Depuis quelques années déjà, une expression nouvelle et originale semble s’être imposée dans le lexique usité par les « experts » du système de santé. Selon cette expression, c’est le patient qui devrait être au centre du système. Entendez par là que c’est lui qui incarne le personnage essentiel, que ses perceptions et ses perspectives sont à prendre en compte de manière primordiale et que, pour finir, le système de soins tout entier est à organiser selon cette géométrie. Bigre !

L’injonction est d’autant plus impérative qu’elle est puissamment relayée par la littérature médicale scientifique anglophone. En particulier l’équivalent aux États-Unis de nos maisons de santé affiche le terme générique de patient-centered medical home (PCMH)*, ce qui met en exergue que la posture centrale du malade constitue l’objet essentiel du regroupement des professionnels au sein d’une medical home.

Justement, la relecture d’un auteur nord-américain largement impliqué dans la genèse puis la mise en œuvre de l’Obamacare permet d’éclairer le patient-centered. Cet auteur est Donald M. Berwick. Formé sur la côte est, d’abord en pédiatrie, puis assez vite en public health, il a été celui que l’administration Obama a mis en 2012, au terme de sa carrière, à la tête des centers of medicare and medicaid services (CMS) afin de réussir la réforme du système de santé.

Partenaire particulier 

Dès 2005, Berwick avait publié dans Annals of Internal Medicine un amusant article, titré « My right knee », où il contait son expérience de patient alors qu’il allait se faire poser une prothèse de genou… article dont l’analyse pourrait être utilement incluse dans le curriculum vitæ de nos étudiants. Puis en 2009, il avait commis dans Health Affairs une tribune où il documentait l’origine du patient-centered avant d’en indiquer les potentialités. On peut résumer cette tribune en une formule : avant tout, le déplacement du centre de gravité du système de soins (en termes de pouvoir et de contrôle) des médecins/ soignants vers les patients. Vaste programme.

Les collègues canadiens publient également sur l’implication croissante des patients dans le système de santé(2). À cette fin, une équipe pluriprofessionnelle de l’université de Montréal a développé depuis 2010 un programme de recherche et d’enseignement intitulé le Montreal model. En substance, il s’agit, par ce modèle multidimensionnel et dans une sorte de continuum, de favoriser l’engagement et le partenariat des patients aux différents échelons des soins, de l’organisation des services et de la gouvernance du système de santé.

On peut rapprocher ces initiatives nord-américaines des mesures annoncées en France dans le cadre du plan « Ma Santé 2022 » voilà tout juste une année. Trois des mesures privilégiées font référence à cette montée en puissance des usagers et des malades :

– mesurer la satisfaction des patients ;

– étendre et systématiser la mesure de la satisfaction des usagers pour l’ensemble des prises en charge ;

– intégrer le patient comme acteur de la formation et de l’évaluation des professionnels de santé.

C’est notamment sur ces bases que les malades deviendront de véritables acteurs de la « décision médicale partagée ». 

* Structure dédiée aux soins primaires en secteur ambulatoire, regroupant des équipes pluriprofessionnelles, dont il existait quelques unités voilà une dizaine d’années et qui sont désormais près de 15 000 réparties  sur l’ensemble des territoires américains  (et regroupant plus de  100 000 professionnels).

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