Article publié dans Concours pluripro, juin 2025
 

Médecin psychiatre, Caroline Agostini est aussi cheffe du service sport-santé de l'Établissement public de santé mentale (EPSM) de Caen. Depuis son ouverture en 2017, ce service "fait la promotion" de l'activité physique pour les patients atteints de troubles psychiques. "On a compris que, sur le territoire, ces troubles interrogeaient et faisaient peur", reprend la médecin, qui propose cette activité physique depuis 2009. Aujourd'hui, les séances de sport "sont toujours dispensées dans le cadre des soins" et sur ordonnance. "La prescription médicale est obligatoire et vient des praticiens de l'hôpital ou des médecins libéraux (psychiatres et généralistes)." L'idée étant d'accompagner les patients car "il n'y a pas de santé mentale sans activité physique". Et pour ça, rien de mieux qu'une équipe bien formée. "Dans le service, on compte deux aides-soignants éducateurs sportifs, un infirmier éducateur sportif et une enseignante APA formée aux premiers secours en santé mentale, qui est aussi la cadre du service." Une double casquette spécifique à cette unité, qui permet une relation "rapprochée" entre soignants et patients.

Athlétisme, badminton, basket-ball, pétanque, cyclisme, escrime, gymnastique, randonnée pédestre, tennis, voile... Plus de 20 disciplines sont proposées. "Ici, on essaie d'intégrer l'activité physique à leur quotidien, car ce sont des personnes avec des comorbidités somatiques dues à leurs pathologies." Des comportements – consommation de tabac, mauvaise hygiène alimentaire, inactivité physique – qui peuvent être associés aux troubles bipolaires, dépressifs, ou encore à la schizophrénie, à la paranoïa et aux névroses obsessionnelles. Chaque patient suit "2 ou 3 activités par semaine", et pour éviter le "décrochage", un "gros travail de phoning" est fait par les professionnels de santé pour garder le contact et "éviter tout sentiment d'abandon".

 

Vers la déstigmatisation des troubles psychiques

Autre bienfait du sport-santé : la sociabilisation. "Pour ça, on se sert de plusieurs leviers, raconte la psychiatre. L'activité en groupe mais aussi des séjours voile ou multisport, proposés par l'association Sport-en-tête." Des moments de partage enrichissants qui permettent aux soignant de voir si les patients parviennent à être autonomes. Mais si tout le monde a conscience de l'intérêt de l'activité physique, "il faut aussi le faire comprendre aux patients atteints de troubles psychiques". À Caen, le sport "aide à la déstigmatisation de la santé mentale", "une activité à leur rythme", précise Caroline Agostini. De quoi aider le patient qui s'auto-stigmatise "à se défaire de sa propre vision moralisatrice en se disant 'J'en suis capable'".

Avec 300 patients dans sa file active et 140 de façon hebdomadaire, l'EPSM de Caen se fixe chaque année de nouveaux objectifs. "En ce moment, on travaille pour accompagner le patient vers l'extérieur", en l'encourageant à venir seul aux séances de sport, qui peuvent être dispensées au sein de l'EPSM, au gymnase situé à 500 mètres de l'hôpital, mis à disposition par la ville, ou encore à la base nautique pour les cours de voile. "On ne veut pas qu'ils se sentent abandonnés, mais on les autonomise en les faisant se déplacer seuls." Certains patients ont d'ailleurs déjà pris des licences dans des clubs locaux et continuent de se rendre régulièrement à l'EPSM.

Soutenu par la ville, le département, la région, l'ARS, les clubs et associations locales, l'établissement "déstigmatise la santé mentale" et espère "un jour, pouvoir s'ouvrir vers les pédopsychiatres".

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