Réflexions inappropriées ou dégradantes, outrages sexistes, agressions sexuelles, viols… Les chiffres sont effarants : 49% des infirmiers ont déjà été victimes d'au moins un type de violences sexistes et sexuelles, soit 53% chez les infirmières et 24% chez les infirmiers, révèle l'Ordre national des infirmiers ce mercredi matin lors d'une conférence de presse. Des chiffres qui émanent d'une consultation en ligne à laquelle plus de 21.000 infirmiers, dont 19.092 infirmières ont répondu.  

"Les violences sexistes et sexuelles touchent énormément d'infirmières et d'infirmiers, a déclaré Sylvaine Mazière-Tauran, présidente de l'ONI. Ils les subissent dès leur formation, et cela les poursuit tout au long de leur carrière, quel que soit leur mode d'exercice. Face à cela, la culture du silence est encore trop forte. Trop souvent, les professionnels n'osent pas réagir, ou ne savent pas comment le faire." D'où cette consultation qui relate la "prévalence inquiétante" des violences sexistes et sexuelles sur ces professionnels. 

 

Ainsi, 39% des infirmiers* interrogés déclarent avoir fait face à des réflexions inappropriées ou dégradantes "du fait de leur genre", 21% ont subi des outrages sexistes et 4% des agressions sexuelles. De plus, 0.13% ont été victimes de viols. Des faits qui ont "un impact considérable" (pour 34% des sondés) sur la vie personnelle et professionnelle de ces soignants : 24% estiment qu'ils ont eu des effets sur leur vie sociale ou intime, 37% confient qu'ils ont fait naître chez eux un sentiment d'insécurité au travail et 19% que cela a détérioré leurs relations professionnelles. De plus, 14% des répondants déclarent que ces VSS ont eu des répercussions sur leur rapport au travail (absentéisme et démotivation) et qu'elles ont provoqué (pour 12%) leur changement de secteur d'activité.  

En revanche, 38% des infirmiers sondés déclarent n'avoir entrepris aucune démarche face aux VSS. Ceux qui ont agi se sont d'abord tournés vers leurs collègues (57%) et leurs proches (39%) mais sans saisir les autorités. Seules 2% des victimes ont porté plainte ou ont déposé une main courante. Seuls 11% des infirmiers exerçant en établissements de santé ont accompli les démarches au sein de leur service ou de leur structure. Une forme de "résignation" ou de "fatalisme", note l'Ordre : 36% ont peur des répercussions sur leur exercice ou leur carrière et 19% d'un manque d'information sur les moyens d'actions et 28% craignent de ne pas être entendus.  

46% des répondants disent "plutôt ne pas connaître" leurs droits et démarches possibles s'ils étaient victimes de VSS, et 18% disent ne pas les connaître du tout. 

Culture carabine et culture du silence

Pour 71% des répondants, la culture carabine représente le facteur principal ayant mené à ces violences sexistes et sexuelles. Pour 59%, ce sont plutôt des "rapports hiérarchiques et fonctionnels déséquilibrés" et 53% pointent du doigt la "culture du silence qui reste prégnante au sein des établissements de santé".  

Aux yeux des répondants, plusieurs pistes peuvent être explorées pour les aider : renforcer les sanctions administratives pour les auteurs de VSS (54% des sondés), améliorer le traitement des plaintes par une meilleure coordination avec les procureurs de la République (34%), mettre en place des systèmes déclaratifs simplifiés au sein des établissements (32%), intégrer la lutte contre les VSS comme critère d'évaluation dans les grilles de certification et d'évaluation externe des établissements (30%), développer des programmes de sensibilisation et de formation continue sur les VSS pour tout le personnel soignant et administratif (26%), former les infirmiers aux mécanismes de signalement et structures d'aide possibles (25%) ou encore prévenir "par l'information" au sein des établissements et des CPAM quand il s'agit de professionnels libéraux (25%). 

"Changer les mentalités" 

"Face à cette situation grave, il nous faut agir et faire changer les mentalités", exhorte Sylvaine Mazière-Tauran. L'Ordre formule ainsi des propositions pour lutter contre les VSS : prévenir, accompagner et sanctionner. Autrement dit, former tous les professionnels de santé et personnels administratifs aux VSS dès la formation initiale et l'intégrer dans les priorités de la formation continue ; inclure un critère sur la politique de lutte contre les VSS dans les grilles de certification et d'évaluation externe des établissements ; permettre le retrait des professionnels libéraux du domicile en cas de menaces ; mettre en place des sanctions administratives pour éloigner les harceleurs et protéger les victimes ; et mettre en place des systèmes de déclaration et d'accompagnement en établissement mais aussi pour les libéraux.  

Pour 2025, l'Ordre entend mener une campagne d'information spécifique sur son rôle aux côtés des victimes, via le dispositif d'entraide et le soutien juridique. Car il peut se constituer partie civile et s'associer à toute plainte d'infirmier contre son agresseur. L'ONI veut aussi renforcer la formation des référents violence de chaque conseil départemental et interdépartemental "afin que toute victime trouve auprès de son conseil une écoute et un soutien attentifs". Des fiches ont déjà été mises en ligne sur le site de l'ONI en ce sens. "C'est une priorité pour l'Ordre, assure Sylvaine Mazière-Tauran. Ce sera un axe de travail fort pour nous en 2025. Et nous espérons que cela sera une priorité pour le prochain ministre de la Santé." 

 

* Conformément aux chiffres de la Consultation de l'Ordre national des infirmiers, nous utilisons ici le terme "infirmier"  

 

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