"Déjà tout petit, je voulais être médecin, se rappelle le Dr Ruelle. Pour moi, il y avait un côté un peu magique avec le praticien qui nous soigne dès que l’on est malade." Son modèle ? "Mon médecin traitant ! Car personne dans mon entourage ne travaillait dans le secteur de la santé." C’est à Nancy qu’il effectue tout son cursus, avec l’idée d’exercer la médecine générale, et pas une autre spécialité. Ses études le confortent dans son choix. Mais "plus je faisais des stages à l’hôpital, moins j’aimais ce que j’y voyais. Les relations étaient très hiérarchisées entre les professionnels, les prises en soins très spécialisées, aux dépens d’une vision globale des patients en tant que personnes. Cela m’a même fait douter quelque temps sur mon futur métier car, à l’époque, je n’avais pas non plus de vision de l’exercice de la médecine générale." 

Dans le cadre de son résidanat, son premier stage dans le cabinet d’un généraliste ne le rassure pas : médecin isolé, qui enchaîne les actes en adressant à peine la parole à ses patients. C’est sa deuxième expérience en stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (SASPAS) qui va cette fois-ci le rassurer. "J’ai dû prendre une disponibilité pour effectuer ce stage car en 2007, nous essayions tout juste d’implanter les SASPAS pour augmenter la formation pratique des étudiants en médecine générale. Mais la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) qui finançait les stages à l’époque, a refusé de budgéter mon projet." 

Il effectue son SASPAS auprès d’un médecin exerçant seule dans une cité à proximité de Nancy, d’un praticien dans une maison de santé et d’un confrère dans un cabinet de groupe. "Ces trois médecins réunissaient la vision idéale que je me faisais de la médecine générale. Mais ce qui me dérangeait, c’était le côté libéral." Et d’expliquer : "J’ai toujours considéré la santé comme un bien public indépendant des moyens des patients. Et réclamer un chèque à la fin de la consultation m’a toujours posé problème"


Trop de contraintes en libéral

Après ses études, le Dr Ruelle commence par effectuer des remplacements dans le Limousin puis en région Poitou-Charentes. "J’ai alors eu mes premières velléités d’installation car ma relation avec les patients me plaisait, mais l’aspect administratif de l’exercice libéral me rebutait." C’est dans le Marais poitevin, à la campagne, qu’il décide d’élire domicile et de finalement s’installer dans un cabinet de groupe avec deux autres médecins et un chirurgien-dentiste. "Nous avions un beau projet de maison de santé avec les paramédicaux du territoire, se souvient-il. Nous avons aussi commencé à avoir des contacts avec l’hôpital, mais le projet s’est arrêté car les élus n’étaient pas d’accord sur le lieu d’implantation de la structure." 

À cette même période, sur les six médecins du territoire, plusieurs décident de quitter la région. "Je me suis retrouvé tout seul avec le chirurgien-dentiste à devoir gérer les questions administratives, le salaire de la secrétaire, les problèmes avec la société civile immobilière (SCI), j’ai décidé d’arrêter avant de faire un burn out." Inconcevable pour le Dr Ruelle de recommencer les remplacements. "J’ai réfléchi et je me suis dit que j’allais tenter d’aller vivre en ville, pour accéder à l’exercice salarié de la médecine, dans les centres de santé." Il se rapproche de deux confrères, dont le médecin directeur des CMS de Pantin, et décroche un poste. En septembre 2012, il s’installe en Seine-Saint-Denis. "Dès les premiers jours, j’ai respiré. Finir ma journée de consultations sans avoir à compter mon argent, sans avoir à gérer le secrétariat et pouvoir me concentrer sur mes consultations, c’était ce que je recherchais."


Partage des savoirs

Dès les premiers mois, il s’organise pour développer une offre d’IVG médicamenteuse à ses patientes afin de répondre à leur demande. Intervention en milieu scolaire sur la sexualité et la contraception dans le cadre de l’activité du planning familial intégré au CMS, dispositif Asalée, éducation thérapeutique du patient sur le diabète, l’asthme, la nutrition-obésité, protocole de vaccination par les infirmières en charge du calendrier vaccinal : les activités mises en place au sein du CMS sont nombreuses. "Entre les trois CMS de Pantin, nous avons aussi instauré des concertations pluriprofessionnelles tout comme en interne au sein de chaque centre", précise le Dr Ruelle.

Il décide également de développer la maîtrise de stage dès mai 2013. "J’étais déjà maître de stage à Poitiers, et j’ai voulu reproduire le modèle ici." Depuis, les quatre médecins généralistes du CMS sont maîtres de stage d’un interne de niveau 1, de deux internes SASPAS et d’un externe. Le Dr Ruelle endosse aussi un rôle universitaire en tant que directeur adjoint du département de médecine générale de la faculté de Paris-13, responsable de l’enseignement des internes. "J’ai toujours eu une petite appétence pour le partage du savoir, mais je n’avais pas du tout planifié une carrière universitaire", reconnaît-il. Dans l’enseignement qu’il propose, il souhaite sensibiliser les futurs médecins à l’approche sociale de la médecine.

"Lorsqu’on discute avec un patient, on constate rapidement que les déterminants sociaux ont un effet direct sur sa santé. On le voit d’autant plus avec le développement de la souffrance au travail, avec les problèmes d’habitat et de littéracie. Cette prise en compte de la part des médecins dépend en partie du milieu social dont ils sont issus. C’est tout le problème avec les études de médecine d’aujourd’hui et de la sélection en fin de première année. La majorité des étudiants sont issus de milieux sociaux privilégiés. Ils vont alors moins exercer la médecine générale, moins s’installer dans les quartiers défavorisés et moins développer une vision globale de la santé." À la faculté de médecine Paris-13, cette approche sociale est prise en compte. Le programme de patients-enseignants, mis en place en 2016, permet aux étudiants de découvrir l’influence des déterminants de santé chez les patients.


Engagement ordinal

Depuis septembre 2018, le Dr Ruelle est professeur associé à la faculté de Bobigny, un statut qui reste précaire puisqu’il s’agit d’un CDD renouvelable tous les trois ans. "Dans les CMS aussi le statut des médecins est précaire car nous sommes des agents non titulaires de la fonction publique territoriale", dénonce-t-il. L’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS), dont le Dr Ruelle est membre, plaide depuis de nombreuses années pour la reconnaissance d’un statut. "Cela pourrait améliorer l’engagement des médecins dans les territoires car les contrats précaires font peur, et nombreux sont ceux qui ne souhaitent alors pas s’engager. Aujourd’hui, 50 % des jeunes médecins aspirent au salariat mais seulement 2 % des médecins généralistes exercent en centre de santé…" 

L’engagement syndical n’était pas inné chez le Dr Ruelle mais "à la faculté de Nancy, je suis devenu président de l’Intersyndicale nationale autonome des résidents (Isnar) car à l’époque ce syndicat proposait une approche différente de l’organisation de l’offre de soins et des études". Le Dr Ruelle est aussi l’un des membres fondateurs du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR) dont il a été le président. Aujourd’hui, c’est pour la défense des CMS qu’il agit.

Bio express

Septembre 1997 : début des études de médecine à Nancy

Novembre 2003 : début du résidanat Novembre

2009 : installation en libéral dans le Marais poitevin

Septembre 2012 : arrivée au CMS de Pantin

Novembre 2014 : nomination comme maître de conférences associé à la faculté de médecine Paris-13

Depuis avril 2015 : membre du bureau de l’USMCS

Septembre 2018 : nomination comme professeur associé à la faculté de médecine Paris-13

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