Article publié dans Concours pluripro, février 2025

Dans le champ de la santé mentale et de la psychiatrie, les rapports, livres blancs, communiqués, signaux d’alarme émanant des familles, de patients et des professionnels se succèdent année après année. En France, les problèmes de santé mentale concernent 30 % de l’activité des médecins généralistes et touchent 13 millions de nos concitoyens, soit un cinquième de la population. Pourtant, 10 % des postes d’internes restent vacants chaque année : la spécialité traverse une grave crise des ressources, tant humaines que matérielles, ce qui entraîne une véritable détérioration de la prise en charge des patients. Le 1er octobre 2024, Michel Barnier, alors Premier ministre, avait décrété que la santé mentale serait la Grande Cause nationale 2025. Son successeur, François Bayrou, avait ensuite réaffirmé que la « santé mentale [devrait] être la Grande Cause nationale 2025 ». Cette « Grande Cause nationale » décrétée par nos politiques sera-t-elle un vrai tournant répondant à une réelle prise de conscience de tous ou un coup d’épée dans l’eau ?

Pourtant, les solutions existent et n’attendent que de vrais (et forts) choix politiques, ainsi que la mise en place d’actions concrètes, fondées sur des dispositifs ayant de vraies plus-values. Les solutions à « courte vue » entretiendraient les maux chroniques de notre système de santé. Pour atteindre les objectifs prioritaires fixés par la « Grande Cause », plus encore que pour d’autres problématiques de santé, la santé mentale nécessite de prendre en compte plusieurs facteurs.

Le premier, c’est la nécessité d’une approche globale de la personne et des situations grâce à l’implication de professionnels des champs sanitaire, médico-social et social, y compris en proximité. Ensuite, il est impératif de prendre en compte le « parcours de vie » du patient, avec ses multiples déterminants (sociaux, éducatifs, environnementaux…) mais aussi de réaliser une gradation des ressources répondant aux différents niveaux de besoins : prévention, repérage, soins gradués avec un bon usage de chaque professionnel et de chaque étage du système de soins. Enfin, le respect des échelons territoriaux, en allant au plus près des personnes, jusqu’au dernier kilomètre. Il ne suffit pas de repérer, il faut pouvoir apporter des réponses en termes de soins adaptés. Une évolution radicale des pratiques et des organisations est donc indispensable pour permettre le décloisonnement des secteurs, le travail en équipe coordonnée ainsi qu’un bon usage des (rares) ressources pour répondre à deux enjeux complémentaires : le travail en équipe en soins primaires entre professionnels de proximité et la coordination avec les acteurs de la psychiatrie sur un territoire.

Pour y parvenir, des dispositifs pertinents, adaptés aux pratiques, plébiscités par les professionnels, existent sous forme de dispositifs de coordination MG-psychiatrie, de projets « fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie » et/ou « article 51 », comme le dispositif de soins partagés en psychiatrie (DSPP) et Sesame… Sur le plan territorial, les contrats locaux de santé et les conseils locaux de santé mentale, en proximité, et le développement des projets territoriaux de santé mentale (PTSM) permettent un diagnostic partagé et l’élaboration de feuilles de route et d’action dans lesquelles chacun peut trouver sa place, en fonction de ses compétences. Le temps est venu de capitaliser à partir de toutes les innovations organisationnelles et des modalités déjà existantes, tout en s’appuyant sur ces projets « pépites », plutôt que de créer encore des structures ou de lancer des appels à projets.

Mais la vraie évolution de cette « Cause » serait un changement de paradigme, une évolution culturelle, vers un retour sur plus d’humanité, d’un système de santé malade du court terme, et du « toujours plus technique » en oubliant les personnes ! Car si la santé mentale nécessite du temps et de la coopération, elle est surtout et avant tout l’affaire de tous. 

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