Article publié dans Concours pluripro, mai 2023
 

Vous avez évalué la médiation en santé mise en place à La Case de santé. D'où est venu ce besoin ?

Nadine Haschar-NoéCe "besoin" s'insère dans un contexte favorisé par l'évolution des modes d'action publique combinant le sanitaire et le social et l'opportunité d'expérimenter des dispositifs participatifs. Cette évolution est réaffirmée, dans la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 et la Stratégie nationale de santé, par la place importante accordée à l'innovation et à la démocratie sanitaire. À la suite du rapport Saout (Cap Santé !, 2015) et de l'article 92 de la loi de 2016, ce duo expérimentation-évaluation s'est concrétisé dans un appel à projets pour "l'expérimentation de projets pilotes d'accompagnement à l'autonomie en santé". Dans son cahier des charges, le ministère propose de définir l'accompagnement à l'autonomie en santé comme la mise en oeuvre "d'actions d'information, d'éducation, de conseil et de soutien destinées à toute personne, ou à son entourage, éprouvant une vulnérabilité en santé, dans une visée de renforcement de ses capacités à opérer ses propres choix pour la préservation ou l'amélioration de sa santé". Les publics visés sont les personnes présentant une ou des vulnérabilités en santé (isolement géographique, familial ou social, pratiques à risque, précarité, etc.). Les projets doivent avoir pour objectif, notamment, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. La Case de santé s'est portée candidate à cet appel à projets et sera la seule lauréate retenue pour la région Occitanie. L'expérimentation a ainsi été financée par le ministère pendant cinq ans, de 2017 à 2021. En amont, elle a sollicité, comme le prévoit le cahier des charges, l'appui d'une équipe de recherche pour travailler sur le volet recherche-évaluation de son projet pilote que j'ai dirigé.

 

La Case de santé présente-t-elle une certaine particularité ?

Oui, des traits saillants singularisent l'organisation de ce centre de santé communautaire et ses pratiques professionnelles. Le fonctionnement de cette association, créée en 2006 à l'initiative d'un généraliste, repose sur une approche de santé communautaire inspirée de la charte d'Ottawa, des centres locaux de services communautaires québécois et des maisons médicales belges. Son projet de santé vise la réduction des inégalités sociales de santé et repose sur deux entités : un centre de santé en soins de premier recours construit en alternative à l'organisation libérale des soins primaires, et un pôle santé-droits, pour le service social, l'accès aux soins et aux droits en santé des populations vulnérables.

Sur les 3 200 personnes accueillies en 2021 à La Case de santé, 85 % connaissent des situations de vulnérabilité sociale, 90 % sont de nationalité étrangère, 75 % bénéficient de la protection universelle maladie… En 2021, les 27 professionnels salariés se répartissaient entre 5 médecins généralistes, 2 psychologues, 1 sage-femme, 5 assistants de service social, 5 médiatrices en santé, 3 membres du pôle de coordination administrative et financière, 4 accueillants, 1 coordonnateur de projet et 1 agent d'entretien auxquels s'ajoutent des stagiaires, des internes en médecine générale et des juristes bénévoles. En s'inscrivant dans une visée de santé globale qui inclut la prévention et la promotion de la santé, elle privilégie l'empowerment de ses usagers-patients et la dimension politique de la santé. Elle se définit comme un modèle alternatif de pratiques de "médecine générale avancée" et communautaire à contre-courant du modèle "traditionnel et biomédical" de la médecine libérale. Comme elle s'attache à prendre en compte l'ensemble des déterminants sociaux de santé et de déjouer la fabrique des inégalités sociales et territoriales de santé, elle milite pour une santé de proximité, intégrée et participative. Et soutient la participation active des usagers-patients et l'accroissement de leurs savoir et pouvoir d'agir individuellement et collectivement pour améliorer leur santé, leurs conditions de vie et leur accès aux droits.

Concrètement, comment se décline cette médiation en santé au sein de la structure ?

La médiation en santé constitue le coeur de son projet pilote "Médiation en santé et santé communautaire combinées à un service de santé de premier recours pour une plus grande autonomie en santé des personnes". Celui-ci vise à déployer et expérimenter trois axes de travail permettant de renforcer et déployer le projet originel de l'association en gardant les traits constitutifs de son approche en santé communautaire.

L'originalité est que projet pilote articule un dispositif d'accompagnement à l'autonomie en santé et les services de santé de premier recours. Il est structuré autour de trois axes : une dynamique de santé communautaire comme accélérateur d'autonomie en santé ; la médiation en santé comme levier d'autonomie en santé ; et la médiation en santé de premier recours comme nouveau métier de santé. Ce qui leur a permis de construire et de mettre en oeuvre :
– un dispositif combiné d'espaces collectifs organisés sur un mode territorial et des interventions pour renforcer l'autonomie en santé des personnes ;
– un dispositif de médiation en santé positionné comme pivot opérationnel du dispositif d'accompagnement, combiné et organisé autour de tous les professionnels, issus ou non d'une dynamique communautaire ;
– une démarche de définition d'un nouveau métier en santé de premier recours pour construire des formations et définir un référentiel métier.

 

RETOUR HAUT DE PAGE