Mobilier de marque, produits électroniques, vélos électriques, bijoux, champagne... Une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) avait révélé, qu'en échange d'un renoncement à des remises par les officines, les laboratoires Urgo aurait offert, entre 2015 et 2021, 76.000 objets à plus de 8.500 pharmaciens, soit 40% de la profession. Montant estimé : 55 millions d'euros. Déjà en 2023, Urgo avait été condamné à Dijon à une amende de plus de 1,1 million d'euros, dont 625.000 euros avec sursis et à la confiscation de plus de 5,4 millions d'euros…
Huit pharmaciens ont été condamné, ce lundi, à des peines d'amendes pour avoir accepté ces avantages, en violation de la loi dite "anti-cadeaux". Les amendes varient en fonction des avantages perçus et peuvent aller de 6.000 euros, dont 2.000 euros avec sursis, à 50.000 euros, dont 30.000 euros avec sursis. "Un jour, un commercial m'a sorti un catalogue sur papier glacé" montrant les objets offerts selon un système de points cumulés, a raconté au tribunal un pharmacien des quartiers Nord, qui a reconnu "beaucoup de naïveté" et s'être "fait embarquer dans le système" en recevant pour 50.000 euros de cadeaux. "Face à mes doutes, le commercial m'a regardé dans les yeux en me disant : 'Vous croyez qu'Urgo ferait des choses illégales ?!'", rapporte l'AFP. Après cette condamnation, chaque parquet a dû traiter les cas des pharmaciens de son ressort, poursuivis pour "perception par un professionnel de santé d'avantages procurés par une personne commercialisant des produits sanitaires".
Au parquet de Marseille, 215 pharmaciens sont concernés et une trentaine sont poursuivis devant le tribunal correctionnel pour des cadeaux d'un montant supérieur à 20.000 euros, a expliqué la procureure Marion Chabot. Les autres bénéficient d'autres voies de poursuites : avertissement, composition pénale, plaider coupable… "Cette loi anti-cadeaux c'est un système anti-corruption", a expliqué la magistrate. "Quand 40% d'une profession sort des rails de la légalité, cela veut dire que ce n'est pas une fraude mais une pratique élaborée qui amène à s'aveugler par certains phénomènes d'aubaine", a plaidé Me Frédéric Georges, l'un des avocats des pharmaciens. Pour rappel, l'ex-ministre de la Santé, Agnès Firmin Le Bodo, pharmacienne de profession, avait, elle, été condamnée fin 2024 à une amende de 8.000 euros dont 4.000 avec sursis.
Partie civile, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens a, pour sa part, réclamé un euro symbolique de dommages et intérêts.
[Avec l'AFP]