Quel est le rôle de l’infirmière en pratique avancée (IPA) dans la lutte contre le renoncement aux soins ? Cette question, Aurélia Vinson se l’est posée pendant son mémoire de master… mais sa réflexion était déjà largement nourrie par son expérience de terrain. Bien que jeune diplômée [IPA depuis juin 2020, NDLR], elle évoluait au sein de la MSP de Villejean (Rennes) depuis trois ans, comme infirmière Asalée : suivi des patients diabétiques de type 2, dépistage de la BPCO, sevrage tabagique… Et lors de ses consultations d’éducation thérapeutique, les patients évoquent des situations de renoncement aux soins.

C’est en 2017 qu’elle découvre cette maison de santé implantée dans un quartier prioritaire de la politique de la ville « avec une sur-représentation des personnes en situation de précarité ». La prise en charge proposée est différente de celle qu’elle avait connue, « parce que les problématiques du quotidien sont différentes. Mais je ne comprenais pas pourquoi les gens ne venaient pas en consultation, et cela sans prévenir ». Elle se met alors à chercher les réponses auprès des principaux concernés. « Ils n’ont pas toujours la maîtrise de leur emploi du temps. Par exemple, ceux en intérim peuvent être sollicités à tout moment, ceux qui sont en attente de papiers peuvent être arrêtés… Les gens ont des choses dans la tête qui sont prioritaires par rapport à leur santé. »

De la théorie à la pratique

La question du renoncement aux soins étant « un axe primordial dans notre projet de santé », elle décide d’y consacrer son mémoire de master*. Son objectif : comprendre les raisons afin de définir les leviers d’action. Son étude révèle des raisons multifactorielles, qu’elle catégorise en quatre axes, dont deux formes déjà conceptualisées par Caroline Desprès, médecin anthropologue, précise-t-elle : « Le renoncement barrière (la personne veut se soigner mais un élément l’en empêche : finances, discrimination sociale…), le renoncement refus (elle ne veut pas de soins), puis deux autres formes que j'ai conceptualisées : le renoncement non-déclaré (la personne résiste à la douleur par habitude culturelle) et le renoncement clinique (symptôme dans un cadre clinique plus global, en psychiatrie par exemple). »

Face au renoncement aux soins, il faut une prise en charge pluridisciplinaire et individualisée, insiste-telle : « De plus, il faut sortir du cabinet pour aller à la rencontre du patient. » Ce qui la conduit à proposer, en lien avec le Dr Emmanuel Allory, médecin généraliste, des pistes d’amélioration au sein de la MSP : sensibilisation des professionnels ; permanence hors les murs, communication adaptée à destination des publics allophones ; création d’une commission usagers favorisant le partenariat usagers-professionnels… Et pour « garantir un accueil inconditionnel, nous réfléchissons à une permanence d’un soignant au centre social », explique Emmanuel Allory.

La MSP a recruté une médiatrice en santé, qui aide à la valorisation des droits sociaux, accompagne dans le système de santé pour en faciliter l’accès aux soins et réalise des actions de promotion en santé. « On se concerte régulièrement, on discute des prises en charge… Chacun fait en fonction de ses compétences, précise Aurélia Vinson. Et la concertation psycho, animée par une psychologue de la MSP, permet d’aborder la posture soignante, une des clés dans la lutte contre le renoncement aux soins. »

* « Étude qualitative sur les dynamiques du renoncement aux soins dans un quartier prioritaire de la Ville de Rennes : quelles pistes d’action pour une IPA. »

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