 

Se méfier des fausses représentations

Il existe dans l'imaginaire collectif tout un tas de fausses représentations des personnes sourdes ou malentendantes, qui sont autant de pièges à éviter. "Par exemple, un certain nombre de médecins se satisfont tout à fait de communiquer avec le patient à l'écrit, en échangeant des feuilles de papier, et ce y compris des psychiatres ou des professionnels de la santé mentale", rapporte Benoit Mongourdin. Pourtant, l'illettrisme est très fréquent chez les personnes sourdes ou malentendantes. "Près de 80 % des sourds sont en grande difficulté avec le français écrit, poursuit le médecin. C'est la porte ouverte à tous les malentendus. Je me souviens d’une rumeur qui avait couru dans la communauté sourde qu'il ne fallait pas fumer la nuit car c'était mauvais pour la santé... Et ce, parce qu'il était écrit sur les paquets de tabac, ‘Fumer nuit gravement à la santé’". Des malentendus qui peuvent entraîner des conséquences plus graves, notamment lorsqu'il s'agit de diagnostics ou d'ordonnances. "La syntaxe de la langue des signes est différente, la lecture ne se fait pas dans le même sens", explique-t-il. 

L'autre piège majeur pour les professionnels de santé est la présence d'un accompagnateur. "95 % des parents entendants ne parlent pas la langue des signes. Ils ont des codes gestuels qui se mettent en place à la maison, mais ce n'est pas de la langue des signes", insiste le médecin. Et parfois, c’est l’inverse. Des adultes sourds, dont le français n’est pas la langue maternelle, viennent parfois accompagnés d'enfants. "On se retrouve avec des enfants en position d’adultes, qui gèrent beaucoup de choses dans la famille. Des enfants très jeunes, de 10 ou 11 ans. Et nous, soignants, on est tellement attiré par une langue que l'on peut comprendre, qu'on en oublie leurs statuts. On peut se faire piéger en toute bonne foi." Sans compter qu'avec un accompagnateur peu importe son âge, "il n'y a aucune garantie de traduction", et pas de confidentialité non plus.  

De plus, les professionnels de santé ont tendance à penser que leur patient lit sur les lèvres. "Or, une personne même avec un excellent niveau de français et formée à l'usage de la langue labiale ne perçoit distinctement qu'un mot sur trois en moyenne", précise Benoit Mongourdin. La vigilance peut aussi être atténuée du fait que le patient parle bien ou qu'il soit appareillé. Alors, alors comment communiquer avec un patient sourd ? 

 

RETOUR HAUT DE PAGE