Article publié dans Concours pluripro, septembre 2023
 

Raphaël Dachicourt, vous êtes, depuis le 16 juin, le nouveau président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR). Quels sont vos premiers chantiers ?

Le tout premier est celui de l'accès aux soins. Parce que c'est le plus urgent et que c'est notre rôle en tant que médecin généraliste de répondre aux besoins de la population. On planche sur ce chantier depuis des années, il n'y a pas de grande nouveauté, si ce n'est qu'il y a besoin d'avancer et d'aller plus vite. Donc on continue à travailler sur l'offre de soins, la demande de soin et l'organisation du système de santé...

L'autre chantier est celui de la place des remplaçants. Ce qui rejoint, comme d'autres, la question de l'accès aux soins. C'est pour ça que je veux insister sur le fait que c'est la ligne rouge de notre mandat.

Le Plan d'action des 4 000 MSP stipule que la MSP pourra employer, "au nom de l'ensemble des professionnels", un assistant médical, qui ne serait plus l'assistant médical du médecin mais de l'équipe. Vous y adhérez ?

Tout à fait ! Que la MSP devienne employeur, c'est une évolution logique. L'objectif est aussi médical : la façon dont l'Assurance maladie "vend" l'assistant médical, c'est permettre de donner du temps médical en plus – on voit souvent ressortir ce chiffre de 10 % de patientèle en plus. Les objectifs sont aussi calqués sur les objectifs de patientèle du médecin traitant... Donc il y a une évolution à avoir. Oui, l'assistant médical doit évoluer sur un travail d'équipe, mais les indicateurs doivent évoluer aussi.

L'assistant médical doit évoluer sur un travail d'équipe, mais les indicateurs doivent évoluer aussi

Ce plan propose aussi de faire de la maison de santé un lieu de stage à part entière. Une bonne idée, selon vous ?

La coopération en MSP, les maisons de santé universitaires... Tout cela va dans le bon sens. Après, pour l'agrément de stage, on aborde des choses plus techniques et pointues. Ce qui compte pour nous, c'est que les conditions d'accueil d'un interne soient optimales : il doit être bien encadré, bien sécurisé et découvrir l'ensemble du fonctionnement de la MSP. Est-ce que cela doit passer par un agrément de lieu de stage par maison de santé, je ne suis pas sûr que ce soit l'unique solution, mais c'est une voie à creuser.

Quels sont les freins qui pourraient se présenter ?

Le premier, c'est celui de la maîtrise de stage. Il n'y a qu'en médecine qu'on a aujourd'hui un statut reconnu de maître de stage universitaire avec une formation ad hoc. C'est une demande forte des sages-femmes notamment. Et on devrait pouvoir se questionner sur son développement dans les autres professions pour garantir cette professionnalisation et cette qualité d'enseignement.

La formation, c'est apprendre à apprendre : ce sont des notions de pédagogie, de droit des étudiants, de respect des droits en stage, ou de la prévention contre certaines formes de violence, des risques psychosociaux... Cette formation à la formation est essentielle car elle permettra de préparer des formateurs pertinents, adaptés et surtout sécurisants.

J'ai fait mon dernier stage d'internat en maison de santé. Et il avait été convenu que je passe une demi-journée avec l'infirmière, la diététicienne, le kiné... Une façon de voir les différents pans de la MSP et les fonctionnements du travail en équipe, et de savoir ce que font les autres. Et ça, les étudiants le demandent ! Dans certaines facultés, il y a des échanges avec certaines pharmacies ; plusieurs internes demandent à réaliser les stages femme/enfant chez les sages-femmes en libéral parce qu'elles ont des compétences spécifiques. Ça peut clairement faire partie de la maquette d'avoir un pan de sa formation à l'hôpital, chez une sage-femme, un gynécologue, un médecin généraliste...

 

La loi Rist a souvent été condamnée notamment sur son volet pluriprofessionnel. Comment se positionne ReAGJIR sur ces questions ?

On s'est toujours positionné en faveur du travail d'équipe interprofessionnel, cela fait partie de notre identité. On a été assez actif sur les propositions de cette loi. Ce qui était important, c'était de garder la notion d'équipe. Agnès Firmin Le Bodo l'a très bien dit lors de la Journée de l'exercice coordonné (JeXCo) [voir p. 8] : l'exercice coordonné, la collaboration, ça ne se décrète pas. Et notre message, c'est qu'il faut laisser le maximum de souplesse au local pour que les équipes arrivent à formaliser un fonctionnement qui leur convient sans que ce soit imposé.

 

Justement, lors de la JeXCo, beaucoup ont dit que le rapport de quatrième année de médecine générale manquait d'ambition. Partagez-vous cet avis ?

Déjà, la première question : pourquoi cette quatrième année ? On entend des objectifs de professionnalisation, de pédagogie, mais, aujourd'hui, on n'a aucune preuve réelle de l'apport de cette quatrième année. La deuxième question, c'est la façon dont elle a été actée : c'est précipité, aucun texte n'est sorti, on a des étudiants qui sont en panique... Toutes les conditions sont réunies pour que ce soit une source de stress à la fois pour les départements de médecine générale, qui n'ont toujours pas les moyens d'encadrer correctement ces étudiants, pour les étudiants qui ne savent pas ce qui les attend, pour les professionnels de terrain... Ce qui nous pose problème, c'est la maîtrise de stage. Ce rapport dit que le maître de stage ne serait pas forcément sur le lieu d'exercice... Quid de sa responsabilité en cas de problème ? Ces questions ne sont pas tranchées aujourd'hui.

Oui, il y a un manque d'ambition, d'autant que cet accès unique sur le libéral omet les centres de santé – ce qui a été très bien dit par Julie Chastang lors de la JeXCo. Prenons Paris, où la majorité des lieux de stage ambulatoire sont des centres de santé, quid de l'attractivité de ce type d'exercice ? Il y a un équilibre à trouver et on sent que tout va très vite, trop vite et qu'on ne prend pas le temps de faire les choses bien.

Il y a 5 % de remplaçants sur toutes les spécialités. En médecine générale, le ratio est de 1 remplaçant pour 10 installés. On voit bien que les comptes ne sont pas bons

L'Atlas de l'Ordre a révélé les derniers chiffres des remplaçants. Les institutionnels aimeraient qu'ils s'installent plus vite...

Il y a une certaine ambivalence : d'un côté, on veut que tout le monde s'installe ; de l'autre, on veut permettre aux professionnels de se former, de prendre des vacances... Un remplaçant, ce n'est pas un mercenaire. Ce n'est pas quelqu'un qui va à la chasse à l'argent et qui désorganise. Non, c'est un relais dans la continuité des soins. Il y a 5 % de remplaçants sur toutes les spécialités. En médecine générale, le ratio est de 1 remplaçant pour 10 installés. On voit bien que les comptes ne sont pas bons. On ne peut pas permettre à tout le monde de se former, d'avoir un congé maternité, etc. sans fermer le cabinet si on n'a pas de remplaçant. Oui, aujourd'hui, on n'en a pas assez. Notre objectif, ce n'est pas d'enlever des professionnels installés pour qu'ils deviennent remplaçants mais de pérenniser un statut. Être remplaçant, ce n'est pas uniquement une phase de transition, c'est un rôle utile. Et, pour nous, ça passe par le conventionnement : c'est reconnaître un engagement de service public, ne pas précariser ces remplaçants, leur donner une place à part entière dans le système de santé, et un lien avec l'Assurance maladie pour la suite...

MSP et CPTS : est-ce que les jeunes qui s'installent s'y retrouvent ?

Les CPTS sont récentes, et si le terme commence à se diffuser, ça reste très théorique pour beaucoup. Ils n'arrivent pas à se reconnaître parce que, d'un point de vue extérieur, ils ont du mal à se le représenter. Il y a tout un enjeu dans la formation : former des jeunes professionnels, c'est leur faire découvrir l'exercice coordonné en pratique. La CPTS est un outil intéressant car elle permet de fonctionner en réseau, de s'ancrer dans le territoire et de découvrir les autres professionnels... En revanche, il faut comprendre et savoir ce que ça veut dire. Et aujourd'hui, on n'y est pas, on n'y est clairement pas.
 

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