Article publié dans Concours pluripro, novembre 2023
 

L'ambition de développer des formations pluriprofessionnelles pour les métiers de la santé ne date pas d'hier. Ainsi, sans chercher à remonter au-delà, on trouve trace dès les années 1980, voilà près de quarante ans, d'une initiative prise en lien avec l'OMS par plusieurs facultés de médecine européennes afin d'organiser de tels cursus. Parmi ces facultés, on retrouvait alors Linköping en Suède, Maastricht en Hollande, Exeter en Grande-Bretagne et... Bobigny en France (qui affichait alors un statut d'UFR expérimentale – Unité de Formation et de Recherche, dénomination nouvelle des facultés en aval de la réforme de l'université consécutive aux événements de mai 68). Un réseau avait même été constitué entre ces facultés dans le but de créer des synergies et d'accélérer les choses.

Un ouvrage publié au Canada en 1994 reprend les réflexions qui prévalaient alors : les auteurs identifiaient plusieurs "freins" au développement d'une formation pluriprofessionnelle. D'abord, en background, la pauvreté des travaux de recherche permettant de préciser comment les différentes professions de santé se situaient et se percevaient les unes par rapport aux autres. Ensuite, l'opinion dominante, retrouvée chez la plupart des responsables de formation aux différentes professions de santé, selon laquelle "les questions de coopération ou même de travail en équipe n'étaient pas si importantes et ne valaient pas qu'on y consacre un temps précieux ou des ressources déjà limitées". Également, le constat que les cursus existants pour chacune des professions de santé étaient organisés comme des sortes de tunnel d'où les étudiants sortaient diplômés, avec le sentiment que seule leur profession "valait". En corollaire, chacune était largement ignorante du champ de compétences des autres. Enfin, que dans le cadre institutionnel, chacune était représentée et considérée avant tout isolément, en "silo". Bref, des obstacles se dressaient devant une perspective de formation pluriprofessionnelle... et il y a tout lieu de penser que ces barrières n'ont pas été abattues. Pourtant, si elles sont loin d'être généralisées, de telles formations existent en Europe ou en Amérique du Nord et ont déjà été évoquées dans ces colonnes (Le travail en équipe (Teamwork) à la faculté, Les systèmes de soins des pays nordiques, Interprofessional education : Linköping, vingt ans de recul, etc.).

 

Une même finalité

Pour approfondir la question, on peut relire avec profit ce qu'écrivait en 2020 George E. Thibault, au terme d'une carrière de plus de quatre décennies à Harvard Medical School et dans les hôpitaux affiliés ou au Department of Veteran's Affairs mais aussi responsable de Partners HealthCare, l'organisation de soins intégrés, de l'Institut des professions de santé de Boston et chairman de la Josiah Macy Jr Foundation, principal organisme non gouvernemental dédié à la promotion de la santé via la formation des professionnels. Son préalable est que d'éventuelles réformes de la formation et de l'organisation du système de santé doivent être coordonnées (ce qui est souvent négligé) et tendre à une même finalité ; il est même vain d'engager la première si le second n'y est pas adapté... Au-delà, la priorité à mettre en oeuvre est la formation initiale pluriprofessionnelle, afin de bien préparer les étudiants à une pratique coopérative et coordonnée. Les résultats probants obtenus sur le terrain – en particulier quand il s'agit de malades complexes et de sujets polypathologiques – étant bien établis. Il poursuit en rappelant l'intérêt des déterminants sociaux de santé, du renouvellement continu des compétences et d'une maîtrise des nouvelles technologies.

Pour finir, on peut rappeler la production par la Josiah Macy Jr Foundation, en 2010, d'un rapport intitulé "Quels professionnels assureront les soins primaires et comment auront-ils été formés ?". Tout y est dit (ou presque) en six feuillets de la version courte.

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