Une fois encore, les Nord-Américains popularisent un terme qui n’a pas d’équivalent évident en France. Il s’agit de « collaborative », à la fois adjectif et substantif, qui désigne une action concertée, menée en commun. S’agissant de professionnels de santé regroupés, c’est de l’exercice coordonné, collaboratif, le cas échéant en équipe constituée, qu’il est question. Dans la littérature anglo-américaine qui nous intéresse, « collaborative » est souvent associé (et précédé par) au mot « learning ». Il s’agit alors d’une communauté d’apprentissage ou d’un programme d’apprentissage fondé sur un travail en commun.

De la théorie à la pratique

Dans le cas des soins primaires et de leur réorganisation en cours dans l’ensemble des pays développés, on retrouve des applications de ces « learning collaborative » aussi bien à l’université que dans la pratique quotidienne. Voici deux exemples.

1) À l’université, et plus précisément à l’école de médecine de Harvard, soucieuse, depuis 2012, de mieux préparer ses étudiants aux soins primaires. Pour cela, un programme, « Transforming Primary Care Practice and Education », préparé dans le cadre d’une « Harvard Medical School Academic Innovations Collaborative », a été proposé aux résidents. Ce programme se déploie sur deux années, pour l’essentiel au sein de 19 centres ambulatoires affiliés aux hôpitaux universitaires, accueillant 450 résidents et assurant les soins d’une population de 260 000 malades.

Trois séminaires annuels d’une journée et demie rythment le programme : sont particulièrement mis en exergue les apprentissages partagés à partir de retours d’expérience et la définition des objectifs de progression (avec le soutien de tuteurs). Entre chacun de ces séminaires, un suivi mensuel comporte des questionnaires d’auto-évaluation, des « webinars » et des visites sur sites des tuteurs.

L’équipe de Harvard avait retenu quatre priorités pour ce programme : améliorer le fonctionnement de l’équipe et le leadership ; organiser une gestion « proactive » (en particulier prévention/éducation) de différents groupes dans la population suivie ; assurer un suivi personnalisé des malades complexes ; favoriser l’implication et l’engagement des patients. Sur chacune, des améliorations substantielles (de 10 à 25 %) ont été obtenues aux évaluations des résidents réalisées en « baseline », puis après six, douze et dix-huit mois. Les auteurs indiquent aussi avoir établi un surcoût de l’ordre de 3 dollars par mois pour chaque patient suivi dans ce programme (surcoût financé par Harvard).

2) Au sein d’équipes de professionnels en exercice. C’est en 2013 que le Colorado Beacon Consortium – organisation de soins indépendante à but non lucratif opérant dans l’ouest des États-Unis – a lancé un programme de « learning collaborative » afin d’accélérer la maîtrise de l’outil informatique et des nouvelles technologies par les équipes sur le terrain, en particulier en zones rurales. Déployé sur trois années consécutives, ce programme était puissamment soutenu par des budgets votés à l’échelon fédéral. Les 51 équipes étaient regroupées selon leurs niveaux d’expertise et de motivation. Elles participaient à un cycle qui, sur douze à dix-huit mois, alternait les séquences d’apport et de partage d’informations, les périodes de mise en œuvre pratique et les séances de retours d’expérience et d’analyse. Le tout accompagné en continu par des consultants-experts et coachs.

Les résultats ont été positifs, indépendamment d’un surcroît de confort et du « bien- être » en exercice signalé par les participants. Ainsi, les équipes ont notamment constaté une fluidité du passage des malades sur les plateaux techniques ou en sortie d’hospitalisation, une meilleure utilisation (et moins de répétitions) de la biologie, une réduction sensible des incompatibilités médicamenteuses et des allergies, et davantage de facilité pour tirer des bénéfices des indicateurs de performance.

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