"Je souhaitais évoluer, mais je ne voulais pas devenir formatrice ou cadre. J’ai vu le master en sciences cliniques infirmières comme une possibilité de faire carrière dans la clinique, un peu à l’image de ce que représentait pour moi, à l’époque, la surveillante générale", raconte Tatiana Henriot, infirmière libérale à Thoiry (Yvelines), présidente de l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée (Unipa) et présidente du Regroupement associatif pour la promotion de la santé ouest des Yvelines (Rapsody) pour la maison de la santé de Thoiry. Des multiples casquettes qui reflètent le dynamisme de cette professionnelle, décidée à explorer "la variété et la richesse de ce métier".

Après avoir débuté sa carrière dans l’intérim pendant quatre ans, passant des services de réanimation à l’entreprise, avant de travailler en hospitalisation à domicile (HAD) et de se former aux prises en charge complexes, Tatiana Henriot s’installe en libéral en 2003. Au cours d’une formation, elle entend parler du master en sciences cliniques infirmières à Marseille, qu’elle intègre en 2015, tout en continuant à exercer dans son cabinet dans les Yvelines… sans presque aucun financement. "Ce master était préfiguratif de la pratique avancée, mais nous n’avons pas eu l’enseignement sur la clinique car il s’agissait encore d’exercice illégal de la médecine. Nous avions bon espoir de sortir diplômées avec le titre d’infirmière en pratique avancée, mais les textes ont été publiés en juillet 2018, un an après. Il n’y avait rien de prévu pour les 300 à 400 infirmières ayant un master préfiguratif." 

Cette année, avec une soixantaine d’autres infirmiers, la présidente de l’Unipa achève sa formation par une validation des études supérieures (VES) au diplôme d’État d’infirmière en pratique avancée à l’université Paris-Diderot, option pathologies chroniques stabilisées, prévention et polypathologies courantes en soins primaires.

Un métier à créer sur le terrain

Tout restera à faire en arrivant sur le marché du travail en juillet prochain. "Les fiches de poste sont à créer, il y beaucoup de travail de pédagogie à prévoir, souligne Tatiana Henriot. Concrètement, c’est encore très flou pour les médecins. Notre maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) est en cours de labellisation, et la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa) n’est pas encore créée. Les professionnels sont prêts à travailler sur la prévention, la fluidification des parcours, le maintien à domicile des personnes âgées, mais il y a un énorme décalage entre le temps administratif et le temps opérationnel." 

Comment voit-elle sa pratique ? "Je vais travailler en complémentarité avec le médecin sur le suivi des patients communs, et pas pour un diagnostic médical initial. Les visites à domicile pourront être l’une de mes activités. Je pourrai suivre un patient diabétique en étant capable de dépister un changement de son état de santé pour l’accompagner, le conseiller, l’orienter. Ce qui retient un peu les médecins est la question des responsabilités. J’exercerai mon métier en toute autonomie, mais même si la relation de confiance existe déjà, il y a un travail de réassurance à faire." 

Il reste beaucoup de questions : "L’Unipa est née entre autres parce que nous arrivons diplômés et que personne nous attend. On espère pouvoir proposer un modèle économique qui inclurait l’installation. Je ne sais pas non plus si je vais pouvoir prescrire sur mon numéro d’identifiant infirmière. Une dynamique s’est enclenchée. Ce métier disruptif va très rapidement avoir son utilité, mais nous allons être un peu les sacrifiés, comme tous les pionniers."

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