En régions
Cette initiative artistique a permis aux patients de laisser libre cours à leur créativité à travers des ateliers de photographie. Un projet "bouleversant" présenté le 29 novembre dernier lors de la journée régionale de la Femas Hauts-de-France, à Lille.
"Je tournais en rond chez moi, des fois en carré… Je n'avais pas de direction." Olivier fait partie des 33 participants du projet "Chroniques santé", mis en place dans cinq MSP des Hauts-de-France. Depuis, "ça m'a fait du bien, j'ai rencontré du monde et après vingt ans, je remets mon nez de clown", raconte celui qui était artiste dans sa jeunesse. Portées conjointement par la Fédération des maisons de santé (Femas) des Hauts-de-France, la Conférence régionale de la santé et l'autonomie (CRSA) ainsi que l'ARS, les "Chroniques santé", nées en 2022, "avaient pour dessein de créer un communauté créative inter-MSP unissant les usagers de trois départements", raconte Sylvain Derensy, directeur de la fédération, à l'occasion de sa journée régionale, le 29 novembre dernier à Lille.
Les maisons de santé de l'Abbaye (Oise), de l'Avre (Somme) du Parc (Somme), du Kruysbellaert (Nord) et de Lille Moulins (Nord) se sont réunies pour former une équipe de 33 usagers et de 15 professionnels de santé. "La photo de l’un est devenue celle de tout le monde", raconte Marie Manecy, photographe en charge du projet, devant l'auditorium plein à craquer de l'Hôtel de région lillois. Tour à tour, les patients impliqués dans le projet ont pris la parole, car la journée régionale de la Femas Hauts-de-France est centrée autour de l'usager. "Dans chaque atelier de Chroniques santé, nous avons déroulé ce fil inconnu et mystérieux de la confiance mutuelle, raconte Jeanne (prénom d'emprunt). Se parler sans jamais dévoiler verbalement nos souffrances morales et physiques, très heureux de mettre en commun nos histoires. Nous avons retrouvé un nouveau sens à la vie : le bien-être." Des mots qui amènent des larmes chez les autres usagers.
"J'ai fait de belles rencontres et j’ai retrouvé mon rire, assure Sylvie, une autre patiente. Un point de bascule entre la mélancolie et le plaisir". Un sourire éclaire son visage car, affirme-t-elle, "depuis je ne prends plus les anxiolytiques que je prenais depuis quelques années".
Sur une période de quatre semaines, les usagers des cinq maisons de santé se sont rencontrés, aux côtés de Marie Manecy, photographe et spécialiste de l'art en santé. Ensemble, ils ont créé une narration conjointe et spontanée, comme une "une ode à la vie et à la résilience", raconte la photographe. "C'est une aventure esthétique où l'on repousse les frontières du réel, où tout devient possible en effleurant le beau". Alternant entre muse posant devant l'appareil photo, et artiste photographe appuyant sur le déclencheur, les usagers ont pu prendre tous les rôles.
Valérie a aussi participé au projet. Elle raconte "s'être libérée" au fil des séances : "Aujourd'hui, j'ai un regard différent sur moi et ce que je ressens. Je vis toujours avec mon handicap et mes douleurs mais je suis plus apaisée." Au fil de témoignages, l'émotion gagne les visages dans l'assemblée composée essentiellement de professionnels de santé et d'étudiants.
Les cheveux grisonnants, les yeux brillants et un grand sourire, aux lèvres, Alphonse assure que "Marie [l]'a sorti du trou." Ses mots résonnent. "Il me manque une jambe, avant j'étais palefrenier et Marie m'a fait remonter sur un cheval. J'ai revu la prairie, senti le vent qui souffle et les cours d'eau. J'étais libre"
Regroupant 165 clichés, 130 témoignages sonores, 3 films et un slam, "Chroniques en santé" a eu droit à six expositions courant 2024, à Breteuil (Oise) en mai, aux trois Rivières et à Amiens (Somme) en juin, à Dunkerque (Nord) en septembre et à Lille (Nord) en septembre et novembre. Pour la journée régionale fin novembre, un livre de 187 pages a été édité pour laisser l'occasion aux participants de découvrir le projet.
Une initiative qui devrait être reconduite en 2025.
