Au-delà de la transversalité des disciplines et des personnes, de l’égalité entre les professionnels et des expertises différentes qui font la richesse d’une maison de santé, la maison universitaire de santé et de soins primaires (MUSSP) d’Ermont se différencie par son envie de servir de lieu de réflexion et d’expérimentation. "Nous avons, par exemple, développé un comité des usagers et essayons d’impulser une dynamique des usagers pour qu’ils interviennent de plus en plus dans l’orientation de la maison de santé. Dans l’esprit du développement futur d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), nous poussons à ce qu’il y ait une orientation communautaire, qu’il s’agisse de questions sur l’offre de soins, les procédures de soins…", indique le Pr Alain Mercier, directeur de la maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) d’Ermont.

Depuis un an, une quinzaine de personnes se réunissent ainsi régulièrement, à l’image de ce qui se fait en Grande-Bretagne ou en Belgique. Une initiative qui fait écho à ce qui a déjà été mis en place à la faculté et qui vient d’être récompensé par le prix des usagers du ministère de la Santé : au sein du département universitaire de médecine générale de Paris-13, dont le Pr Mercier est également directeur, une partie de l’enseignement est déjà faite par des patients.

En déployant ce label universitaire, l’ARS Île-de-France vise aussi à dynamiser la recherche en soins primaires. À Ermont, les médecins généralistes participent tous à des protocoles de recherche. Dans le cadre d’une thèse d’exercice, un protocole de réduction et d’arrêt des benzodiazépines sera lancé en juin et impliquera l’ensemble des professionnels de la structure, y compris la secrétaire (quatre médecins généralistes et une remplaçante, deux infirmiers et une remplaçante, une psychologue, deux psychomotriciennes, une pédicure- podologue, une pharmacienne, une diététicienne). Enfin, alors qu’il n’y a pas de faculté de médecine dans le Val-d’Oise, la structure accueille une dizaine d’étudiants par an (externes, internes de 1er et 2e niveau). Leur parcours de stage vise à leur faire découvrir le travail de tous les professionnels de soins primaires. La MUSSP prévoit également d’être lieu de stage pour un éventuel infirmier en pratique avancée (IPA).
 

Déjouer le millefeuille en ambulatoire 

Un projet d’éducation thérapeutique du patient (ETP) en ambulatoire sera lancé en septembre, en adaptant plus spécifiquement les thématiques à une centaine de patients suivis. "L’objectif étant que cette éducation thérapeutique soit faite de façon beaucoup plus pérenne et longitudinale", précise Alain Mercier. Parmi les autres projets initiés sur ce territoire à la population très hétérogène, un protocole pour faciliter l’accès aux soins non médicamenteux (psychomotricité, diététique, psychologue) pour les personnes vulnérables. Une réflexion est par ailleurs menée sur les délégations de soins.

"L’idée est d’être une locomotive sur l’organisation du soin de demain en ambulatoire et dans la capacité à écouter les envies des autres, sans idées préfabriquées et sans volonté descendante", souligne le directeur, qui évoque sans fard les obstacles à franchir : "Il y a d’abord le millefeuille en ambulatoire : les ARS, les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), les élus, l’Ordre, les unions régionales de professionnels de santé (URPS), les aides financières, le conseil régional… mais également les questions de découpage et d’intercommunalité, les restructurations continuelles entre groupes hospitaliers… Il est difficile de trouver le temps pour voir vers qui s’orienter. Une autre vraie difficulté est la fatigue des équipes, même si l’envie de faire est là. Enfin, le rôle des universitaires est aussi d’accepter qu’il n’y ait pas que des maisons de santé mais aussi des personnes qui aiment travailler isolément. Il faut réfléchir à la façon de les intégrer dans l’organisation du soin."

4 questions à

"La recherche en soins primaires contribue à attirer des professionnels sur un territoire"

4 questions à Béatrice Sevadjian, directrice adjointe du pôle ville et hôpital au sein de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). 


Béatrice Sevadjian © B.S. 

L’ARS soutient-elle tout particulièrement les maisons de santé et centres de santé universitaires ?

Notre politique, assez généraliste, consiste à promouvoir les structures d’exercice collectif au sens le plus large possible, qu’elles soient universitaires ou non. L’Île-de-France est la région qui compte le plus de centres de santé médicaux et polyvalents, ainsi que 84 MSP en fonctionnement. J’ai participé à la réflexion sur le label universitaire de ces structures, l’objectif étant de réduire les inégalités d’accès à la recherche et à l’innovation au niveau des territoires, de promouvoir la recherche en soins primaires et de déterminer les projets de recherche à mener dans ces différentes structures, pour que cela fasse tache d’huile sur les autres structures, qu’elles soient universitaires ou non.


Qu’attendez-vous de la structuration progressive de la recherche et de l’enseignement dans le champ des soins primaires ?

Nous allons définir avec différents acteurs de l’université et des soins primaires, dont le Pr Alain Mercier, les contours précis du label universitaire. Devenir une MUSSP demande en effet qu’exercent dans la structure au moins un chef de clinique des universités de médecine générale et un maître de conférences, et que du temps soit prévu pour faire du soin et réaliser des activités de recherche… Nous souhaiterions mener une réflexion sur ce que ce label peut apporter sur le territoire aux étudiants en santé, en termes d’attractivité et de démographie médicale, au niveau de l’organisation des CPTS ou des plateformes territoriales d’appui (PTA), etc. Ces structures seront-elles des leaders sur leur territoire ou auront-elles pour rôle de pousser les autres structures d’exercice collectif à communiquer entre elles ? L’ARS devra-t-elle simplement diffuser des projets de recherche qui vont être menés et/ou être partenaire ? Financera-t-elle un temps soin supplémentaire pour compenser le temps consacré à la recherche ? Deux ou trois réunions sont prévues, qui devraient aboutir au lancement d’un appel à projets. Les structures qui souhaiteraient répondre à cet appel à projets seront soutenues par l’agence au-delà de la convention.


Un budget est-il déjà déterminé ?

Non. Il sera déterminé en fonction des objectifs attendus. Nous ne promouvons pas aujourd’hui ce label universitaire car l’arrêté est assez contraignant. Nous ne disons pas que les MUSSP sont le nec plus ultra. Ce n’est pas le discours de l’agence, même si nous pensons que la recherche en soins primaires contribue à attirer des professionnels de santé sur un territoire, et ainsi à renforcer l’accès aux soins.


Est-il prévu de signer d’autres conventions accordant le statut universitaire à des structures d’exercice collectif ?

L’ARS a déjà contractualisé avec la MUSSP de Fontainebleau (Seine-et-Marne) et de Sucy-en-Brie (Val-de-Marne). D’autres signatures suivront dans les prochaines semaines : les centres de santé de Pantin (Seine-Saint-Denis), la MSP de Montigny-le-Bretonneux (Yvelines) et la MSP de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne).

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