Article publié dans Concours pluripro, avril 2025
 

Il y a trente ans, "on disait déjà 'Le système de santé est en crise'", se souvient Bernard Jomier. Pour son intervention à Sciences Po, fin mars, le sénateur a évoqué certaines crises qui ont "porté des thématiques particulières", "toujours vivaces", pour ensuite questionner si elles "font système" et mettent en lumière la nécessité d'une "mutation profonde". Et "si oui, laquelle ?".

Bernard Jomier met d'abord en regard deux crises infectieuses. La grippe A(H1N1), en 2009, avec ses 320 morts, qui a "provoqué une réaction extrêmement importante". Et la grippe de Hong Kong (1968) et ses 40 000 à 50 000 morts, dont l'opinion et la presse se sont désintéressées. Une différence qui montre que "ce qui fait la crise, c'est l'interaction". Avec l'épisode de la maladie de la vache folle (fin des années 1990), on parle de "crise" car, pour la première fois, est évoqué le franchissement de la barrière des espèces. "C'est la première crise du 'One Health'", avant que le concept n'existe. Quant au VIH, identifié en 1983, il marque le pays, car "la société et les soignants voient à nouveau des jeunes gens mourir en masse dans les hôpitaux", ce qui n'était pas arrivé depuis la tuberculose. Cette crise sera un moment fondateur de la démocratie sanitaire.

La canicule de 2003 a entraîné 15 000 décès, et a fait apparaître, pour l'opinion, le lien entre climat et santé. Bernard Jomier arrive enfin sur la crise de l'offre de soins – inégale territorialement et socialement –, qui ne "cesse de grandir" et "exprime, de la part du corps social, le fait que les élites n'écoutent pas et n'apportent pas de réponse". Ces crises, observe-t-il, ont évolué dans le contexte de la crise financière, très ancienne, puisque le premier plan pour affronter le déficit de la Sécurité sociale remonte "au mitan des années 1980".

 

Revoir la fabrication du budget

Si les crises entraînent des réformes, il déplore que celles-ci soient en réaction (et issues de masses financières préexistantes), et non par anticipation, sur la base de réflexions tournées vers l'atteinte d'objectifs de santé publique (précédant une allocation de moyens). Certes, "on n'a jamais autant légiféré sur la santé que ces vingt dernières années", mais les réponses sont "partielles", il n'y a eu que "très peu" de lois structurantes, et ce schéma de pensée invisibilise les problèmes de santé publique. Pour Bernard Jomier, "une politique de santé ne peut pas être pensée à partir des crises".

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