Article publié dans Concours pluripro, janvier 2025
 

Au fil des années 1990, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait alerté sur ce qui est maintenant devenu un truisme : le "défi des maladies chroniques". Les systèmes de santé, singulièrement dans le périmètre des pays développés, allaient être confrontés à une double charge jusque-là inconnue. D'abord, sur les ressources humaines qu'il allait falloir mobiliser pour assurer l'accompagnement et les soins de malades chroniques polypathologiques, ou le cas échéant en perte d'autonomie, de plus en plus nombreux. Et ensuite, en conséquence, sur la charge financière qui en résulterait, jusqu'à mettre en péril la soutenabilité des politiques sociales mises en oeuvre depuis plus de cinquante ans.

Et l'OMS poursuivait en appelant à une réforme en profondeur des cursus de formation de l'ensemble des professions de santé en observant que l'accompagnement et le suivi de malades chroniques faisait appel à un ensemble de compétences sensiblement différentes des corpus enseignés dans nos facultés et instituts, où le "curatif" et les interventions "ponctuelles sur des épisodes aigus" constituaient l'essentiel des programmes. Force est de reconnaître en 2025 que cette réforme en profondeur n'a pas été menée à terme...

 

"Care provider" et "community leader"

Et pourtant, sur le difficile cheminement de l'évolution des métiers de la santé, des suggestions puissantes étaient venues, dès 1992, de la Division du développement des ressources humaines pour la santé (OMS Genève), dont le responsable assurait la diffusion d'un concept novateur : le five-star doctor. Ce médecin, professionnel de la santé au service de l'ensemble de la population, devait pouvoir assumer cinq rôles principaux :

– dispensateur de soins (care provider) : il prodiguera certes des soins individuels, mais en tenant compte des besoins globaux d'un patient tant sur le plan physique et mental que social ;

– décideur (decision-maker) : le médecin devra prendre des décisions se justifiant sur le plan de l'efficacité et du coût. De toutes les prestations possibles susceptibles d'agir sur une condition de santé, il choisira celle qui lui semblera être la plus appropriée, au meilleur des intérêts individuel et collectif ;

– communicant (communicator) : les habitudes de vie telles que les mesures de sécurité au travail, la recherche d'un équilibre dans l'alimentation, le choix des loisirs, le respect de l'environnement, etc., influent de façon déterminante sur la santé. Le médecin de demain aura donc la responsabilité de motiver les individus, familles et collectivités à privilégier des modes de vie sains ;

– conscient des besoins de la communauté (community leader) : en identifiant les déterminants de santé, inhérents à l'environnement physique et social, et en appréciant l'ampleur d'un risque pour la santé, il ne se limitera pas à rendre des services aux seules individualités mais cherchera l'intérêt du plus grand nombre ;

– animateur/gestionnaire (manager) : pour pouvoir s'acquitter des fonctions décrites plus haut, le médecin de première ligne verra sa pratique changer considérablement à l'avenir. Une capacité de gestionnaire sera attendue de ce médecin qui se verra confier la tâche d'animateur d'une équipe ou d'un réseau de services.

À relire ces cinq rôles, alors que 2025 débute, on peut simplement observer que l'OMS projetait, voilà plus de trente ans et dans le seul médecin traitant, la plupart des missions qui sont maintenant assurées par des regroupements pluriprofessionnels incluant les services sociaux. On peut également constater, à l'échelle de la planète, que ces missions énoncées ci-dessus ne sont encore que trop inégalement et partiellement valorisées auprès des étudiants en formation initiale ou des professionnels en exercice. Le dossier de Concours pluripro de novembre 2023 faisait un point sur cette question. Dans l'Hexagone, elles avaient cependant été inscrites au programme du deuxième cycle des études médicales dès 2013, sans beaucoup d'effets...

 

RETOUR HAUT DE PAGE