"Protéger l'indépendance des professionnels de santé." C'est ce que propose un rapport sénatorial rendu public, hier, mercredi 25 septembre. Au travers de 18 propositions, les sénateurs à l'origine de l'étude - Corinne Imbert (apparentée LR), Olivier Henno (Union  
centriste) et Bernard Jomier (socialiste) - alertent sur la progression de la financiarisation de l'offre de soins. Si le terme peut sembler technique, ce processus renvoie pourtant à une inquiétude commune des acteurs de la santé : celle de voir de nouveaux acteurs privés investir dans le secteur du soin, au risque de dérives marchandes.  

Aujourd'hui, 40% de l'hospitalisation privée appartient à quatre groupes (Ramsay Santé, Elsan, Vivalto, Almaviva) et 62% des sites de laboratoires d'analyses médicales sont affiliés à six groupes (Biogroup-LCD, Cerballiance, Innovie, Synlab, Eurofins, Unilabs) en 2021. Pour ces fonds, le soin représente un investissement "rentable et sûr" affirme le rapport, un constat qui s'explique par la croissance des besoins de santé et les remboursements des soins par l'Etat. 
 


source : Commission des affaires sociales, Sénat

Les soins primaires, au cœur de la financiarisation

"L'intérêt des investisseurs se porte depuis peu sur les centres de soins primaires." À l'image de Ramsay Santé et Ipso Santé, devenus des acteurs spécialisés dans la financiarisation de l'offres de soins primaires, d'autres acteurs émergent sur ce segment, y voyant "un moyen de recruter de nouvelles files actives de patients depuis la médecine de ville". Dans les pharmacies, la pratique se répand, mais différemment, atteste le rapport car "certains pharmaciens recourent à des fonds d’investissement, […] qui leur imposent en retour des obligations relatives à la gestion de l’officine ou à son activité". Une pratique "susceptible de réduire leur indépendance professionnelle", les soignants se voyant imposer des obligations (fonctionnement, horaires, offre proposée...) favorisant la rentabilité, au détriment des  
besoins de santé des territoires. 

Les auteurs du rapport appellent à mieux réguler le phénomène, dont les pouvoirs publics ont "tardé" à s'emparer. Pour eux, renforcer "la politique de contrôle de l’activité des centres de santé" semble être une des solutions. "En 2023, l’Assurance maladie indique avoir détecté et évité 58 millions d’euros de fraudes réalisées par les centres de santé, contre près de 7 millions d’euros en 2022", atteste le rapport. "Entre 2021 et 2023, 200 centres de santé ont été contrôlés, qui ne représentent toutefois qu’environ 8 % des près de 2 500 centres recensés." 

 

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source : Commission des affaires sociales, Sénat
 

Aujourd'hui, "une partie de l'argent sert à rémunérer des actionnaires plutôt qu'à être réinjecté dans le système de santé", et souvent "la logique du gain l'emporte sur les objectifs de santé publique", a regretté lors d'une conférence de presse Bernard Jomier. 

Dans les sociétés d'exercice libéral, la réglementation limite, à ce jour, la part de capital détenu par des "tiers non-professionnels" à 25%. Mais les investisseurs usent de "montages juridiques complexes" pour contourner la législation et prendre le contrôle effectif de structures, déplorent Corinne Imbert, Olivier Henno et Bernard Jomier. 

[Avec l'AFP] 

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