Docteur en santé publique, membre d’une unité de recherche de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et kinésithérapeute, Anthony Demont est multi-casquettes. "Je me suis très rapidement intéressé à la recherche, affirme-t-il. Avec notre équipe au sein de l’Inserm, nos recherches portent notamment sur l’organisation des soins en ville, avec un focus particulier sur l’accès direct aux professions paramédicales comme les kinésithérapeutes." L’idée, derrière ces études de terrain, "reste d’analyser comment l’organisation des soins en ville peut être optimisée pour répondre aux besoins des patients."

Au coeur de cette approche, la collaboration entre chercheurs et professionnels de santé est essentielle. En associant les savoirs académiques et l’expérience du terrain, la recherche organisationnelle offre des solutions coconstruites. Une dynamique participative qui espère ancrer durablement les changements dans les pratiques.

"Aujourd’hui, la recherche menée dans plusieurs pays montre que l’accès direct aux kinés permet de réduire les délais de prise en charge et d’améliorer la satisfaction des patients. C’est une avancée significative pour les soins primaires." La satisfaction des patients, mais aussi celle des généralistes, "en réduisant les consultations à rallonge pour des symptômes que peuvent directement prendre en charge les kiné". Mais pour garantir un accès direct cohérent, des ajustements s’imposent, explique Anthony Demont. "C’est important d’évaluer le niveau de formation des kinés. Et déterminer s’il y a des différences de niveau qui pourraient jouer sur la sécurité de la prise en charge." Car si le développement professionnel continu des kinés est une obligation déontologique, "seuls 25 à 30 % des praticiens effectuent réellement une action de formation".

 

Du gagnant-ganant

Par ailleurs, un autre pan à prendre en considération est la modification du temps de travail. "L’accès direct peut potentiellement augmenter les délais d’attente, détaille Anthony Demont. Les professionnels devront “prioriser”. Et aussi prévoir des créneaux d’urgence disponibles dans la semaine, comme le font les médecins." Une habitude de pratique que les kinés ne connaissent pas suffisamment mais qui pourrait s’avérer très bénéfique pour les patients. "Cela permettrait de remettre rapidement en activité les patients atteints de troubles musculosquelettiques et ainsi éviter le risque que leurs douleurs se chronicisent." Une façon de réduire les cas complexes à traiter. « Derrière, ça garantit une baisse des dépenses de santé pour l’État, mais aussi moins de consultations réalisées et moins de handicap pour le patient. » Un combo gagnant, d’après Anthony Demont. "Au Royaume-Uni, au Canada, en Australie, aux Pays-Bas, en Suède et aux États-Unis, ils ont identifié une réelle réduction des prises en charge grâce à l’accès direct."

L’accès direct en exercice coordonné, est-ce la seule solution ? "Pas du tout, répond Anthony Demont. Un kiné n’est pas obligé d’exercer en centre ou en maison de santé pour que l’accès direct soit efficace." Pour celui dont la recherche fait partie du quotidien, l’important n’est pas la pratique en équipe mais le travail en équipe. "Si on autorise l’accès direct uniquement en MSP ou en CDS, cela va réduire sa portée, explique-t-il, car tous les kinés ne pratiquent pas de cette façon." En revanche, connaître les médecins exerçant sur son territoire reste primordial. "Il faut que les professionnels communiquent, mais cela n’existe pas uniquement dans l’exercice coordonné tel qu’il est décrit dans la loi Rist. Cette communication permet au patient d’être orienté rapidement", affirme celui pour qui la nationalisation de l’accès direct aux kinés ne devrait pas dépendre du type d’exercice, "comme le montrent les résultats chez nos voisins européens".

 

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