[Article paru dans Concours pluripro, septembre 2025]
"Les vingt dernières années ont vu se produire des évolutions sensibles et simultanées, qui font que les choses ne sont plus 'comme avant'. D’abord les responsables politiques locaux, à l’échelle des communes et des collectivités territoriales. Alors que la santé demeurait depuis toujours une sorte de domaine réservé des médecins (souvent notabilités), les difficultés d’accès aux soins faisant irruption dans la vie quotidienne au sein de divers territoires exposés, ont conduit, dès le début des années 2000, maires et conseillers généraux à s’impliquer. Il s’agissait alors de subventionner l’invitation, l’accueil, la venue et, si possible, l’enracinement de médecins – le cas échéant extra-nationaux –, appelés à remplacer les premiers départs à la retraite qui ne trouvaient pas de successeurs... Ces initiatives ont souvent fait long feu, mais l’accès aux soins, puis plus largement les questions de santé sont devenus une priorité des élus locaux attentifs aux besoins de leur population (le plus souvent vieillissante).
Ensuite les professionnels. Les évolutions sociologiques profondes, liées en particulier à la diversification des profils des étudiants engagés dans la filière médicale depuis les années 1990, majorées par des mutations sociétales interrogeant la 'valeur travail' et rééquilibrant le rapport exercice professionnel/vie personnelle, ont contribué à une redéfinition de fait du modèle professionnel traditionnel et obsolescent. Ainsi, voilà des années qu’une installation en exercice individuel sous un statut exclusivement libéral ne constitue plus la finalité à laquelle aspirait une majorité en sollicitant une autorisation d’exercice au terme des années de formation initiale (de là provient, au passage, la hausse – et la prolongation – considérable des "remplaçants" insatisfaits des statuts classiques d’installation offerts).
Dans ces conditions, une transition progressive s’opère heureusement sous nos yeux vers un exercice sollicitant davantage une pluriprofessionnalité pour les malades qui en éprouvent le plus grand bénéfice et diversifiant ses modes de rémunération. Cela en dépit d’une préparation insuffisante, autant par les facultés et instituts que par les organisations/institutions professionnelles et les administrations, les unes et les autres trop attachées à une vision monoprofessionnelle. Si bien que sur le terrain, collectivités et professionnels se retrouvent et convergent pour organiser une santé elle-même de plus en plus attentive à ses déterminants ou ses inégalités."