C’est l’une des 37 actions de la feuille de route santé mentale et psychiatrie lancée en juin dernier pour "répondre aux défis de l’amélioration de l’accès aux soins et de l’accompagnement des personnes vivant avec un trouble psychique". En autorisant un forfait de 12 séances financées chez un psychologue libéral, l’expérimentation "Écout’Émoi", initiée en Île-de-France, dans le Grand-Est et les Pays de la Loire, vise à prendre en charge précocement la souffrance psychique chez les jeunes de 11 à 21 ans. Dans chaque région participante, 500 jeunes pourront bénéficier de consultations psychologiques en libéral, gratuites, sur prescription d’un médecin évaluateur (généraliste ou pédiatre).

Fixé à 32 euros, le montant de la consultation du psychologue, payée par les maisons des adolescents (MDA), ne peut faire l’objet d’un dépassement. "L’anxiété et la dépression chez l’enfant restent des phénomènes encore trop souvent banalisés. Ceux-ci peuvent être associés ou non à des troubles du neurodéveloppement […] Toutefois, toutes les souffrances psychiques associées ou non à des troubles du comportement ne justifient pas le recours à la psychiatrie, mais il est fondamental qu’un avis de psychiatrie infanto-juvénile puisse être sollicité autant que de besoin à chaque étape du parcours de l’enfant/adolescent", signale l’ARS Grand-Est.

Seul le département de la Meuse a, pour l’instant, commencé à intégrer les jeunes dans le dispositif, et en janvier 2019, huit jeunes en bénéficiaient. Portée localement avec l’appui des MDA, l’expérimentation veut associer des psychologues cliniciens en MDA, des médecins libéraux et scolaires, et des psychologues libéraux. "L’objectif est d’acculturer les acteurs en santé mentale et de favoriser le travail en réseau", souligne l’ARS Grand-Est. Alors que les acteurs locaux ont été informés et sensibilisés et les professionnels intéressés repérés, les chartes d’engagement sont en cours de signature et les formations de ces professionnels ont commencé. Au total, le budget de l’expérimentation s’élève à environ 2 124 000 euros pour les trois régions, soit 591 300 euros par ARS, hors évaluation. L’ARS Grand-Est a ajouté 60 000 euros accordés aux MDA pour le lancement du dispositif.
 

Un tarif qui agace

En région Pays de la Loire, seuls trois jeunes étaient inclus dans l’expérimentation sur le territoire de Saint-Nazaire au 31 janvier 2019. "Il n’y a pas encore d’inclusion sur le territoire de Cholet, nous sommes toujours en phase de sensibilisation des professionnels", indique l’ARS Pays de la Loire. Psychologue et coordinateur de l’expérimentation Écout’Émoi à Cholet, Loïc Portais précise le contexte : "La MDA s’installe tout juste. Nous sommes dans des locaux du conseil départemental qui ne sont pas encore bien identifiés et si tout le monde se retrouve sur cette bonne idée d’un parcours coordonné pour les jeunes, nous nous heurtons à des écueils : le manque de disponibilité des médecins généralistes qui sont tous surbookés à Cholet (près de 4 000 patients n’ont pas de médecin traitant) et le tarif de consultation des psychologues libéraux fixé à 32 euros, alors que la pratique habituelle se situe entre 35 et 45 euros. Certains psychologues butent sur cette question." 

Ces consultations sont "inutilement sur prescription médicale puisque la compétence diagnostique est inscrite dans la profession même et fait partie de l’exercice de la praxis psychologique", a ainsi dénoncé le Syndicat national des psychologues (SNP), refusant "la paramédicalisation des psychologues, les consultations psychologiques à 22 ou 32 euros […], la mainmise et le filtrage de la médecine sur la psychologie". Au sens légal du terme, les psychologues ne sont pas une profession de santé. Dans le code de la santé publique et dans le décret qui fixe la liste des professions représentées au Conseil supérieur des professions paramédicales, ils sont absents des professions médicales et auxiliaires médicaux. Ce qui signifie, pour le SNP, que le psychologue ne travaille pas sur prescription médicale.

À Saint-Nazaire et Cholet, six chartes d’engagement ont été signées, mais le réseau n’est pas encore suffisant alors qu’il faudrait une dizaine de psychologues dans chaque département et une douzaine de médecins (libéraux, scolaires ou universitaires).

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