45 jours : battue aux dernières élections législatives, Brigitte Bourguignon n’aura fait qu’un bref passage à la tête du ministère de la Santé et de la Prévention. En effet, ce 4 juillet, le Dr François Braun, médecin urgentiste au CHR de Metz-Thionville (Moselle) et président de Samu-Urgences de France, la remplace à l'avenue Duquesne. Un troisième médecin nommé sous la présidence Macron, après Agnès Buzyn, hématologue, et Olivier Veran, neurologue. Référent santé du programme du candidat-président, lors des dernières élections présidentielles, et en charge d’une "mission flash" visant à formuler des "recommandations pour préserver notre réponse aux soins urgents et/ou non-programmés cet été", François Braun a remis le jeudi 30 juin dernier son rapport à Elisabeth Borne, fort de 41 propositions.

"Pas de procès d'intention"

Si Pascal Gendry, président d’AVECSanté, admet d'emblée qu’il "ne [le] connaît pas", il estime qu’"un urgentiste pour régler le problème de la santé, c’est une porte d’entrée mais pas forcément la porte des soins primaires". "Surpris" de ne pas avoir été auditionné dans le cadre de la mission flash, "alors qu’on représente 20% de l’exercice en soins primaires", le médecin généraliste affirme que "la structuration des soins primaires doit être une des priorités pour sortir de cette situation complexe. Des équipes capables de prendre en charge les soins non programmés, mais plus largement, les crises sanitaires épidémiques, les pathologies chroniques, la précarité, le vieillissement de la population…" Car l’hôpital "représente un temps dans la vie d’un patient mais un temps limité alors que le patient passe plus de temps chez lui".

S’il ne souhaite pas faire de "procès d’intention", il souligne que l’une des propositions du rapport Braun concerne les protocoles de coopération mais que ceux-ci ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une équipe : "Ça peut paraître une réponse immédiate mais cela ne garantit pas la réponse pour tous les usagers. La problématique de la santé, ce n’est pas seulement une problématique de soins non programmés d’urgence."

Du côté de la FCPTS, la satisfaction est palpable : "J’ai pu le rencontrer le 15 juin dernier lors de son étape à Laval dans le cadre de sa mission d’information sur les urgences, au titre de l’URPS infirmiers et de la FCPTS. Je crois qu’il a bien compris les enjeux de la restructuration et qu’il ne faut pas mettre à mal des organisations avec des choses descendantes, qu’il faut respecter l’organisation des acteurs…", confie David Guillet, son vice-président. Un avis que partage Claude Leicher, président de la FCPTS, qui qualifie François Braun, de "praticien en première ligne et qui partage donc au premier recours", tout en ajoutant que "c’est une position difficile dans le système de santé".

"Protéger l'exercice coordonné"

"Homme capable de dialogue", "hospitalier mais à la frontière de l’ambulatoire", le nouveau ministre de la Santé est perçu comme un "réformiste puisqu’il affirme qu’un système de santé doit être régulé, y compris et surtout dans les situations d’urgence", estime Claude Leicher. Mais "a-t-il compris que l’investissement insuffisant sur les soins ambulatoires de premier recours est la cause des problèmes aux urgences et aussi la clé de toute réforme ?", questionne celui-ci. "Nous verrons aux actes!"

Le "vrai virage à prendre" est celui des hôpitaux de proximité, poursuit David Guillet, notamment pour "la gestion des urgences pour les plus fragiles et les plus précaires avec un accès aux soins non programmés pour éviter ce cheminement vers les méga-structures que sont les CHU et les CH qui vont créer de facto une saturation des urgences". Lors de sa rencontre, l’infirmier a donc insisté auprès de François Braun sur "l’importance du lien ‘ville-hôpital-ville’ car il doit être circulaire". La FCPTS compte donc "rapidement" proposer une rencontre avec le nouveau ministre et sera "vigilante pour protéger l’exercice coordonné".

Cette vigilance sera également assurée par Les Libéraux de santé : "François Braun semble être quelqu’un de bienveillant, à l’écoute, et qui connaît bien le terrain… à la fois hospitalier et libéral !, lance Sébastien Guérard, président de la Fédération nationale des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs et des Libéraux de santé. Lors nos échanges, je n’ai pas senti de logique très hospitalocentrée. Je pense qu’il est convaincu que les deux systèmes sont indissociables des autres. Encore qu’il faudra parvenir à les décloisonner…"

Des 41 propositions de son rapport, celui-ci retient "des signaux forts", notamment concernant l’appui sur les autres professions de santé. "Il n'est pas allé au bout de la mesure mais il y a des choses ambitieuses, par exemple sur l’assouplissement des protocoles de coopération ou sur la régulation des urgences par la médecine de ville. C’est une bonne chose à nos yeux." Saluant également la "clarté de la composition du cabinet du nouveau ministre de la Santé" avec un pôle Santé et Prévention (François Braun), Solidarités et Autonomie (Jean-Christophe Combe), Personnes handicapées (Geneviève Darrieussecq) et Organisation territoriale et professions de santé (Agnès Firmin Le Bodo) – il insiste toutefois sur la nécessité de ne pas réduire la prise en charge du handicap aux seules structures.

 

Prévention et organisation

Le Dr Eric May salue, pour sa part, l'introduction du mot "prévention" dans l’intitulé de cette fonction de ministre. S’il admet que "les chantiers sont énormes", il reconnaît toutefois que "la santé est transpartisane aujourd’hui et qu’il peut y avoir un consensus là-dessus, au sein des différents courants politiques à l’Assemblée". Ses préconisations : débloquer des moyens massivement – en termes d’amélioration générale de la démographie, prendre notamment "des décisions fortes", "mieux organiser pour traverser la situation de crise, mettre les moyens dans les facs de médecine, et les instituts de formation", "repenser le système permettant à tous d’accéder à des niveaux de rémunération cohérents". Et si le sujet de l’hôpital est "épineux", reconnaît-il, "mais pas que !".

En ville, explique-t-il, l’attente porte sur la poursuite des transformations initiées pendant le 1er quinquennat, et notamment la transformation du mode de financement avec les "article 51" : "C’est un enjeu majeur à très court terme. Les expérimentations les plus pertinentes seront à même de redonner un élan et du sens à l’exercice professionnel. Ces ‘article 51’ doivent être pérennisés et généralisés, notamment Peps et Ipep…"

Quelle réflexion sur la reconstruction du système de santé ? "Il faut passer du champ du soins à la prévention et la santé publique : former des professionnels de santé à la prévention et trouver des modalités de financement et de rémunération de ces professionnels et équipes de soins primaires", avance-t-il, convaincu que "les centres de santé doivent être associés à toutes les réflexions menées par le ministre et ses équipes… et pas être raccrochés aux wagons d’un train déjà parti." Le médecin généraliste semble plutôt confiant suite à la nomination d’Agnès Firmin le Bodo au pôle Organisation territoriale et professions de santé car cela "laisse penser que le sujet de l’organisation des soins au niveau des territoires est une préoccupation majeure de ce nouveau gouvernement, en espérant que les travaux menés dès cet été associeront tous les acteurs de la santé et les centres de santé dans toute leur richesse et leur diversité".

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