L'alerte a été donnée, par mail, le mardi 27 février. Une "information préoccupante" et une "urgence à agir", titrait l'association Asalée dans son courriel – que Concours pluripro a pu consulter – adressé aux quelque 9.155 médecins et 2.080 infirmières engagés dans ces protocoles de coopération. Parmi les éléments décriés : le fait que la Cnam ne souhaiterait plus dorénavant prendre en charge de nouveaux loyers Asalée, et qu'au 31 décembre 2023, "elle arrête de payer les anciens", détaille Isabelle Rambault-Amoros, présidente d'Asalée. De quoi déclencher l'indignation de nombreux médecins et infirmières sur les réseaux sociaux : "Les infirmières Asalée sacrifiées ! La Cnam coupe les finances, des milliers d’infirmières au chômage ! En pleine négociation conventionnelle, tout un symbole !", dénonçait, sur X le 27 février, Xavier Grang, médecin généraliste à la MSP Saint-Nicolas-de-Port (Grand Est).

Au sein de cette maison de santé, Nathalie Meunier, infirmière Asalée, collabore avec tous les médecins et, c'est "un vrai avantage", affirme Xavier Grang : "On n'a pas besoin d'être employeur ou de faire des bulletins de salaire. Asalée met à disposition une infirmière à plein temps dans nos locaux. On lui envoie les patients pour lequel on souhaite installer une action d'éducation thérapeutique. Elle le suit, le patient n'a rien à payer et il y a un suivi et un retour dans le dossier médical. Ces actions permettent une amélioration qualitative de la prise en charge sans être plus chronophage pour le médecin." Sevrage tabagique, diabète et pré-diabète, risques cardiovasculaires, BPCO, asthme, troubles du sommeil, repérage des troubles cognitifs, dépistage précoce et l’accompagnement de l’enfant et adolescent en surpoids… Autant de prises en charge proposées par les infirmières Asalée en consultation.

"A découvert tous les mois"

"À la création de l’association, en 2004, les médecins généralistes étaient majoritairement propriétaires de leur local professionnel", l'association Asalée ne prenait donc pas en charge les loyers des locaux mis à disposition pour les infirmières, rappelle Isabelle Rambault-Amoros, interrogée par Concours pluripro en février 2023. Au fil des années, comme de plus en plus de médecins exercent en maison de santé et sont locataires des murs, "la question de la prise en charge des loyers des bureaux s’est posée", ajoute la médecin généraliste qui exerce à la MSP Brioux-sur-Boutonne (Nouvelle-Aquitaine). "On a signé une convention avec l'Assurance maladie jusqu'à fin 2021 puis un avenant effectif jusqu'au 31 décembre 2022. Pour toute l'année 2023, on n'a pas de texte signé, précise-t-elle. La Cnam nous a fait une proposition en juillet dernier, que j'ai refusée car elle mentionnait un contrôle de l'activité et du temps de travail des généralistes ainsi que des missions de l'infirmière et de l'implantation des nouveaux postes infirmiers. Pour nous, c'était clairement une ingérence dans le travail de l'association !" Fin août 2023, une nouvelle proposition de la Cnam est rejetée "car elle avait simplement supprimé la mention du contrôle du temps de travail des médecins, sinon tout le reste y était encore". A contrario, la proposition d'aménagement d'Asalée serait restée lettre morte, précise Isabelle Rambault-Amoros. Même absence de réponse suite au dernier échange "avec des représentants de la Cnam et de la DSS", le 15 décembre 2023, où ils avaient pourtant promis "un retour dans les huit jours au vu de l'urgence de la situation", glisse-t-elle…
 

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Si courant 2023, les paiements de la Cnam se sont poursuivis, le montant versé était équivalent à 1.200 infirmières ETP… alors que Asalée compte 1.480 ETP, note Isabelle Rambault-Amoros. Sans fonds propres depuis 2021 une enveloppe de 8 millions qui permettait "de payer en temps et en heure les salaires et les fournisseurs" –, l'association se retrouve "à découvert tous les mois". Et si jusqu'à présent, la banque leur permettait un découvert mensuel "de 4 millions d'euros", elle a informé l'association, la semaine dernière, qu'elle ne l'accepterait plus… Résultat : l'association ne peut plus assurer le paiement des salaires en fin de mois depuis fin février dernier. "Le pire, c'est que la Cnam est tout à fait au courant de nos difficultés de trésorerie", regrette la médecin.

Amer, Xavier Grang assure que "ça fait quelques années que l'Assurance maladie serre les vis". Citant notamment l'arrêt, depuis l'été 2022, d'indemnisation mensuelle d'une centaine d'euros octroyée aux médecins en fonction des temps de coordination avec l'infirmière Asalée*. "C'était un premier indice ! Nous, concrètement, si on ne nous paie pas ces loyers, on ne pourra plus… Parce que les factures EDF ont explosé de 150% sans compter les autres charges et impôts. Quand je pense qu'ils financent des médicobus ou des dispositifs comme Sophia qui coûtent un fric monstrueux sans preuve de réussite…"
 

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Le 28 février dernier, MG France a demandé, par écrit, à la Cnam de débloquer la situation financière d'Asalée, précisait Jean-Christophe Nogrette sur le réseau social X. Contacté par Concours pluripro, le secrétaire général adjoint du syndicat a indiqué que la Cnam "n'avait pas l'intention de pas payer mais sans donner d'indication sur la date du virement".

 

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